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L'entente de reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles entre la France et le Québec à  travers le prisme des barrières institutionnelles et de la théorie de l'offre individuelle de travail l'exemple des avocats et des infirmières

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par Paul Levesque
Université Laval (Québec - Canada)  - Maitrise en Science-Politique 2013
  

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iii. Des avocats si différents ?

La profession d'avocat excite dans la quasi-totalité des pays, mais elle garde des spécificités nationales importantes. Toutefois, entre les barreaux français et le barreau du Québec les similitudes semblent plus grandes que les différences. L'ancienneté des relations entre les deux barreaux et la tradition civiliste commune a créé des liens privilégiés. Cette relation se traduit notamment par la multiplicité dans les échanges d'étudiants en droit entre les universités françaises et québécoises. De plus, pour la France, dans la compétition que se livre les différents types de droit sur la scène mondiale, avoir un allié en Amérique du Nord est un atout.15

L'avocat, au même titre que le médecin, occupe une place centrale dans la société québécoise, en France cela évolue vers cette direction. Cependant, il existe encore proportionnellement près de quatre fois plus d'avocat par habitant au Québec. Depuis trente ans, la France rattrape son retard puisque le nombre d'avocats a été multiplié par quatre et la profession attire « des candidats dotés de diplômes réputés » (Karpik, 1995 : 459). Cela s'explique par l'augmentation importante des recours juridiques et l'apparition, comme au Québec, d'un barreau d'affaires. Comme c'est le cas au Québec, la France s'est alignée, au cours des dernières années, sur le modèle anglo-saxon en faisant le lien entre la « crédibilité sociale et la certification universitaire » (ibid, 238). Une autre ressemblance que connaît la profession est sa féminisation. On est aujourd'hui à la parité dans les deux pays et les femmes représentent une majorité des avocats de moins de 30 ans.

S'il existe en France plusieurs barreaux, alors qu'il n'en existe qu'un au Québec, le type d'organisation et de fonctionnement de la profession est assez analogue. Dans les deux pays, il faut avoir fait au minimum quatre ans d'études supérieures en droit afin d'être admissible aux examens de la profession. Il faut aussi chaque année payer sa cotisation à son barreau d'attache et continuer de se former tout au long de sa vie professionnelle. Sur

15 David Levy, Directeur du Pôle juridique au Conseil National des Barreaux, responsable de l'élaboration de l'ARM avec le Barreau du Québec, entretien du 19 février 2013

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le plan sociologique, les membres de la profession ne semblent pas présenter des caractéristiques très différentes. Les avocats appartiennent aux classes moyennes supérieures et supérieures.

Si les ressemblances sont grandes, il existe tout même des différences. La plus importante est, évidemment, la présence d'un bijuridisme au Québec : le « droit privé répond à la tradition civiliste, tandis que le droit public est davantage influencé par la common law » (Le droit au Québec, 2013 : 1) (Kay, 2009 ; Jutras, 2009 ; Chiasson, 2001 ; Perret, 2003 ; Gervais et Seguin, 2001 ; Gaudreault-Desbiens, 2007). Il existe aussi des distensions sur le plan organisationnel puisqu'au Québec un avocat peut garder son titre s'il travaille en entreprise ou dans la fonction publique. Ainsi, les avocats qui travaillent en entreprise, dans le secteur public ou parapublic représentent 35 % des membres du barreau du Québec (Barreau du Québec, 2012 : 2). Il est aussi possible de créer des cabinets multidisciplinaires, regroupant notamment des experts comptables, alors que c'est interdit en France. Par contre avec l'Europe, les avocats français sont déjà confrontés, depuis le début des années 90, à la concurrence étrangère. En effet, 4 % des avocats qui exercent sur le territoire français sont étrangers, au Québec cette compétition n'existe pas.

1. Arrangement en vue de la reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles des avocats

Signé par le Barreau du Québec et le Conseil national des Barreaux, l'Arrangement en vue de la reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles des avocats est entré en vigueur en août 2010. Il permet à un avocat ayant obtenu en France une maitrise ou un master I en droit ainsi que le certificat d'aptitude à la profession d'avocat (CAPA) et qui « par ailleurs, satisfai[t] aux autres conditions suivantes : - Être inscrit au Tableau d'un barreau en France à titre d'avocat en exercice. - Justifier d'une assurance responsabilité professionnelle couvrant son activité professionnelle au Québec par une protection égale ou supérieure à celle en vigueur au Québec » de passer un « examen de contrôle des connaissances portant sur la réglementation et la déontologie » (ARM avocats, 2009 : 5). En cas de réussite à celui-ci, le demandeur peut « demander son inscription au Tableau de l'Ordre du Barreau du Québec » (ibid, 5). L'examen de

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contrôle des connaissances sur la réglementation et déontologie des avocats a lieu deux fois par an et il consiste en un examen oral devant un jury de trois avocats, la note de passage est de 60 %.

Pour exercer en France, il faut que le demandeur ait obtenu un baccalauréat en droit dans une des six universités16 qui dispensent la formation en droit civil et possèdent un permis d'exercice de la profession d'avocat. L'avocat demandeur doit alors passer une épreuve portant sur la réglementation de la profession et la déontologie. Il doit aussi « être inscrit au Tableau de l'Ordre du Barreau du Québec à titre d'avocat en exercice [et] justifier d'une assurance responsabilité professionnelle couvrant son activité professionnelle au Québec par une protection égale ou supérieure à celle en vigueur pour les avocats inscrits au barreau français concerné » (ibid, 5). Ainsi, à partir du moment où les différentes conditions énumérées ci-dessus sont réunies l'avocat peut demander son inscription au Tableau d'un barreau français. Notons que dans les deux cas, il n'existe pas par la suite d'obligations pour le demandeur de rester membre de son barreau d'origine.

Pour les avocats la reconnaissance est donc une reconnaissance quasi automatique puisqu'ils doivent simplement démontrer « l'acquisition de connaissances dans le domaine déontologique et de la réglementation professionnelle ». (Côté, 2008 : 370) La répartition des avocats étrangers selon leur nationalité, effectuée par le Ministère de la Justice française au 1er janvier 2011, dénombrait 30 avocats canadiens inscrits à un barreau français. Les statistiques fournies par le Conseil des Barreaux établis qu'entre 2010 et 2012, 58 avocats québécois ont été admis. Ainsi, si l'on enlève les 11 admis en 2010 aux 30 avocats canadiens exerçant sur le sol français au 1er janvier 2011, le nombre d'avocats canadiens exerçant en France a été multiplié par trois sur une période de trois ans. Au 31 décembre 2012, on évalue à 77 le nombre d'avocats canadiens exerçant dont au moins 58 provennant du Québec17. À l'étude des données, il est indéniable que la signature de l'ARM a permis d'augmenter le nombre d'avocats exerçant en France, mais

16 L'université d'Ottawa est aussi dans l'entente puisqu'elle possède une section de droit civil et que ses étudiants peuvent appliquer à l'École du Barreau du Québec

17 Ministère de la justice, D.A.C.S Ð Pôle d'évaluation de la justice civile -, « Statistiques sur la profession d'avocat Ð situation au 1er janvier 2012 »

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ils demeurent moindres par rapport à d'autres nationalités comme l'Allemagne (214) ou les États-Unis (140). Les chiffres n'étant malheureusement pas disponibles pour le Québec nous ne pouvons pas effectuer le même exercice.

L'ARM prend de la « valeur » lorsqu'on analyse les démarches exigées pour les avocats non assujettis à l'ARM. Il est excessivement difficile de faire reconnaître ses diplômes afin de devenir avocat en France ou Québec. Par exemple, un avocat canadien provenant d'une autre province doit passer le même examen de déontologie que l'avocat français voulant exercer au Québec, mais doit en plus repasser deux examens de droit civil et procédures afférentes alors même qu'il s'agit d'avocats exerçant dans le même pays (Barreau du Québec, 2013). En France, les avocats non membres de l'UE doivent repasser un examen d'aptitude qui comprend un écrit et un oral, avec deux épreuves à chaque fois. Les avocats québécois sont dispensés de trois des quatre examens puisqu'ils ne doivent passer que « l'entretien de quinze minutes environ avec le jury, portant notamment sur la réglementation et la déontologie de la profession » (Conseil National des Barreaux, 2009 : 7).

On peut conclure que la quasi-disparition de barrière institutionnelle a encouragé un nombre d'avocats, plus important qu'à l'habitude, à effectuer les démarches afin d'exercer dans l'autre pays. Cette affirmation confirme notre hypothèse H1 voulant que la suppression de barrière institutionnelle favorise l'établissement de professionnels étrangers sur son territoire. On doit toutefois relativiser l'augmentation des flux puisque que le nombre de demande reste limité et ne représente même pas 0,2% des avocats français et québécois.

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