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Le web 2.0 et l'édition juridique : le droit peut-il se passer d'éditeur ?

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par Armelle Nianga
Université Paris 2 Panthéon-Assas - Master 2 sociologie du droit et communication juridique 2009
  

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b) Les blogs des universitaires.

Si Dimitri Houtcieff et Fréderic Rolin ont un temps envisagé l`éventualité que ces blogs s`érigent en concurrents des revues174(*), ayant très vite écarté cette thèse au profit d'une « relation de complémentarité», ils leur attribuèrent trois fonctions.

· Une fonction de « vulgarisation  scientifique » :

Parce qu`ils « sont [...] aisément accessibles, non seulement aux initiés, mais également aux profanes », ils contribueraient à une « meilleure diffusion de la science juridique en permettant à ceux qui ne la fréquentent pas habituellement d'y avoir accès » et participeraient ainsi de la « vulgarisation juridique ».

· Une fonction d`« ouverture [de la doctrine] vers le grand public [...] les décideurs publics » et les « débats publics. »

Parce ce que « leur audience potentielle dépasse[rait] de loin la sphère juridique habituelle » et, également, parce ce que citoyens et décideurs seraient « potentiellement plus sensibles aux échos suscités par un billet publié sur un blog et abondamment relayé qu'à l'impact - nécessairement différé - d'un article destiné à la seule communauté scientifique des juristes », ils permettraient de faire « résonner la voix de la doctrine au coeur des débats publics. »

· Une fonction d`« ouverture vers la communauté universitaire » :

Les blogs « favorise[raient] le travail en réseau et la discussion collective. »

Qu'en a-t-il réellement été ? Quel usage les universitaires ont-ils fait du blog ?

b-1) Le blog une oeuvre de doctrine ?

En 1997, dans le premier article qu'ils consacrèrent à la doctrine et, qui pour nous présente l`avantage d`avoir été écrit avant l`émergence des blogs175(*), Philippe Jestaz et Christophe Jamin soulignaient que « pour se faire admettre » « dans le club de la doctrine juridique française », l'aspirant-membre devait «  avoir publié des ouvrages qui soient considérés [...] comme véritablement doctrinaux. ». Ce qui découlerait de ce que « certains écrits relatifs au droit positif [ne seraient] pas considérés comme faisant partie de la doctrine. »

Et à l'appui de leurs propos, les deux compères indiquaient:

«  Le jugement d'exclusion tombe par exemple sur un ouvrage de capacité en droit (en dépit, ajoute-t-on, des précieux services qu'il rend aux étudiants), sur un bref commentaire à chaud de la loi nouvelle à l'usage des praticiens, plus généralement sur des ouvrages qualifiés de purement descriptifs, etc. »

Ce qui est pour nous et l'étude que nous menons riche d'enseignements.

En effet, lorsqu'on analyse ces quelques lignes plus en détail:

· On relève d`une part que « la capacité en droit [qui] est « un diplôme court, largement accessible (il suffit d'avoir 17 ans), permettant un retour vers des études universitaires à des salariés ou à des jeunes en situation d'échec scolaire (équivalence avec le baccalauréat et même, pour les meilleurs, entrée directe en deuxième année de DEUG Droit) »176(*), participe en un sens d'une mission de vulgarisation du droit à l'égard du grand public.

Ce qui serait l'une des fonctions du blog.

· On remarque ensuite qu'il est souvent attaché aux blogs cet aspect « purement descriptif » que Philippe Jestaz et Christophe Jamin rejettent comme portant la marque d'une doctrine.

· Il apparaît enfin que l`expression « bref commentaire à chaud » est souvent associée aux écrits des blogs.

Ainsi, à s'attacher à la définition de l`écrit doctrinal qu'ont dégagé Philippe Jestaz et Christophe Jamin en 1997, les écrits des blogs, qui relèvent du commentaire à chaud, participent d'une fonction de vulgarisation du droit et sont souvent « purement descriptifs », ne peuvent être qualifiés de doctrine.

Partant de constat, j'ai interrogé les quelques universitaires-blogueurs qui ont su m`accorder un peu de leur temps sur les raisons qui les ont poussées à créer leurs blogs et la question de savoir si ils pensaient y faire oeuvre de doctrine.

Avec une attention particulière portée au professeur Cédric Manara qui, en 2007 questionnait: « Fait-on de la doctrine sur un blog ? »177(*) .

b-2) « Fait-on de la doctrine sur un blog ? » Ce que les universitaires en disent.

· Réponse du professeur Christophe Roquilly:

Professeur de Droit à l'EDHEC et directeur du « Pôle LegalEdhec  », il possède deux blogs « Stratégies juridiques » et « performance juridique », dont le premier se contente de renvoyer au second.

Dans ce second blog, il présente comme dans l'autre sommairement ses activités et renvoie au site du pôle de recherche qu'il dirige.

Il y est indiqué qu'il souhaite rassembler les passionnés du « droit, [de] l'impact du paramètre juridique sur la vie des entreprises, leurs activités et leur stratégie ».

On remarque par ailleurs que l'objet de son blog se rattache directement à l'objet d'étude de son centre de recherche dont les travaux portent sur la « performance juridique et [la] compétitivité des Entreprises ».

« J'ai créé ce blog (que je n'ai malheureusement plus le temps d'alimenter) pour plusieurs raisons : partager certaines réflexions avec d'autres personnes, qu'elles soient chercheurs, praticiens, ou étudiants; communiquer autour de mes réflexions et travaux de recherche; "garder la mémoire" de certains faits et cas m'ayant amené à écrire des "billets".
Je n'ai jamais eu la prétention de faire oeuvre de doctrine par ce Blog. Sans m'engager dans une discussion sur ce qu'est la "doctrine", je pense que celle-ci passe par les revues académiques, et non par un Blog. »

Professeur Christophe Roquilly.

 

· Réponse du Professeur Cédric Manara:

Professeur de droit à l'Edhec, à se fier à la présentation qui en est faite, son blog serait « expérimental » et « s'inscrirait dans [ses] travaux [...] sur le droit et les technologies. »

Il est pour lui un espace de « nano-publication », « un work-in-progress, un journal en ligne et pas une étude académique achevée ».

Aussi, il indique que si « certaines prises de position » « s' [y] avér[aient] contradictoires », elles « ne sauraient être utilisés ou interprétés contre [lui] dans ses activités. »

« La "prédiction" qu'ont faites mes collègues Rolin et Houtcieff l'a été dans une période d'effervescence dans la "prise de plume électronique" et l'émission d'opinions. Quatre années plus tard, on se rend compte que cette période de bouillonnement est passée, les auteurs s'étant épuisés - à commencer par Frédéric et Dimitri.
C'est dommage - mais le constat touche la France, pas les pays anglo-saxons par exemple. Si vous étudiez le paysage, aux Etats-Unis notamment, vous pourrez constater que le blog est le prolongement naturel de l'activité professorale.

En ce qui me concerne, c'est d'ailleurs alors que je travaillais aux Etats-Unis que j'ai fait comme mes collègues de l'époque, en ouvrant un blog. Il s'agissait d'en faire le compagnon d'étude de mon sujet, les noms de domaine, sur lequel je rédige une monographie. Il s'agissait donc d'en faire usage au sens premier du terme blog : un journal de bord, un bloc-notes. Petit à petit, il est devenu, bien malgré moi, un objet dont le contenu a été cité sur d'autres parutions électroniques, parfois même cité dans des ouvrages (et même un jour en justice !).
Ma démarche était donc purement personnelle... mais elle est, singulièrement, devenue professionnelle par la suite ! »

Professeur Cédric Manara

 

· Réponse du professeur Vincent Tchen:

Vice-président de l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines et maître de conférences en droit public, son blog offre un « panorama des textes essentiels et des grands arrêts » relatifs au droit des étrangers et aborde les projets de loi en cours.

Son blog n'est pas ouvert aux commentaires et il n'yest pas indiqué d'adresse où le contacter.

« Très sommairement, la création de ce blog répond à une réflexion tournée vers un ouvrage que je publie depuis 2000, le code commenté des étrangers chez Litec. Sa publication intervenait pour les 5 premières éditions tous les deux ans - elle est passée en édition annuelle depuis l'an passé.

A côté d'informations pratiques - comme celles liées à des colloques que j'ai pu organiser -, je souhaitais avant tout proposer aux lecteurs une forme de "banque de données" des informations les plus essentielles - dans la mesure du possible, je mets les pages qui sont concernées par les actualités -. Le code Litec renvoie pour sa part au blog.

Vous pouvez déduire de là l'ambition limitée du blog. Les informations sont simplement rapportées en quelques lignes, brutes, sans grande analyse; je n'ai donc pas souhaité faire oeuvre de doctrine.

Je concède également que je n'ai pas voulu m'inscrire dans une démarche citoyenne: les données n'ont rien de "pratique" pour des étrangers en difficulté et s'adressent à des juristes. J'ai d'ailleurs écarté toute demande de consultation, conscient qu'elles n'auraient été que superficielles. Depuis deux ans, j'ai d'ailleurs bloqué la possibilité de déposer des questions sur mon blog qui visaient des situations trop personnelles. Pour l'essentiel, ces questions étaient incompréhensibles sans rencontrer les personnes qui le plus souvent ne résidaient pas en France. Dans ce cas, j'ai renvoyé aux associations qui assistent les étrangers, notamment le Gisti, ou des avocats lorsque la personne le souhaitait.

J'ajoute que le blog est alimenté par de futurs commentaires du code Litec mais également des informations d'actualité que je rédige pour le même éditeur, dans le cadre de la mise à jour que Lexis Nexis propose à ses abonnées.»

Professeur Vincent Tchen.

 

· Réponse du professeur Serge Slama:

Maître de conférences rattaché au Centre de recherche et d'étude sur les droits fondamentaux ( CREDOF) et militant associatif, le professeur Serge Slama anime un blog dont les billets émanent de professeurs de droits, de doctorants et de militants engagés, et qui à s'en fier à sa page de présentation serait consacré à « la promotion des droits de l'homme », « se veut [...] être un blog académique »,

« valorise [...] des travaux d'étudiants en Master Droit de l'homme » , « relaie  « les actions du monde associatif et militant » et délivre des « points de vue engagés sur [ses] actualité[s]».

Les contributions y sont libres et ouvertes à « tous ceux qui veulent partager leurs points de vue engagés sur l'actualité des droits de l'homme ».

Pensez-vous faire oeuvre de doctrine sur votre blog? Ou s'inscrit-il comme votre présentation le laisse penser dans une démarche personnelle et militante?

« Pour répondre à votre question je dirai: ni l'un ni l'autre.
Combats pour les droits de l'homme n'est pas un blog doctrinal, même si dans certains billets on peut esquisser certains analyses doctrinales qui seront prolongées par ailleurs.
CPDH n'est pas non plus une démarche personnelle dans la mesure où il se veut un projet collectif, porté par moi-même mais auquel participe d'autres universitaires (essentiellement du CREDOF) ou d'autres militants associatifs. »

Professeur Serge Slama.

 

· Réponse du professeur Jérôme Bonnard.

Professeur de droit à l`Université d`Herblay, à se fier à la page de présentation de son blog, il l'aurait créé «  pour mélanger deux genres » : « Le sérieux: avec l'actualité du droit et des universités, des mises à jour apportées à [ses] manuels; et des documents pour [ses] étudiants » et « La fantaisie: avec la publication de dessins et de nouvelles mettant en scène nos Facultés de Droit [le nom de son blog], et« des cartes postales anciennes des Facultés de Droit françaises et étrangères, et [...] de la ville d'Herblay du Val d'Oise. »

Le blog n'est pas ouvert aux commentaires.

Pensez-vous y faire tout au moins partiellement oeuvre de doctrine ?

« Le mot doctrine que vous utilisez a un tel sens de droit savant que je n'ai jamais pensé faire une quelconque oeuvre de doctrine que ce soit dans mes écrits papiers ou dans ceux numériques. »

Quelles sont les raisons, qui vous ont poussé à commencer ce blog ?
Etait-ce pour maintenir un lien avec vos étudiants? Vous rendre plus accessible? Cela s'inscrivait-il dans une autre démarche ?

« D'abord et surtout un lien avec mes étudiants à qui en L1 je devais faire le cours du second semestre et dont les manuels n'étaient pas à jour. De la sorte, les articles d'actualité que j'ai mis sur le blog étaient en fait des parties de cours que je leur traitais et ceux qui ne pouvaient assister au cours pouvaient gratuitement et simplement les consulter ou télécharger sur le blog. Pour tout les reste, roman feuilleton, photos, histoire, c'est venu après lorsque je me suis rendu compte qu'il fallait le remplir de temps à autre.
De plus, l'idée de départ était aussi d'avoir un outil pour actualiser régulièrement mes manuels. L'éditeur de mon manuel d'intro au droit ayant accepté cela, dès la semaine prochaine, chaque mois je vais publier une mise à jour de ce manuel qui vient de sortir la semaine dernière en librairie. De la sorte, gratuitement les étudiants qui auront cet ouvrage auront une mise à jour immédiate pendant plusieurs années.

Malheureusement ou heureusement, je ne sais pas, les pages les plus consultées sont celles relatives aux enseignants chercheurs, donc par mes collègues, car nous sommes tous très mal informés de notre "condition". En tout cas ce n'était pas mon souhait au départ et je me demande même si à la rentrée je ne vais pas laisser tomber ces chroniques relatives aux enseignants chercheurs. »

Professeur Jérôme Bonnard.

 

· Réponse du professeur Olivia Tambou:

Professeur de droit à l'université Paris Dauphine, son blog ouvert aux commentaires fait l'objet d'une présentation sommaire qui se réduit à quelques mots : « Europe, Droit, enseignement, recherche et citoyenneté ».

Elle n'y indique pas être professeur de droit.

« La création d'un blog correspondait pour moi plus à l'envie de faire partager l'actualité et de travailler en réseau avec d'autres collègues voir étudiants mais pas vraiment de faire doctrine. Il s'agissait plutôt d'un outil de partage permettant aussi de diffuser le travail et les réflexions des autres y compris les colloques. Les articles rédigés ne correspondaient pas à des analyses aussi poussées que celles que j'aurais pu faire dans la presse spécialisée écrite. Cela dit, la gestion d'un blog m'est apparu très chronophage et difficile sans une véritable politique de rédaction avec une équipe pédagogique permettant une répartition du travail. C'est la raison pour laquelle la mise à jour de mon blog laisse à désirer. »

Professeur Olivia Tambou.

 

* 174 S'agissant plus particulièrement des universitaires, le support du blog offre un espace de publication nouveau au point, que l'on peut se demander s'ils se posent pas en concurrents potentiels de l'édition juridique traditionnelle.Dimitri Houtcieff et Frédéric Rolin, « Blogs juridiques contre Edition juridique traditionnelle concurrence ou complémentarité ?», Dalloz 2006.

* 175 Philippe Jestaz Christophe Jamin, « L'entité doctrinale française dans le monde juridique », Recueil Dalloz 1997 p. 167.

* 176 « La capacité en droit », Rapport établi à la demande du Ministère de l'Education Nationale, Edith Jaillardon.

* 177 Cédric Manara, « Où est la doctrine de demain ? Sur le Web Que font les auteurs de demain ? Ils bloguent ».

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams