Ambiguïté du compromis
Nô-Life : situation déséquilibrée
Puis, nous avons mis en évidence les dispositifs
construits pour lancer le Projet Nô-Life au travers d'une série
d'actions et de communications, que nous avons tenté
d'interpréter en terme de la transaction sociale pour désigner le
type de dynamique de la relation sociale entre acteurs dans le processus de la
construction du Projet Nô-Life, ainsi que du transcodage pour
repérer la technique opérée pour la mise en relation des
acteurs institutionnels dans ce processus ; et ensuite du compromis pour
spécifier l'état de la relation sociale ainsi établie
entre ces acteurs.
Et nous avons constaté la présence de
l'idée du bien commun dans ce compromis. Bien commun dont la
signification donnée par les acteurs institutionnels est :
agriculture et ruralité ; les objets du Projet. Cette idée
constitua la base du compromis en supposant d'abord, selon Boltanski,
l'impossibilité de la sortie de crise à laquelle les parties sont
confrontées : crise agricole d'un côté, vieillisement
accéléré de la population de l'autre. Cette relation
implique qu'elle ne se base pas uniquement sur les intérêts
particuliers de chacune des parties, mais sur une idée qui les comprend.
Et cette idée, formulée comme « promotion de
l'agriculture de type Ikigai », implique inévitablement des
contraintes relevant de « grandeurs » de mondes dans
lesquels appartient chacun des parties, à savoir : monde agricole
professionnel d'un côté, monde des services publics locaux du
vieillissement.
Puis, comme le définit Thévenot, ce compromis
« cherche à être justifiable » dans son
principe en tant qu'une politique publique dans son application réelle
face à l'épreuve de la vie de ses usagers (stagiaires), et essaie
d'atteindre un « équilibre global ».
Par là, nous pouvons rejoindre l'approche de la
transaction sociale de M. Mormont, qui consiste également à
créer de nouveaux dispositifs alternatifs comme « cadre
stabilisateur » des anticipations des agents concernés, sur
lesquelles se basent leurs identités et intérêts sur le
long terme. Et ceci tout en dépassant les conflits dus aux
intérêts particuliers sur le court terme. Puis, il en est de
même du transcodage de P. Lascoumes, qui consiste à
« équilibrer » les dispositions divergentes des
agents.
Ce compromis implique nécessairement une
ambiguïté de son principe dans la mesure où il ne peut pas
mettre en cause les identités des parties. D'où la
présence de : contraintes liées à des grandeurs
incompatibles a priopri, objets hétérognènes relevant de
différents mondes, situation de de représentation et de pouvoir
déséquilibrée. Nous avons ainsi constaté une
situation de pouvoir déséquilibrée entre deux mondes
divergents (monde agricole professionnel et services publics locaux du
vieillissement), marquée par l'emprise réelle de l'ensemble des
agents du monde agricole professionnel, ainsi que par la position ambiguë
du gestionnaire principal du Projet (BPA) coincé entre ces deux mondes
divergents.
Et cette situation de pouvoir se reflète dans les
représentations sociales ancrées dans les positions de ces
acteurs. Du coup, les représentations portant sur la qualité de
vie et le lien social et territorial sont très faiblement
représentées (au sens politique du terme) par rapport à la
forte présence des représentations portant sur la production
matérielle relevant du productivisme agricole hérité de
l'histoire de la modernisation agricole japonaise. Ainsi, les pratiques
établies dans la formation Nô-Life sont également
orientées par cette vision.
|