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Les privilèges et immunité en droit international : cas du ministre des affaires étrangères de la RDC

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par Benjamin KANINDA MUDIMA
Université de Kinshasa - Travail de fin de cycle présenté en vue de l'obtention du titre de Graduat en Droit  2008
  

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§5. La portée de l'arrêt

S'il n'est pas contestable en dernière analyse, particulièrement pour le défendeur, que le ministre des affaires étrangères en exercice jouit de l'immunité pénale et de l'inviolabilité nécessaires à l'exercice de ses fonctions de représentant d'un Etat. Il demeure que l'étendu desdits avantages reste à préciser. On a vu précédemment que l'Etat demandeur l'envisage de la manière la plus large tant que dure la charge publique. Cette conception n'est pas partagée par l'Etat défendeur. La Cour a, enfin de compte, fait prévaloir un point de vue identique à celui du demandeur. Des voix dissonantes issues de l'organe judiciaire paraissent infirmes. Il en est de même au sein de la doctrine.

1.1. La conception de la République Démocratique du Congo

La République Démocratique du Congo a affirmé dans ces écritures que l'inviolabilité du ministre des affaires étrangères en poste interdit à toute autorité publique étrangère de l'arrêter ou de porter atteinte à sa personne, ou, par quelque mesure de contrainte que ce soit, de limiter sa liberté de déplacement dans le territoire de l'Etat étranger dont l'accès lui a été autorisé128(*), en revanche, l'immunité pénale absolue empêche qu'une action publique soit dirigée contre lui ou qu'une instruction pénale soit ouverte à son encontre à l'étranger, ou qu'il soit poursuivi ou jugé par une juridiction répressive nationale129(*). Comme on peut s'en apercevoir, le Congo fait prévaloir une conception particulièrement large des restrictions imposées par le droit international au droit interne relativement au statut international dudit ministre.

Appliquant sa vision au cas d'espèce, le gouvernement Congolais avance que « la simple émission du mandat d'arrêt alors même qu'il n'a pas été exécuté «  constitue « un acte de contrainte » portant atteinte aussi bien à l'inviolabilité du ministre qu'a son immunité pénale absolue130(*). A l'appui de ses affirmations, l'Etat demandeur se livre à l'analyse de la teneur de cet acte de procédure pénale belge qui enjoint aux agents de la force publique d'apporter leur concours pour son exécution.

Aux cours des plaidoiries, le Professeur Monique Chemillier-Gendreau, conseil du Congo, a d'abord souligné que « les immunités des responsables politiques le plus importants s'opposent en droit international à ce que des poursuites soient affectées à leur encontre131(*) ». Critiquant l'attitude des « représentants de la Belgique », le conseil du Congo constate qu'ils peinent à concilier ce point avec l'argument selon lequel l'inculpé aurait agi à titre privé et en dehors de ses fonctions officielles. Ils ne peuvent éviter qu'au centre se trouve la question des immunités de juridiction de certains représentants de l'Etat en exercice132(*). Mme Monique Chemillier-Gerdeau reprocha à la Belgique de s'abstenir  à soutenir que les immunités ne protègent pas les personnes auxquelles elles s'appliquent lorsqu'elles agissent à titre privé ou en dehors de leurs fonctions officielles133(*).

D'après Me Pierre d'Argent, l'immunité du représentant en exercice ne tient pas à la distinction que l'on pourrait faire entre les actes de la fonction et les actes qui ne relèveraient pas de leur exercice. En réalité, si l'acte passé ne peut pas être reproché au représentant de l'Etat durant l'exercice de ses fonctions ; ce n'est pas tant parce qu'il serait effectivement un acte de ses fonctions que parce que ce reproche lui serait adressé durant l'exercice de ses fonctions, ce que l'immunité ne peut tolérer. En d'autres termes, le Congo soutient que cette immunité de juridiction pénale couvre pendant la durée d fonctions tous les actes du représentant étranger. Il importe peu que ces actes aient été commis avant son entrée en fonction ou après celle-ci. Il importe peu également que les actes commis durant l'exercice des fonctions ne puissent pas être qualifiés d'actes de la fonction134(*).

Réagissant à l'argument avancé dans le contre mémoire belge relative d'une prétendue exception aux immunités pour les actes accomplis pendant l'exercice des fonctions à titre privé en dehors des fonctions officielles, le conseil du Congo confirma son point de vue en ces termes : « durant l'exercice des fonctions, l'immunité de juridiction en matière pénale existe, même lorsque le crime a été commis à titre privé ou lorsqu'il a été commis avant la prise de fonctions135(*) ». Cela aurait pour conséquence poursuivit l'orateur, « qu'après l'exercice des fonctions, l'immunité n'existe plus que pour les actes accomplis dans l'exercice des fonctions »136(*). Il étaya son argument sur les vies exprimées par l'institut de droit international en sa session d'aout 2001 à Vancouver.

Tout au long de l'accomplissement de la charge publique, soutient le Congo, « cette immunité était plus large et couvrait également les actes antérieurs à l'exercice des fonctions, les actes privés et tous les autres actes ne pouvant être qualifiés d'actes de la fonction137(*) ». Quand bien même le ministre des affaires étrangères en exercice en serait en « visite privée », il n'en continuerait pas moins « d'exercer quotidiennement ses fonctions », à l'aide des moyens modernes de communication qui le « mettent à tout instant et ou qu'il se trouve à la disposition de son Etat138(*) ».

Le Congo a tenu à marquer nettement que «  le différend soumis à la cour n'est pas relatif à l'immunité de juridiction de l'ancien gouvernant étranger, mais bien à l'immunité de juridiction qui le protège durant l'exercice de ses fonctions139(*) » parce que Mr. Yerodia Abdoulaye Ndombasi était ministre des affaires étrangères au moment de l'inculpation. Mais la vision de l'Etat défendeur est bien différente.

1.2. La conception de la Belgique

On lit dans le contre-mémoire que « la Belgique ne conteste évidemment pas le fait que les membres d'un gouvernement étranger en exercice bénéficient de l'immunité ». Mais là où la RDC affirme que cette immunité est absolue, la Belgique répond qu'il existe des exceptions en cas de crimes de droit international humanitaire140(*). En clair, l'Etat défendeur partage l'opinion selon laquelle le ministre des affaires étrangères en exercice jouit de l'immunité de juridiction. Mais sa portée serait limitée par deux exceptions : la première a trait à la responsabilité pénale en cas de « crimes de droit international » ; la seconde est relative aux actes accomplis durant l'exercice des fonctions à titre privé ou en dehors des fonctions officielles.

L'un des conseils de la Belgique a admis que « l'immunité se fonde d'abord sur la règle par in parem et que celle-ci n'a de sens que devant une juridiction interne, non devant une juridiction internationale. La Belgique est d'accord sur ce point avec la RDC141(*) ». Mais il a ajouté que « les statuts des juridictions pénales internationales peuvent, à bon droit, être considérées comme un des fondements de l'exclusion de l'immunité d'un gouvernement étranger devant les juridictions internes142(*)».

Au terme des plaidoiries, Me D. Bethlehem a une fois de plus, réaffirmé à la suite des questions posées par le conseil de juridiction et immunité d'exécution. Non seulement a-t-il affirmé que cette distinction est bien établie en droit, notamment au sujet des immunités d'Etats, mais encore «  the whole trend towards retsrictive immunity, of which circumstances involving serious violations of international humanitarian Law is a most important part is That immunity in all sorts of areas is no longer absoute. This applies too in the case of ministers for foreign affairs in office143(*) ».

1.3. L'analyse de la Cour Internationale de Justice

C'est à la suite d'une analyse fouillée des fonctions du ministre des affaires étrangères, à la manière de la doctrine144(*) qui s'y est intéressée, que la plus haute instance internationale énonce la solution sur ce point :

«  La cour en conclut que les fonctions d'un ministre des affaires étrangères sont telles que, pour toute la durée de sa charge, il bénéficie d'une immunité de juridiction pénale et d'une inviolabilité totale à l'étranger. Cette immunité et cette inviolabilité protègent tout acte d'autorité de la part d'un autre Etat qui ferait obstacle à l'exercice de ses fonctions145(*) ».

Le premier étalon de l'immunité pénale et de l'inviolabilité dudit haut responsable de l'Etat repose sur le temps. Là encore, le juge international semble avoir quelque chose peu rejoint le demandeur en soulignât le rôle centrale de ce facteur dans l'affaire. La cour paraît avoir partagé les vues du Congo sur l'étendue « absolue », pour ce dernier, « totale » pour celle-là, de l'immunité pénale et de son corollaire l'inviolabilité.

Les parties en litige, spécialement l'Etat défendeur, ont longuement débattu dans leurs écritures et dans leurs plaidoiries de la distinction entre actes que le ministre des affaires étrangères poserait à titre « officiel » et ceux qu'il accomplirait à titre « privé ». Elles sont ainsi soumis à la censure de la cour certaines décisions nationales qui ont opéré cette différenciation146(*). Quelque séduisante qu'elle puisse éventuellement apparaitre davantage au plan didactique que pratique cette distinction a été promptement écartée par le juge international en ces termes : « il n'est pas possible d'opérer la distinction entre les actes accomplis par un ministre des affaires étrangères à titre officiel et ceux qui l'auraient été à titre privé, pas plus qu'entre les actes accomplis par l'intéressé avant qu'il n'occupe les fonctions de ministre des affaires étrangères et ceux accomplis durant l'exercice de ses fonctions147(*) ».

* 128 _ Cour Internationale de Justice. Mémoire du Congo. Op, Cit., p.31.

* 129 _ Idem. P.31, par 50.

* 130 _ Cour Internationale de Justice. Mémoire du Congo. Op, Cit., p.31, par 51.

* 131 _ Plaidoirie de Mme M. Chemillier-Gendreau, CR 2001/5, p.26.

* 132 _ Idem

* 133 _ Ibidem

* 134 _ Voir plaidoirie de Me Pierre d'Argent, CR2001/5, p.44

* 135 _ Idem, p.45

* 136 _ Ibidem

* 137 _ Voir plaidoirie de Me Pierre d'Argent, op.cit, le conseil du Congo cite sir Arthur Watts également cité dans le contre mémoire belge, p.110

* 138 _ Idem, p.113

* 139 _ Ibidem

* 140 _ Cour internationale de justice, le contre mémoire du royaume de Belgique, op.cit, p.121

* 141 _ Voir plaidoirie du professeur E. David, CR 2001/11, p.15

* 142 _ Idem, p.20 il confirme plus loin que ces statuts étaient des éléments de pratique applicables aux juridictions nationales

* 143 _ Ibidem, p.11

* 144 _ On consultera à ce sujet, sir Arthur Watts, the légal position international Law pf Head of states, Head of gouvernement and forgien ministres, recueil des cours de l'académie de droit international de la Haye tome 247, vol III, 1994, pp. 100-101, Joe Verhaeren, l'immunité de juridiction et d'exécution des chefs d'Etats et anciens chefs d'Etats, op.cit, pp 66-67, §42-43

* 145 _ Cour internationale de justice, affaire relative au mandat d'arrêt, op.cit, p.54

* 146 _ Les décisions rendues par la chambre des lords du Royaume-Uni en date du 24 mars 1999 dans l'affaire Pinochet

* 147 _ Cour Internationale de Justice. Affaire relative au mandat d'arrêt, Op, Cit., §55.

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery