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La clause de non concurrence en droit du travail sénégalais

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par Ernest Aly THIAW
Université Gaston Berger de Saint-Louis - Maitrise 2009
  

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Paragraphe 2 : les sanctions encourues par le nouvel employeur

Le contentieux relatif à l'obligation de non-concurrence a fourni de nombreuses occasions aux tribunaux pour élaborer la théorie générale du tiers complice de la violation d'une obligation contractuelle. Le nouvel employeur ayant engagé un salarié tenu par une clause de non-concurrence peut voir sa responsabilité être engagée sur le fondement de la concurrence déloyale (A) et ainsi être condamné en paiement de dommage-intérêts(B).

A : Engagement de la responsabilité du nouvel employeur pour concurrence déloyale

Très souvent, en effet, le débiteur de non-concurrence viole son obligation en contractant avec un tiers, employeur, ou encore en exerçant l'activité prohibée par l'intermédiaire d'un prête-nom ou à travers une société concurrente ou en se réembauchant dans une telle entreprise.

Dans cette hypothèse, une jurisprudence française constante sanctionne le tiers qui se rend ainsi complice de la violation de l'obligation de non-concurrence en le condamnant pour concurrence déloyale et cela en application du principe selon lequel « toute personne qui, en connaissance de cause, aide autrui à enfreindre les obligations contractuelles pesant sur elle, commet une faute délictuelle à l'égard de la victime de l'infraction. »55(*)

La liberté qu'à un employeur de faire des prépositions d'emploi aux salariés appartenant à des entreprises concurrentes trouve cependant des limites dans le cadre des dispositions relatives au débauchage fautif ainsi que dans celui de l'action en concurrence déloyale.

Lorsque la concurrence déloyale est constituée par l'embauchage d'un salarié lié par une clause de non-concurrence, l'ancien employeur peut exercer non seulement une action contractuelle dirigée contre le salarié, pour non respect de ses obligations, mais aussi une action délictuelle cette fois contre le nouvel employeur. Le nouvel employeur peut alors voir sa responsabilité engagée envers le précédent.

Ainsi, aux termes de l'article L 57 C. travail, si un salarié a rompu abusivement son contrat de travail et engage à nouveau ses services, le nouvel employeur est solidairement responsable du dommage causé à l'employeur précédent dans les cas suivants :

ü s'il est démontré qu'il est intervenu dans le débauchage ;

ü s'il a embauché un salarié qu'il savait déjà lié par un contrat de travail ;

ü s'il a continué à occuper un salarié après avoir appris que celui-ci était encore lié par un contrat de travail.

Dans ce cas, la responsabilité du nouvel employeur cesse si, au moment où il a été averti, le contrat de travail abusivement rompu par le salarié était venu à expiration soit, s'il s'agit d'un contrat à durée déterminée par l'arrivée du terme, soit s'il s'agit d'un contrat à durée indéterminée par l'expiration du délai-congé ou si un délai de 15 jours s'était écoulé depuis la rupture du contrat.

Le nouvel employeur est considéré comme étant complice s'il connaissait l'existence de l'engagement, même s'il ne l'a appris qu'après l'embauche. On peut semble-t-il affirmer aujourd'hui que le moment où le tiers a connaissance de l'obligation de non-concurrence à la violation de laquelle il participe est indifférent, la seule réserve étant cependant qu'il est nécessaire que cette connaissance ait lieu pendant la durée d'application de l'interdiction de concurrence.

La cour de cassation française a même admis la responsabilité de l'employeur qui s'était abstenu de procéder à des vérifications56(*). Toutefois, le nouvel employeur ne commet aucune faute si, dés qu'il a eu connaissance de la clause, il procède à la mise en pied conservatoire du salarié et aménage le contrat de travail de façon à respecter cette clause.

Par conséquent, le salarié qui dissimule sciemment à son nouvel employeur l'existence d'une clause de non-concurrence commet une faute grave ne permettant plus son maintien dans l'entreprise pendant le préavis, en raison notamment des conséquences qu'une telle faute pouvait entrainer pour le nouvel employeur. Une telle faute justifie aussi la rupture anticipée d'un contrat à durée déterminée. Il importe peu que la clause de non-concurrence ait une faible portée pratique. Le législateur sénégalais, à la lumière de l'article L-57 C.trav, sanctionne le débauchage fautif en disposant que «  l'employeur n'est pas autorisé à engager un travailleur encore sous contrat avec un autre.» ce débauchage est formellement interdit en raison de considération d'ordre moral. D'ailleurs, il est réprimé tant sur le plan pénal que civil : « sont passibles d'une amende de 500 mille à 1millon de franc et d'un emprisonnement de trois mois à un an, tout employeur, fondé de pouvoir ou préposé qui aura engagé ou tenter d'engager ou conserver dans son service un travailleur encore lié à un autre employeur par un contrat de travail. » L'interdiction vaut aussi bien pour les apprentis liés à un contrat d'apprentissage que pour les stagiaires en cours de formation professionnelle.

Le délit n'est établi que si le travailleur a rompu abusivement sa relation de travail soit sur instigation de l'employeur, soit en dehors. Dans cette dernière hypothèse, l'employeur n'est incriminable que s'il a embauché le salarié alors qu'il le savait lié encore à un autre employeur ou si après l'avoir appris il continu à l'occuper.

Il ressort des termes de cet article que pour que la responsabilité du second employeur puisse donc être retenue à l'égard du premier, il est nécessaire, d'une part, qu'il y ait rupture abusive du premier contrat par le salarié et, d'autre part, qu'il y ait provoqué la rupture anticipée abusive ou l'ait connue au moment ou postérieurement au débauchage.

Il s'avère nécessaire de préciser que lorsque la violation de la clause est caractérisée, le salarié s'étant fait embaucher au service d'une entreprise concurrente, l'employeur n'a pas à justifier d'un préjudice actuel et certain. Il n'est pas non plus nécessaire pour caractériser la violation de la clause qu'un acte de vente ait été conclu ou que des actes de concurrence soient consommés.

Si la clause de non-concurrence prévoit une interdiction de s'intéresser ou de collaborer directement ou indirectement à une société concurrente, la diversité aurait permis de confier au salarié un travail sans relation avec ses anciennes activités importent peu.57(*)

Il a été aussi jugé qu'un salarié qui s'engage à ne pas reprendre contact avec les clients de son ancien employeur en vue de leur proposer une affaire s'interdit d'entrer en relation de quelque manière que ce soit avec ses clients, même si des clients se sont spontanément présentés à lui pour faire appel à ses services.58(*)

En effet, recruter le personnel d'une entreprise concurrente pour s'approprier son savoir faire et sa clientèle, le principe est admis. Mais il peut être qualifié de concurrence déloyale si l'ancien employeur démontre qu'il a subi un préjudice, a fortiori lorsque le salarié est tenu par une clause de non-concurrence. Ainsi, une entreprise avait envoyé aux salariés d'un concurrent une lettre circulaire dans laquelle elle leur proposait un embauchage et s'engageait implicitement à prendre en charge les frais de procédure résultant des poursuites éventuelles de l'ancien employeur. Pour les juges, il s'agissait d'une incitation déloyale à quitter leur emploi.59(*)

L'action en concurrence déloyale dirigée contre le nouvel employeur qui a embauché un salarié lié par une interdiction de concurrence est recevable nonobstant l'existence d'une action contractuelle de l'ancien employeur contre ce salarié et alors que ces deux actions, l'une délictuelle, et l'autre contractuelle, qui tendent à la réparation d'un préjudice différent, peuvent se cumuler.60(*)

La responsabilité du nouvel employeur dans ce cas est la responsabilité délictuelle du tiers complice de la violation d'une obligation contractuelle.

L'étude de la jurisprudence française sur la question révèle en effet, que les juges recherchent, dans chaque affaire, si le débauchage s'accompagne de circonstances particulières susceptibles de caractériser un acte de concurrence déloyale.

Comme le souligne le professeur Y. Serra, « les tribunaux s'appuient sur diverses considérations telles que la manière dont le débauchage s'est réalisé : sur incitation ou pas du nouvel employeur et, si plusieurs salariés sont concernés, selon que les départs ont eu lieu successivement ou simultanément, l'importance du personnel débauché comparée à l'ensemble du personnel de l'entreprise considérée, la qualification professionnelle de ce même personnel : plus celle-ci est élevée, plus la désorganisation de l'entreprise sera plausible et inversement ; ou enfin, le fait que le débauchage a été effectué afin d'obtenir la connaissance des secrets de l'entreprise délaissée. »

Ainsi, il a été considéré que l'embauchage simultanée de plusieurs salariés d'une même entreprise par une entreprise concurrente pour y remplir les mêmes fonctions et ou après avoir offert des conditions de rémunération plus favorables constitue, indépendamment de toute clause de non-concurrence, un acte de concurrence déloyale. 61(*)

Doit également être condamnée, du fait de ses actes de concurrence déloyale, une société qui avait embauché simultanément la moitié du personnel d'une autre société, soit 7 sur 14, cette société ne pouvait ignorer la complète désorganisation de sa rivale qui devait nécessairement résulter de l'ampleur de ce transfert de salariés.62(*)

En revanche, il a été jugé que n'était pas constitutif d'un acte de concurrence déloyale, le fait pour une société d'avoir embauché plusieurs salariés précédemment au service d'une société concurrente, ces embauchages ayant eu lieu à la suite soit de petites annonces parues dans la presse locale, soit sur l'initiative de salariés qui s'étaient adressés spontanément au nouvel employeur.63(*)

Certaines décisions considèrent qu'il y a manoeuvre de désorganisation de l'entreprise lorsqu'un concurrent offre des conditions de rémunération plus favorables aux salariés de cette entreprise.64(*) Le débauchage peut désorganiser l'entreprise à cause du nombre de salariés concernés ou de leur qualification.

Pour les juges, le démarchage de la clientèle d'un concurrent est punissable dés lors que des moyens déloyaux sont utilisés. C'est notamment le cas de la prospection systématique des clients du concurrent. Il en va de même pour les manoeuvres déloyales qui consistent à se présenter faussement comme envoyé par le concurrent pour faire des propositions aux clients de celui-ci.

Les juges admettent que le départ d'un salarié vers une nouvelle  entreprise peut entrainer un déplacement de clientèle non fautif. Seule condition : qu'aucun procédé déloyal n'ait été utilisé. Une entreprise n'a pas de droit privatif sur ses clients. La manoeuvre de détournement doit être clairement établie. La jurisprudence révèle de ce fait trois catégories de débauchage fautif : le débauchage massif ou systémique de salarié du concurrent, le débauchage concerté révélé par le départ simultané de plusieurs salariés stratégique pour le concurrent, et le débauchage sélectif en vue de détourner le savoir faire du concurrent.

Concernant la mise en oeuvre de la responsabilité du tiers complice, la question s'est posée de savoir si le fait que la clause de non-concurrence à la violation de laquelle il est prétendu qu'un tiers a participé soit litigieuse, fasse l'objet d'une instance en justice relativement à sa validité, constituait une cause d'exonération de la responsabilité du tiers en le constituant de bonne foi.

La jurisprudence a répondu par la négative dans le domaine de la clause de non-concurrence en droit du travail en affirmant que le nouvel employeur qui embauche un salarié ayant souscrit une interdiction de concurrence engage sa responsabilité «  même si la validité de la clause était litigieuse... »65(*)

La solution s'impose sinon la porte serait ouvert à des abus manifestes de la part des intéressés qui introduiraient à dessein une demande en justice en arguant de la nullité de l'engagement de non-concurrence, ce qui conduirait en pratique à priver cette convention d'une partie de son efficacité.

En revanche, la nullité d'une clause de non-concurrence interdit l'engagement de la responsabilité du tiers complice de la violation de cette interdiction. Dans cette perspective il

a été jugé « que la clause de non-concurrence invoquée... étant nulle, cette société ne peut soutenir que le nouvel employeur se serait rendu complice de la violation de cette clause... »66(*). Une autre solution ne se comprendrait pas. La mise en jeu de la responsabilité du tiers suppose en effet que l'obligation de non-concurrence soit licite car on ne voit pas comment un tiers pourrait être condamné en tant que complice de la violation d'une obligation de non-concurrence dont le créancier ne pourrait poursuivre l'exécution à l'encontre du débiteur parce que cette obligation a un caractère illicite. L'établissement de la faute délictuelle du nouvel employeur entraine ipso facto sa condamnation au paiement de dommages-intérêts(B)

B : condamnation in solidum au paiement de dommages-intérêts

Le nouvel employeur qui embauche une personne qu'il savait liée par une clause de non-concurrence engage sa responsabilité délictuelle envers le précédent employeur.

Par ailleurs, le tiers complice auteur d'un débauchage fautif, peut être condamné à verser des dommages-intérêts au profit de l'employeur précédent, dans le cadre d'une action en concurrence déloyale.

Le nouvel employeur, complice de la violation de l'obligation non-concurrence est alors déclaré solidairement responsable avec le débiteur de non-concurrence des conséquences dommageables qui résultent de l'inexécution de l'interdiction de concurrence : condamnation in solidum au paiement des dommages intérêts ou condamnation in solidum au paiement de la clause pénale prévue par les parties à la convention de non-concurrence.67(*)

La constatation que la responsabilité du débiteur de non-concurrence est de nature contractuelle alors que celle du tiers complice relève du domaine de la responsabilité délictuelle ne constituant nullement un obstacle à une condamnation in solidum.

Le créancier de non-concurrence a donc la faculté de poursuivre à la fois, devant des juridictions différentes le plus souvent par le jeu de la compétence, le débiteur de non-concurrence sur le terrain de la responsabilité contractuelle et le nouvel employeur sur celui de la responsabilité délictuelle en condamnation in solidum à la réparation du dommage causé par la violation de l'obligation de non-concurrence, ce qui lui assure une chance d'indemnisation effective plus grande.

Le bénéficiaire de la clause peut également demander au juge des référés d'imposer au nouvel employeur de cesser sous astreinte d'employer le salarié.

Il faut préciser que le législateur sénégalais ,à travers les dispositions nouvelles du code du travail a prévu en effet une formation de référé social, composée du président du tribunal du travail et du greffier qui pourra, d'une part ordonner toutes les mesures qui ne heurtent à aucune contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un danger imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite .

Dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, la formation de référé pourra prescrire des astreintes. Désormais il n'est plus nécessaire pour l'ancien employeur désireux d'astreindre le nouvel employeur à cesser d'employer le salarié de recourir au juge civil selon la procédure dessinée par le code de procédure civile.

L'ancien employeur peut enfin attraire le nouvel employeur devant le tribunal du commerce s'il est commerçant ou devant le tribunal du travail s'il ne l'est pas, afin de lui réclamer les dommages intérêts en réparation du préjudice subi.

* 55 _ Com, 5 févr. 1991 D.1991 I.R.69

* 56 _ Cass com. 5 févr. 1991

* 57 _ Cass soc 15 FEVR 1995

* 58 _ Cass soc, 22 janv. 1997

* 59 _ CA Paris, 1er mars 1984

* 60 _ C. Cass com. 24 1998 N°96-15-694 Recueil Dalloz 1999

* 61 _ CA Paris, 17 févr. 1993 D. 1994 somm 223

* 62 _CA Rouen, 24 janv. 1993 Rjs 10/1993 N° 981

* 63 _ Cass.com 13mai 1975 D.1975 IR 164

* 64 _ Cass com., 6 mai 1996

* 65 _ Soc. 10 mai 1983, Bull. civ. V, n°251

* 66 _ Paris, 25 nov. 1986, D.1987, Somm.272

* 67 _ Angers, 6 mars 1989, D.1990, Somm. 79

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus