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Du contentieux constitutionnel en RDC. Contribution à  l'étude des fondements et des modalités d'exercice de la justice constitutionnelle

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par Dieudonné KALUBA DIBWA
Université de Kinshasa - Doctorat en droit 2031
  

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IV. INDICATIONS METHODOLOGIQUES

Les connaissances scientifiques couvrent plusieurs domaines du savoir et sont acquises grâce à l'utilisation des méthodes132(*) et techniques133(*) d'investigation propres à chaque discipline.134(*)

La question que nous nous proposons d'étudier ici relève sans aucun doute du droit public.135(*) Mais en cette discipline, qu'est ce que la méthode ? Le droit public dispose-t-il d'une méthode susceptible de résoudre cette question ? Laquelle ?

Nous savons déjà qu'en nous occupant des phénomènes politiques objet de la science politique et du droit constitutionnel qui les étudient respectivement d'une manière dynamique et statique, nous sommes amené à utiliser des méthodes c'est-à-dire ainsi que le disent Pinto et Grawitz, « un ensemble des opérations intellectuelles par lesquelles une discipline cherche à atteindre les vérités136(*) qu'elle poursuit, les démontre et les vérifie ».

Indispensable, la méthode n'est pas pourtant unique. Marie Anne Cohendet précise qu'en droit public une méthode de travail n'existe pas. Et quand même elle existerait, ajoute-t-elle, elle risquerait fort de muer en un dogme sclérosant la pensée137(*).

Toutefois, le droit public concernant plus largement l'élaboration des normes et l'organisation des institutions politiques et administratives, il implique parfois des analyses qui font recours aux méthodes et techniques d'investigation proches de plusieurs disciplines scientifiques dites sciences sociales et en particulier de la science politique.

En revanche, la recherche scientifique pourra être comprise comme une investigation rigoureuse, critique et systématique menée sur un objet donné et précis, sur base des procédés méthodologiques susceptibles de conduire à une connaissance vraie, vérifiable et communicable de l'objet étudié138(*) .

L'approche juridique est à l'évidence mise à contribution. C'est le lieu de dire, avec Madeleine Grawitz, que le concept « approche » traduit une attitude comportant souplesse, prudence et caractérisée par un état à la fois de grande vigilance et de grand respect pour l'objet étudié.139(*)

Pour mettre en exergue cette approche qui est essentielle pour un travail juridique, les grands types d'interprétation juridique seront mis à contribution pour l'analyse de la jurisprudence que constituent les arrêts à commenter et la construction de l'argumentation du juge.140(*) Il est convenu de voir que cette approche juridique est à la fois exégétique et contentieuse141(*).

La démarche du publiciste sera exégétique mais aussi nourrie de l'apport de l'approche jurisprudentielle142(*). Celle-ci donnera vie à la traditionnelle analyse des textes qui n'échappe pas à la pertinente remarque de Dominique Turpin relative à ce qu'il appelle l'obsession textuelle saisie comme l'état primitif de l'évolution du droit constitutionnel.143(*)

Par ailleurs, il ne s'agira pas de se détacher du texte mais plutôt de lui donner le sens que lui confère l'apport des dimensions factuelles. Le travail de l'exégèse n'est-il pas aussi celui de rechercher le fondement qui est toujours et déjà préjuridique ou métajuridique?144(*) Qui mieux que le juge pourrait saisir ces dimensions insoupçonnées du texte de loi qu'il s'agit d'interpréter ?145(*) 

Le doyen Duguit répond en opinant que « en fait, la production spontanée du droit n'est jamais arrêtée, (et) que le juge est absolument libre dans son appréciation et qu'il ne peut pas être entravé et gêné par ce que l'on prétend avoir été la pensée réelle, quoique non exprimée, du législateur »146(*).

On s'aperçoit en effet que le chercheur de droit public devra employer une double approche principalement juridique et subsidiairement socio-politique et historique en raison du « lien dialectique existant entre le droit public et le jeu des forces sociales, politiques et économiques au sein de l'Etat-nation ».147(*)

Il est évident que la méthode pluridisciplinaire sera d'application car « la vision traditionnelle d'une recherche juridique hautaine et coupée de méthodes ou des réflexions de l'ensemble des sciences humaines est écartée par l'ensemble des juristes ».148(*) Et, Yves Chérot de conclure en posant que « le droit est à la fois l'école de la réflexion et de l'imagination ».149(*)

S'agissant de l'approche diachronique qui est l'application de l'histoire au droit, il y a lieu de montrer qu'une étude de droit public ne peut légitimement ignorer ses bases historiques et ses sources d'inspiration intellectuelle que sont le droit traditionnel négro-africain, le droit public de l'Etat indépendant du Congo et le droit public du Congo belge, d'une part et d'autre part, le droit public belge, le droit public français et le droit public comparé de certains pays africains francophones depuis leur indépendance.150(*)

Ayant largement influencé le droit belge, le droit français constitue, prima facie, une source d'inspiration intellectuelle du droit congolais, et ce, depuis l'Etat indépendant du Congo. M. Mboko Dj'Andima observe que cette influence s'est intensifiée notamment depuis la Constitution du 24 juin 1967 qui a pris pour modèle la constitution française du 4 octobre 1958.151(*)

Etudier le contentieux constitutionnel ne saurait échapper à la pertinente remarque du doyen Francis Delpérée soutenant que « la leçon de la science comparatiste des institutions publiques est aussi de montrer que, par delà les ressemblances institutionnelles qu'il est légitime de relever, voire de grouper en systèmes ou en régimes, des différences fondamentales subsistent. Elles tiennent à la diversité des circonstances historiques qui entourent la création des Etats ».152(*)

Autant dire que l'approche comparatiste sera d'un apport certain à l'analyse de notre thème au double motif que la justice constitutionnelle est d'abord née ailleurs et la politoscopie de cette institution à travers la Constitution congolaise du 18 février 2006 donne ouvertement à voir des similitudes avec son homologue français.

Au demeurant, la mondialisation des relations économiques et culturelles débouche sur une uniformisation du droit. La récente création du droit de l'Ohada est de nature à rendre probable, dans des échéances à déterminer, l'existence d'un droit quasi-mondial. Ce rêve kantien restera-t-il longtemps utopique ? La paix perpétuelle et universelle n'a-t-elle pas pour fondement dernier un gouvernement mondial ? Tel n'est pas notre sujet cependant il faudra garder présente à l'esprit cette réalité dont l'avènement relève des études de prospective.153(*)

Les techniques documentaires ont également servi à l'élaboration de cette étude. Par ailleurs, cet exposé des outils conceptuels nous permet de fonder le choix méthodologique que nous assumons dans cette thèse.

Le sujet lui-même au demeurant commande cette approche qui s'inscrit dans la trame du droit constitutionnel contemporain dont le caractère jurisprudentiel 154(*) est de plus en plus marqué même si en République démocratique du Congo des pas balbutiants sont encore à compter sur ce plan.155(*) La traversée toute récente du désert qu'était le monolithisme politique peut expliquer le développement timide de la jurisprudence de la haute Cour dans le champ considéré.

Nous pensons qu'il y a quelque mérite à ajouter au crédit des magistrats de la haute Cour qui, malgré les conditions de travail pénibles, ont réussi, sur un si court parcours, à rendre quelques arrêts dont le caractère hésitant n'échappe pas cependant à tout chercheur averti. Le rôle à jouer par cette haute juridiction est capital. Indubitablement, comme le professent Martine Viallet et Didier Maus, sans un droit stable et simple, organisé autour d'une justice indépendante et efficace, il ne peut exister ni croissance économique ni progrès social.156(*)

L'un des rôles de la doctrine n'est-il pas de suppléer aux carences de la loi et de prêter des béquilles à la jurisprudence comme c'est le cas en République démocratique du Congo où cette dernière est balbutiante ? La situation, il faut le dire, n'est pas encore viable ni même enviable.

Ce diagnostic cruel mais sincère indique l'enjeu d'une justice constitutionnelle efficace et son rôle dans l'érection d'un Etat de droit en République démocratique du Congo. Il ne s'agit pas du seul levier de cet Etat de droit que nous entendons construire en République démocratique du Congo, mais assurément de l'un des plus importants d'entre tous.

Il importe cependant d'ajouter, à ce niveau, que le rôle d'un travail d'une telle ampleur ne saurait se résoudre à ressasser des diagnostics même mieux posés ailleurs sans indiquer, ne fut-ce que de manière sommaire, les quelques pistes de solution que l'ordonnancement juridique congolais serait invité à emprunter. Quelle gageure !

En revanche, cette tâche ardue trouve cependant quelque facilité à travers le plan sommaire que nous nous proposons de suivre.

* 132 RONGERE (P.), Méthodes des sciences sociales, Paris, Dalloz, 1971, p.18 qui dit que la méthode est « une procédure particulière appliquée à l'un ou l'autre des stades de la recherche ».

* 133 MULUMBATI NGASHA, Manuel de sociologie générale, Lubumbashi, éditions Africa, 1980, p. 20 qui définit la technique comme « un outil à la disposition de la recherche et organisé par la méthode dans ce but ».

* 134 SHOMBA KINYAMBA (S.), Méthodologie de la recherche scientifique. Parcours et les moyens d'y parvenir, Kinshasa, éditions M.E.S., 2005, p.19

* 135 ULPIEN, Digeste, Livre I, Titre 1, F.R.I., &2 définit le droit public comme ad statum rei romanae spectat par opposition au droit privé qui est ad singulorum utilitatem pertinet, cité par Emile LAMY, Le droit privé. Introduction à l'étude du Droit écrit et du Droit coutumier zaïrois, Kinshasa, PUZ, 1975, p.57.

* 136 PINTO (R.) et GRAWITZ (M.), Méthodes des sciences sociales, Paris, 4ème édition, Dalloz, 1971, p. 289.

* 137 COHENDET (M.-A.), Droit Public. Méthodes de travail, 3ème édition, Paris, Montchrestien, 1998, p.13.

* 138 SHOMBA KINYAMBA (S.), op. cit, p.24.

* 139 GRAWITZ (M.), Méthodes des sciences sociales, 10ème édition, Paris, Dalloz, 1996, p.319, n°267.

* 140 PERELMAN (C.), Logique juridique. Nouvelle rhétorique, 2ème édition, Paris, Dalloz, 1999, pp.51-96.

* 141 Lire avec intérêt DREYFUS (S.), La thèse et le mémoire de doctorat en droit, Paris, Armand Colin, 1971.

* 142 LAMY (E.), op.cit, p.245 va jusqu'à ériger cette approche en méthode jurisprudentielle.

* 143 TURPIN (D.), Droit constitutionnel, Paris, PUF, 1998, p.1.

* 144 DAILLIER (P.) et PELLET (A.), Droit international public, Paris, LGDJ, 2002, pp.98-107 ont rédigé de bonnes pages qui font un bel état de ce débat qui relève en fait de la philosophie du droit mais à l'occasion de l'étude du fondement du droit international. Tel n'est pas notre sujet, pour l'instant.

* 145 PESCATORE (P.), Introduction à la science du droit, Luxembourg, Centre Universitaire de l'Etat, 1978, pp. 331 et suivantes professe que « la méthode exégétique est essentiellement historique, c'est-à-dire, à l'instar du théologien qui recherche à travers le texte, la volonté divine, le juriste recherche la volonté du législateur. En effet, par la force des choses, la loi n'est qu'une expression sommaire et elliptique des volontés du législateur. Cette intention, on la découvre, en première ligne, dans l'histoire du texte (c'est-à-dire dans les travaux préparatoires) et, en seconde ligne, dans l'histoire de l'époque qui a vu la genèse de la loi ».

* 146 DUGUIT (L.), Traité de droit constitutionnel, tome I, 3ème édition, 5 volumes, 1923-1927, réimprimé 1972, p.177.

* 147 VUNDUAWE te PEMAKO (F.), op.cit., p.104.

* 148 CHEROT (Y.), Livre blanc sur la recherche juridique, Paris, LGDJ, 1996, p.6.

* 149 Ibidem.

* 150 VUNDUAWE te PEMAKO (F.), op.cit., pp.111-116. Pour l'intelligence de l'utilité de l'approche historique en droit, lire les développements fort intéressants de CARBASSE (J.-M.), Manuel d'introduction historique au droit, 2ème édition corrigée, Paris, PUF, 2004.

* 151 MBOKO Dj'ANDIMA, L'Etat de droit constitutionnel en République démocratique du Congo. Contribution à l'étude des fondements et conditions de réalisation, Mémoire de D.E.S. en droit public, UNIKIN, Faculté de Droit, 2005, p.19.

* 152 DELPEREE (F.), Le droit constitutionnel de la Belgique, Bruxelles, Paris, Bruylant, LGDJ, 2000, p.40, n°27.

* 153 FUKUYAMA (F.), La fin de l'histoire ? Commentaire, n°47, automne 1989, p.459, cité par Claude LECLERCQ, Libertés publiques, 5ème édition, Paris, Litec, 2003, p.1.

* 154 NTUMBA LUABA LUMU (A.-D.), Droit constitutionnel général, Kinshasa, Editions Universitaires Africaines, 2005, p.12. Voy aussi HEYMANN-DOAT (A.), Libertés publiques et droits de l'homme, 6ème édition, Paris, LGDJ, 2000, 304 pp. qui adopte l'approche jurisprudentielle pour théoriser le droit constitutionnel des libertés publiques.

* 155 MABANGA MONGA MABANGA, Le contentieux constitutionnel congolais, Kinshasa, Editions Universitaires Africaines, 1999, n'en dénombre que deux en matière constitutionnelle et trois autres qu'il qualifie de « jurisprudence constitutionnelle incidente » au point que son préfacier, le professeur NTUMBA LUABA LUMU, dit ironiquement que deux hirondelles ne font pas le printemps.

* 156 VIALLET (M.) et MAUS (D.), Avant-propos in du Bois DE GAUDUSSON (J.), Les constitutions africaines publiées en langue française, op.cit., p.8.

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"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle