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Dynamique des représentations sociales de l'agriculture et de la ruralité dans un contexte territorial du vieillissement de la population : Le cas du « Projet Nô-Life » de la Ville de Toyota au Japon


par Kenjiro Muramatsu
Université de Liège
Traductions: Original: fr Source:

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Caractère général des données

Dans cette partie, l'analyse est basée sur l'entretien effectué avec Monsieur S, directeur de la Direction des Activités agricoles de la CAT. Il a accueilli l'enquêteur (rédacteur) dans son bureau de la CAT pour répondre à nos questions, pendant près d'une heure et demi489(*).

Représentations

Consensus de base avec la Municipalité sur le développement de l'agriculture de type Ikigai
Problèmatique de base : manque de producteurs et mise en valeur de retraités salariés

Le manque de producteurs dû au vieillissement de la population agricole, et à la baisse des prix agricoles, constitue une préoccupation prioritaire pour la CAT. D'où le motif principal de la CAT pour s'impliquer dans le Projet Nô-Life afin de « former des agriculteurs (nôka wo tsukuru) 490(*) ». D'après l'explication de Monsieur S, le manque de porteurs dû au vieillissement est surtout aggravé chez les producteurs maraîchers dont la structure est familiale et non sous forme d'entreprises, et qui subissent le plus la fluctuation des prix agricoles.

Ensuite, pour faire face à cette situation de crise, un point de consensus se constitua entre la CAT et la Municipalité de Toyota : une nécessité de mettre en valeur les retraités salariés des foyers agricoles et non agricoles. Voici l'explication de Monsieur S :

« ... Cependant, on ne peut pas demander aux jeunes de faire le paysan. Mais si ce sont des retraités, comme ils ont leur pension, ça pourrait être possible. C'est pour cela que l'on a demandé au maire de faire quelque chose. On leur dit donc `faites le paysan !' 491(*)»

Idées de Monsieur S pour la Conception de l'Ecole rurale : « Ils ont un milieu pour jouer, un lieu d'existence »

Puis, Monsieur S nous a expliqué comme ci-dessous les idées qu'il avait lorsqu'il a proposé la « Conception de l'Ecole rurale » à la Municipalité de Toyota lors de l'élaboration du Plan de 96 :

« En fait, les gens autour de la génération baby-boom se sont souvent passés de faire le paysan. Par exemple, quand ils rentrent à la maison, leur grand-mère travaille aux champs. Mais eux, ils ne savent pas comment entretenir les champs et la ferme. Puis, est-ce qu'ils peuvent demander à leur mère comment le faire ? La réponse est non. Quant à l'épouse également, on fait rarement de conversation pour demander à sa belle mère comment cultiver les légumes etc. Dans ce cas, les savoir-faires de ces grand-mères n'ont qu'à disparaître. Si c'est comme cela, ça serait bien d'organiser des formations et de faire apprendre... D'où l'idée de l'Ecole rurale. Il y en a beaucoup qui ne connaissent pas l'agriculture alors qu'ils sont nés à la ferme. Eux, après leur retraite, ils ont des terrains agricoles chez eux. Puis, il y en a qui n'en ont même pas. Ils n'ont rien, en plus, s'ils doivent aller à l'hôpital tous les jours ? [Il est possible qu'] ils vont tous les jours à l'hôpital, sinon à Pachinko. Il y en a qui font comme ça. Mais quant aux foyers agricoles, la montagne est là, les champs sont là. Ils ont un milieu pour jouer, ce qui constitue également un lieu d'existence pour eux. Ensuite, y être tout simplement ne suffit pas, il faut faire quelque chose. Alors, il faut apprendre un petit peu l'agriculture. Mais ils ne la connaissent pas, donc on la leur apprend. Pour la coopérative agricole, s'ils peuvent ainsi devenir successeurs, c'est suffisant pour nous de s'adresser uniquement aux foyers agricoles. Mais si on travaille avec la Municipalité, elle veut s'adresser également au public, c'est-à-dire à ceux qui n'ont pas de terrains agricoles. C'est ainsi que l'on a fait appel aux personnes non agricoles pour lancer l'Ecole de l'agriculture vivante, il y a déjà 6-7 ans. »

Dans cette explication, il decrit la réalité du vieillissement des populations tant rurale qu'urbaine (ceux qui ont des terrains et ceux qui n'en ont pas). Quant aux foyers agricoles, c'est la grand-mère (ou le grand-père) qui entretient tout seul les champs, et alors que leur fils et son épouse ne s'en occupent pas.

La situation des foyers agricoles pluriactifs telle qu'elle a été decrite par Monsieur S, semble s'éloigner encore plus de l'image stéréotypée sur la pluriactivité des foyers agricoles au Japon, qui a été largement diffusée depuis l'époque de la Haute croissance : nous l'avons vu dans le chapitre 1, celle de « san chan nôgyô (agriculture de 3 chan) », il s'agit de l'agriculture de papie, de mamie et de maman. Cette désignation suppose que ces trois personnes s'occupent des champs, alors que le père (fils) va travailler tout seul à l'extérieur de la ferme. Dans la description de Monsieur S, on peut sentir que le temps a passé et que la situation des foyers agricoles pluriactifs a encore évolué aujourd'hui : les femmes vont davantage travailler en dehors de leur foyer et les grands parents n'arrivent plus à travailler aux champs en raison de leur vieilliesse, et enfin le père va bientôt prendre sa retraite...

Pour mieux comprendre cette explication de la situation des foyers agricoles pluriactifs, prenons la trajectoire personnelle de Monsieur S ayant un lien fort avec cette situation. En fait, Monsieur S est lui-même issu d'un foyer agricole dans une zone de moyenne montagne situé dans le territoire de Toyota. Son pays natal, s'appellant Matsudaira, avait fusionné avec la Ville de Toyota en 1970492(*). Puis, étant fils ainé, il n'a pas repris les activités agricoles de ses parents. Ceci afin d'aller travailler, après avoir fini ses études universitaires à Tôkyô, en tant qu'employé de la Coopérative agricole de Matsudaira qui fusionna également avec la CAT plus tard. Une telle trajectoire semble influencer la façon dont il perçoit la situation des foyers agricoles pluriactifs, puisque qu'il vit lui-même cette situation.

Dans son explictaion, les champs et la montagne constituent les plus importants capitaux pour les foyers agricoles. Ils représentent « un milieu pour jouer » et « un lieu d'existence » pour ces retraités qui n'ont pas travaillé la terre pendant qu'ils étaient salariés. Cette explication montre un élément essentiel des idées de Monsieur S qui établit clairement le lien entre le vieillissement de la population et la ruralité pour concevoir sa « Conception de l'Ecole rurale ».

Par ailleurs, il met l'accent sur le fait que c'était la Municipalité (et non la CAT) qui voulait s'adresser à la population non agricole pour lancer le projet de l'Ecole de l'agriculture vivante, et qu'il suffisait, pour la coopérative, d'avoir plus de successeurs d'activités agricoles au sein des foyers agricoles par ce projet. De cette explication, on peut remarquer qu'il y a un intérêt particulier que la CAT porte pour son implication dans le Projet Nô-Life en tant qu'un organisme représentant des agriculteurs mais non le public en général.

* 489 Des renseignements utiles peuvent être récoltés dans les sites internet des organisations des Coopératives agricoles japonaises (JA) comme Zenkoku Nôgyô kyôdô kumiai chûou kai : Zen-chû (Fédération centrale des Coopératives agricoles japonaises) : http://www.zenchu-ja.or.jp/profile/b.html, ainsi que Nôrin chûo kinko : The Norinchukin Bank : http://www.nochubank.or.jp/outline/index.shtml et la CAT http://www.ja-aichitoyota.com/.

* 490 Le terme Nôka a un double sens : d'abord la « ferme », c'est-à-dire le foyer agricole, ensuite il designe également quelqu'un est spécialisé dans le métier agricole, donc l'agriculteur. Ceci est le même usage de « ka » que « judô ka » ou « karate ka ».

* 491 « Faire le paysan (hyakushô yaru) » est une exprésssion couramment utilisée parmi la population japonaise pour signifier « travailler aux champs » ou « se mettre à des activités agricoles ». Le mot Hyakushô est un terme qui signifiait, depuis le Moyen âge, le statut général du peuple appartenant à la paysannerie japonaise.

* 492 Le pays de Matsudaira était la seule commune situé en zone de montagne et la dernière commune parmi les cinq communes qui ont fusionné avec la Ville de Toyota à entre 1956 - 1970.

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