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Le management interculturel chez Bookoff France

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par David VANDEPONTSEELE
Université de Paris 7 - Master de recherche en étude japonaise 2008
  

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3.3.3 Quel degré d'implication est demandé aux employés et aux responsables ?

Plus l'employé est promu à des postes à hautes responsabilités, plus l'employé est supposé mener une vie au service de l'organisation et y être attaché affectivement. En effet, la culture de travail japonaise est ce que Fons Trompenaars a appelé une culture diffuse, c'est-à-dire, une culture où les individus auront tendance à lier la vie privée et la vie professionnelle, en opposition aux cultures limitées où les individus effectueront un clivage entre les deux. Fons Trompenaars utilise l'exemple suivant : dans une culture diffuse, si un employé rencontre son supérieur dans un lieu autre que le lieu de travail (bar, magasin de bricolage, terrain de golf), la relation hiérarchique sera à peine perceptible, le directeur pourra même demander l'avis de l'employé sur le meilleur outil de bricolage ou des conseils pour améliorer son jeu. Dans une culture limitée par contre la relation que l'employé a avec son supérieur restera en vigueur et l'avis du supérieur sera, quel que soit le domaine, le meilleur, incontestablement112(*).

Le Japon est reconnu pour appliquer une culture diffuse. Les Japonais entretiennent rarement des relations avec d'autres personnes que leurs collègues de travail, avec qui, parfois, ils vivent dans des logements communs, fournis par l'entreprise (comme expliqué en 2.9). Les sphères privée et professionnelle se retrouve donc totalement confondues, à un tel point que même les épouses des travailleurs qui vivent dans ces logements tiennent compte de la position sociale de leur époux dans la société pour tisser leurs relations interpersonnelles avec les autres femmes. La femme du directeur bénéficiera ainsi du respect des femmes des subordonnés de son mari113(*).

Chez BOOKOFF France, les 3 responsables les plus influents sont très pris par leur vie professionnelle. Jean Philipe Meneboo fait près du double des heures pour lesquelles il est payé. Yoshinaga quant à lui a 35 ans et n'est pas marié, n'a pas d'enfant et ne rentre pas dans sa famille au Japon pour les fêtes de fin d'année. Les employés de BOOKOFF aussi sont appelés à être sollicités sous des pressions morales, comme nous a expliqué M.A, qui lorsqu'il travaillait dans la boutique BOOKOFF Opéra, se sentait obligé de faire des heures supplémentaires, sinon les autres collègues ou supérieurs lui en feraient la remarque. De la même manière, lorsqu'il partait en voyage, il était supposé rapporter un omiyage pour chacun de ses collègues114(*).

Si mon analyse est juste, la subjectivité des employés francophones et l'absence de lien affectif, comme nous l'avons décrit plus haut dans le point sur l'attitude des employés envers l'organisation, pourrait être à l'origine de leurs discordes. Le statut d'arubaito, qui est relativement instable, n'entraîne pas les employés à développer un lien affectif particulier pour l'organisation, ou pour leurs chefs. Les employés francophones n'ont pas pour habitude de ramener des souvenirs à leurs collègues ou de faire des heures supplémentaires s'ils n'en ont pas envie. L'absence de lien affectif sur le lieu de travail est la cause de cette différence dans les deux cultures. Cette différence fait naître chez les employés un malaise et une pression morale.

Une autre preuve de ce manque de lien affectif, c'est l'absence de réunion après les heures de travail (comme confirmé dans l'interview en annexe 2, question 9). En effet, il est coutume au Japon de continuer d'entretenir les relations interpersonnelles en dehors du lieu de travail. Fréquemment, les Japonais vont, entre collègues, boire un verre ou manger ensemble après le travail pour se détendre115(*). Ce trait est caractéristique des cultures diffuses. En France aussi, cette coutume a tenté, en vain, de s'imposer aux employés de BOOKOFF. Monsieur A nous a confié, que lorsqu'un haut membre de la direction de la compagnie vient en France, il invite et offre le dîner aux employés français et japonais à Bizan116(*). Ce genre d'événement reste cependant rare, les membres de la direction ne venant qu'une à deux fois par an en France. En dehors de ces circonstances exceptionnelles, Yoshinaga nous a confié que les employés n'ont pas tendance à passer du temps ensemble après les heures de travail (au Japon comme en France). Les responsables de BOOKOFF France ont tenté de rapprocher les employés de BOOKOFF Opéra et BOOKOFF Quatre Septembre, en leur faisant prendre leur repas ensemble dans la mesure du possible. Cependant, cette mesure a été arrêtée lorsque les employés de la boutique BOOKOFF Quatre Septembre ont commencé à se plaindre des conditions de travail et obtenir raison pour leurs revendications. La communication étant rompue entre les deux équipes, des inégalités ont commencé à voir le jour (voir intra point 3.4.2).

Cette absence de lien affectif pourrait être aussi la source des conflits qui opposent les responsables aux employés pour le BOOKOFF shôwa, l'hymne pour la compagnie (voir intra 2.6). La société, comme beaucoup d'autres sociétés japonaises117(*), tient pour habitude de faire chanter tous les matins un hymne à la gloire de BOOKOFF avant leur session de réunion du matin pendant laquelle les employés peuvent échanger des informations sur la journée. Cette habitude s'est donc poursuivie en France. Mais lorsque BOOKOFF a commencé à recruter des employés français, le BOOKOFF shôwa a commencé à poser problème. En effet, comme expliqué ci-dessus, l'environnement culturel français est plutôt tourné vers une culture limitée. Cette pratique relevait, pour eux, du harcèlement moral et était en opposition avec le code du travail français ce qui aurait pu être un grave problème en cas d'inspection du travail. Du côté des responsables, les arguments invoqués étaient que les magasins au Japon qui ne récitaient pas cet hymne, généraient souvent des contre performances. Une employée japonaise nous a confié que l'opposition à l'abandon de l'hymne était probablement liée au sens du consensus. Un abandon du BOOKOFF shôwa pourrait être vu comme une défaite pour la direction, comme s'ils avaient perdu la face. Une approche consensuelle et avec des arguments plus subjectifs aurait peut-être fait plus d'impact.

Au contraire, les employés français ont avancé un raisonnement logique : pourquoi réciter tous les matins un hymne ? Et en plus dans une langue que certains employés ne comprennent même pas ? Pour contrer cet argument, les responsables ont tenté de faire une traduction du BOOKOFF shôwa. Cependant, le fait de savoir ce que signifiait réellement l'hymne a provoqué une levée de boucliers encore plus violente de la part des employés qui qualifiait l'hymne de « pratique sectaire » ou de « messe noire ». Madame A nous a expliqué que c'est cette réaction (subjective) qui les a marqués. L'hymne posait un problème au niveau de la sensibilité psychologique des français.

Les arguments des employés français ont influencé les employés japonais qui, finalement, rejoignaient également l'avis des employés français. Après maintes négociations, les responsables ont fini, à contrecoeur, par abandonner cette pratique dans la boutique BOOKOFF Quatre Septembre, mais pas dans la boutique BOOKOFF Opéra. La maison mère n'est toujours pas au courant de cet accord. Cette situation pose donc des problèmes d'équité entre les employés mais également de régularité par rapport au droit français.

* 112 Trompenaars, Fons et , Charles Hampden-Turner. Op.Cit.

* 113 Tiré du cours du Professeur Peter Firkola - Japanese Management 2007-2008.

* 114 En Japonais : \u12362\u12362·«yy\u29987éYY, un souvenir que les japonais rapportent à leur familleurs, leurs amis et collègues lorsqu'ils partent en voyage.

* 115 Nakane\u20013\u20013'†ç, Chie\u21315\u21315êçé}}. Op.Cit.p 162

* 116 Bizan est un restaurant Japonais de Paris, dans le quartier Saint Anne, réputé pour une cuisine très fine et onéreuse.

* 117 Nishiyama \u-30337\u-30337ê¼éRR, Kazuo\u21644\u21644aïvv. Op.Cit.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille