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Le rôle de la Cour Internationale de Justice dans la détermination et le respect des normes de Jus Cogens

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par Joseph SEHORANA
Université libre de Kigali - Licence 2011
  

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II.2.2.3 Décision de la Cour

Dans son arrêt, la Cour a conclu, par quinze voix contre deux qu'il n'avait pas compétence en le cas, ce qui élimine tous les motifs compromissoires un après l'autre.111 Non compétente pour connaitre de l'affaire sur le fond, la Cour tient néanmoins à rappeler qu'« il existe une distinction fondamentale entre la question de l'acceptation de la juridiction de la Cour par les Etats et la conformité de leurs actes au droit international, y compris le droit international humanitaire et le droit international relatif aux droits de l'homme. Elle a ajouté en outre que ces Etats demeurent responsables des actes contraires au droit international qui pourraient leur être attribués qu'ils aient accepté ou non la juridiction de la Cour ».112

II.2.2.4 Critique juridique de l'arr~

Avant toute critique sur cet arrêt, rappelons que l'article 8 de la Convention sur le génocide prévoit que: « Toute partie contractante peut saisir les organes compétents de l'Organisation des Nations Unies à prendre des mesures en vertu de la Charte des Organisation des Nations Unies qu'ils jugent appropriées pour la prévention et la répression des actes de génocide ».113 Selon l'article 3, « les actes suivants sont punis : le génocide ; les actes en vue de

110 Activités armées sur le territoire du Congo, Op.cit, § 61, p.30.

111 Activités armées sur le territoire du Congo, Op.cit, § 128, p.53.

112 LABRECQUE, G., La force et le droit : Jurisprudence de la Cour Internationale de Justice, éditions Yvon Blais, Cowansville (Canada), 2008, p.415.

113 Article 8 de la Convention sur le génocide.

commettre le génocide ; incitation directe du public à commettre le génocide ; la tentative de commettre le génocide ; la complicité dans le génocide. »114

Faisons aussi remarquer que l'objet et le but de la Convention sur le génocide est la prévention et la répression du crime de génocide, et que cela englobe la tenue d'un État responsable de la violation de ses obligations en vertu de la Convention. Cette Convention vise à l'universalité, c'est à dire d'empêcher toute commission de génocide. Il ne faut pas que les réserves détruisent la finalité de la Convention.

Ainsi, vu que l'article 9 est la seule disposition de la Convention concernant la question de la responsabilité des États, certains estiment que les réserves qui ont été émises là-dessus n'étaient pas compatibles avec l'objectif qu'elle poursuit. La Cour Internationale de Justice quant à elle, affirme que dans le silence d'une Convention, les Etats ont la capacité d'apporter des réserves. La Cour relève qu'elle a déjà conclu que les réserves ne sont pas interdites par la Convention sur le génocide (avis consultatif sur les Réserves à la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, C.I.J. Recueil 1951, p. 22). ».115 Aussi, de l'avis de la Cour, une réserve à la Convention sur le génocide serait permise pour autant que cette réserve ne soit pas incompatible avec l'objet et le but de la Convention.

A notre humble avis, les réserves formulées sur la Convention contre le génocide doivent être prises en compte dans la lumière de l'objet et le but de la Convention. En vertu de l'article 1e de la Convention, « Les parties contractantes confirment que le génocide, qu'il soit commis en temps de paix ou en temps de guerre, est un crime en vertu international du droit, qu'elles s'engagent à prévenir et à punir. »116 L'article 1e impose donc une obligation pour les États de prévenir et de punir le crime de génocide.

Le titre même de la Convention : « Convention sur la prévention et la répression du crime du génocide » cadre clairement en termes de prévention et de répression du génocide.

114 Article 3 de la Convention sur le génocide.

115 Activités armées sur le territoire du Congo, Op.cit, § 66, p. 32.

116 Article 1e de la Convention sur le génocide.

L'article 9 est donc essentiel à la réalisation de l'objet et le but de la Convention car il est le seul moyen de statuer sur la responsabilité des États.

Le refus de la Cour de statuer sur l'affaire sous prétexte des réserves, non seulement l'empêche d'interpréter ou d'appliquer la Convention, mais aussi d'enquêter sur les différends entre les parties contractantes relatifs à la responsabilité de l'État pour génocide ou de l'une des autres actes énumérés à l'article 3. Cela n'est pas favorable à la réalisation de l'objet et le but de la Convention, à savoir, la prévention et la répression du génocide.

Aussi, le fait qu'un État ne s'oppose pas à une réserve au moment où elle est faite n'est pas, à notre humble avis, d'une importance déterminante. L'échec d'un État de s'opposer ne devrait pas être considéré comme déterminant dans le contexte des traités sur les droits de l'homme comme la Convention sur le génocide qui ne sont pas fondés sur la réciprocité entre les États, mais plutôt servent à protéger les individus et la communauté internationale dans son ensemble.

En outre, certains pensent qu'en examinant cette affaire, la Cour aurait dû prendre dûment compte du principe de bonne foi en ce qui concerne l'effet de la déclaration faite par le Rwanda, en la personne de son ministre de la justice, devant la Commission des Nations Unies sur les droits de l'homme :

«Le Rwanda est l'un des pays qui a ratifié le plus grand nombre d'instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme. Dans la seule année 2004, notre gouvernement a ratifié dix d'entre eux, y compris celles relatives aux droits des femmes, la prévention et la répression de la corruption, l'interdiction des armes de destruction massive, et de l'environnement. Les quelques instruments qui ne sont pas encore ratifiés seront bientôt ratifiés et les réserves non encore levées seront prochainement retirées. ».117

Parmi les quelques instruments dont le Rwanda avait émis des réserves, qui pourront être retirées il y avait la Convention sur le génocide. Les propos du ministre avaient prêté à comprendre effectivement que la réserve qui avait été formulée par le Rwanda sur ladite Convention avait été enlevée.

117 Affaire des activités armées sur le territoire du Congo, Op.cit, p.30.

Curieusement, à propos de la réserve qui avait été formulée par le Rwanda, W. A SCHABAS, et M. IMBLEAU avaient déjà écrit en 1999 qu'elle aurait été enlevée (nous ne savons pas sur quelles bases il fondait sa pensée) :

« (~ ) Certains traités internationaux octroient également un rôle à la Cour Internationale de

Justice. C'est le cas de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, mais le Rwanda a émis une réserve sur la compétence de la Cour pour ne pas être soumis à sa juridiction (cette réserve est maintenant retirée). » 118

Cela étant, certains pensent qu'il ne serait pas approprié de considérer la déclaration du Rwanda concernant sa réserve au plus important des instruments relatifs aux droits de l'homme et au droit humanitaire comme un simple geste politique dépourvu d'effet juridique. Ils pensent que refuser l'accès à la Cour, est en fait interdire le contrôle judiciaire de la responsabilité d'un Etat dans un différend relatif à la violation de la Convention.

Sans vouloir contester le fait que, le sérieux d'une obligation, le caractère impératif d'une norme ou le caractère erga omnes d'une obligation ne saurait en lui-même fonder la compétence de la Cour, nous estimons néanmoins que l'allégation de crime de génocide est beaucoup trop grave pour qu'on la laisse échapper au contrôle judiciaire par une astuce de procédure.

Certes, un principe de droit veut que la base de la compétence de la Cour soit le consentement des parties. Rien en droit n'empêchait le Rwanda d'exprimer son consentement et de permettre ainsi à la Cour d'examiner les allégations selon lesquelles le Rwanda avait violé les obligations découlant pour lui de la Convention sur le génocide.119

En conclusion, nous sommes d'avis que toute critique aux arguments ci-haut mentionnés doit être formulée en tenant compte non seulement de la gravité du crime du génocide et de la valeur reconnue aux normes de Jus Cogens, mais aussi de l'avenir de celles-ci.

118 SCHABAS, W. A. et IMBLEAU, M., Introduction au droit rwandais, les éditions Yvon Blais Inc., Cowansville (Canada), 1999, p. 245.

119 KOROMA, G., « Opinion dissidente sur l'affaire RDC c Rwanda », disponible sur : www.haguejusticeportal.net , consulté le 25/09/2011.

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La gravité du crime du génocide est telle qu'elle aurait autorisé la Cour à statuer sur l'affaire. Le génocide est le «crime de tous les crimes » et les règles y afférentes sont reconnus par les nations civilisées comme obligeant les États, même en l'absence de tout lien conventionnel.

Ainsi, vue la gravité du crime de génocide et le sérieux avec lequel la communauté internationale et l'humanité toute entière apportent à son éradication et à sa punition, la Cour ne devrait-elle pas y apporter une attention particulière ? En fait la Cour, avait eu l'occasion de favoriser de grands espoirs et les attentes que l'objet et le but de la Convention sur le génocide seraient remplies. Cette affaire était l'occasion pour la Cour d'appliquer la Convention et ses principes. En fait c'est une question très grave pour un Etat de se protéger à l'examen judiciaire internationale pour toute réclamation qui pourrait être fait contre lui concernant le génocide. La Cour aurait dû saisir l'occasion d'examiner à fond si la réserve a violé l'objet et le but de Convention.

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry