WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Les mécanismes offshores: entre optimisation et évasion fiscale

( Télécharger le fichier original )
par Nabil GRID
Université de Nice Sophia-Antipolis - Master 1 Droit Public parcours Fiscalité 2013
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Paragraphe 2 : L'étendue de la clause de sauvegarde de l'article 209 B CGI

L'article 209B du CGI fait partie du paysage fiscal français qui vise à limiter et lutter contre l'évasion fiscale, comme l'ensemble des autres articles que l'on a déjà étudié. Dans cet article il est avant tout question de valeurs et parts qui sont détenus dans les pays à fiscalité privilégiées. La notion de bénéfices dans cet article est intéressante dans le cadre de notre étude en ce sens que lorsqu'ils sont réalisés par une entité juridique, ils sont réputés constituer un revenu de capitaux mobiliers imposable de la personne morale établie en France dans la proportion des actions, parts ou droits financiers qu'elle détient directement ou indirectement. Cet article nous emmène à parler de « clause de sauvegarde ».

La jurisprudence concernant cette clause de sauvegarde est primordiale concernant son application. Car sans interprétation jurisprudentielle stricte, l'interprétation extensive de cette dernière peut s'avérer dangereuse pour l'Etat.

Deux arrêts du Conseil d'Etat du 28 novembre et 26 décembre 2012 méritent notre attention: CAA Paris 18 juin 2010 n° 09-2203, Sté BNP Paribas et CAA Versailles 4 mai 2010 n° 09-2128, Sté BNP Paribas.

Les juges dans ces arrêts vont se fonder sur l'appréciation de l'activité et de l'impact que cette dernière a sur le marché. C'est cette appréciation qui établira si la clause de sauvegarde a lieu de s'appliquer ou pas. Ainsi dans le cas d'espèce le Conseil d'Etat juge qu'eu égard à la nature de ces activités et aux clients concernés, les opérations de gestion de trésorerie d'un groupe bancaire par une sous-filiale établie à Guernesey ou celles de collecte de fonds de clients particuliers internationaux par une sous-filiale établie aux Bahamas ne sauraient être regardées comme réalisées de façon prépondérante sur le « marché local » au sens de l'article 209 B.

L'analyse des juges est donc fondée sur le caractère réel et concret de l'activité et n'est aucunement fondé sur le critère juridique qui consisterait à se fonder sur le pourcentage de parts détenus dans le capital social.

Le raisonnement à contrario qui découle de l'interprétation du Conseil d'Etat est le suivant: une personne qui a recours à un mécanisme fiscal offshore en localisant ses bénéfices dans un paradis fiscal ne verra pas ses bénéfices "rapatriés" pour être imposés en France si les juges considèrent que l'activité en question n'est pas prépondérante et n'influe pas sur le marché local.

Il faut nuancer tout de même les prérogatives que le Conseil d'Etat reconnait à l'administration fiscale par le biais de cet article, en effet, un arrêt du Conseil d'Etat du 21 novembre 2011 n° 325214, 9e et 10e s.-s., min. c/ Société industrielle et financière de l'Artois (Sifa)1, dans cet arrêt il s'agissait d'une société « Plantations des Terres Rouges » (PTR) qui avait son siège social au Vanuatu, en plus de son activité d'exploitation, la société Plantation des Terres Rouges est une société holding, qui détient des participations à hauteur de près de 100 % dans plusieurs sociétés ayant leur siège aux îles Caïman, au Luxembourg, au Panama et à Hong Kong. Elle a parmi ses actionnaires deux sociétés françaises, qui ont été imposées sur leur quote-part dans les bénéfices de la société PTR en application de l'article 209 B du CGI.

Cet arrêt nous fait savoir qu'eu égard à la finalité de l'article 209 B du CGI, l'administration doit justifier que la société, dont elle entend imposer les résultats sur le fondement de cet article entre les mains d'un associé, est soumise hors de France à une charge fiscale moindre, pour l'imposition de ses bénéfices ou de ses revenus, que celle à laquelle elle serait soumise en France si elle y était établie. L'on comprend dès lors que ce que le Conseil d'Etat veut mettre en exergue est que l'Administration ne dispose pas d'un droit omnipotent d'imposition des bénéfices industriel et commerciaux, puisque lui incombe la charge de la preuve.

Il est notamment important de faire remarquer que face à l'application de l'article 209B du CGI le contribuable peut faire état d'autres charges fiscales (par exemple l'assujettissement à la retenue à la source) pour prouver qu'il n'est pas assujetti à une imposition plus faible à l'étranger que l'imposition qu'il aurait subi en France.

1 : Conclusion du rapporteur public Pierre Collin sur l'arrêt 9e et 10e s.-s., 21 novembre 2011 n° 325214, min. c/ Société industrielle et financière de l'Artois (Sifa)

L'article 209 B du CGI prévoit, dans son I, que lorsqu'une entreprise passible de l'impôt sur les sociétés détient directement ou indirectement 25 % au moins des actions ou parts d'une société établie dans un Etat étranger ou un territoire situé hors de France dont le régime fiscal est privilégié au sens mentionné à l'article 238 A.

On comprend donc que la lecture de l'article 209B est faite en complémentarité avec l'article 238 A lequel a été analysé dans notre étude dans la partie réservée à l'impact national des législations offshores, qui définit la notion de régime fiscal privilégié comme le fait, pour une personne, de ne pas être imposable dans l'Etat ou le territoire considéré ou d'y être assujetti à des impôts sur les bénéfices ou les revenus dont le montant est inférieur de plus de la moitié à celui de l'impôt sur les bénéfices ou sur les revenus dont elle aurait été redevable dans les conditions de droit commun en France, si elle y avait été domiciliée ou établie.

Le rapporteur public soulève un point très important dans le cadre de son analyse en ce qu'il déduit de cette complémentarité le fait que l'objectif de l'article 209 B est d'étendre la territorialité de l'IS aux résultats des filiales ou établissements établis dans un pays à régime fiscal privilégié. Cet article serait dès lors, un moyen de contourner le principe de la territorialité de l'IS. Apparait dès lors l'idée selon laquelle les principes fiscaux français apparaîtraient comme étant des obstacles à la lutte contre l'évasion fiscale.

Il ressort de cette jurisprudence importante en matière d'application de la clause de sauvegarde que la prérogative de l'administration de pouvoir taxer des revenus ou bénéfices qu'elle considère "évadés" est limitée par une obligation qui est celle de réaliser une fiction juridique préalable. Cette fiction consiste à faire sur une comparaison entre une situation réelle et une situation hypothétique qui est celle qui consiste à imaginer si la société disposait de son siège en France alors qu'elle ne l'a pas.

Il en résulte que l'article 209 B a pour seul objet de permettre la taxation en France de bénéfices qui y seraient imposés selon les règles de droit commun si la société produisant ces bénéfices était établie en France mais qui échappent en totalité ou presque à l'impôt dans le pays d'établissement.

Les problématiques internes les plus rencontrées au niveau interne en matière de suspicion de fraude fiscale sont celles relative à l'application de la clause de sauvegarde et la licéité de certains mécanismes offshore à la limite de l'optimisation fiscale, mais le cadre juridique européen vient aussi complexifier les choses redynamisant encore plus la question du recours aux législations fiscales offshores.

Paragraphe 3 : La liberté d'établissement de l'UE protectrice du recours au mécanisme offshore

La liberté d'établissent consacrée au sein de l'arsenal juridique de l'Union européenne est une liberté reconnue aux personnes physiques et aux personnes morales dont la force juridique n'a cessé de croître au fur et à mesure des Traités, de sorte que, elle est venue se poser comme étant un moyen de légaliser (ou du moins un moyen de brouiller les pistes en cas de recours aux mécanismes offshore constitutifs de fraude fiscale) le recours aux mécanismes offshores.

Les exemples jurisprudentiels ne sont pas manquants, en effet, l'on pourra citer l'arrêt TA Cergy -Pontoise du 25 octobre 2007 n° 03-2725, 5e ch., Sté Pinault Bois et Matériaux où en l'espèce, une société française détenait plus de 25 % des parts de sa filiale irlandaise, laquelle bénéficie en Irlande du statut de « non residentcompany » qui lui permet de ne pas payer d'impôts sur les bénéfices en dépit de ses résultats bénéficiaires ; qu'ainsi, elle était soumise à un régime fiscal privilégié au sens des dispositions précitées, par ailleurs, la filiale irlandaise n'exerçait pas d'activité industrielle et commerciale effective et ne réalisait pas d'opérations de façon prépondérante sur le marché local ; que, par suite, les dispositions du I de l'article 209 B du CGI précité lui étaient applicables. L'administration fiscale a estimé que l'article 209 B s'appliquait dès lors que la filiale, soumise au régime irlandais des « non residentcompany », n'acquittait en république d'Irlande aucun impôt sur les sociétés.

La particularité de cette affaire réside dans le fait que la filiale irlandaise invoque l'incompatibilité de l'article 209B avec la liberté d'établissement. En effet, le fait que l'Administration fiscale se réserve le droit de d'imposer des bénéfices qui sont localisés dans un Etat doté d'une législation fiscale privilégiée serait contraire à la liberté pour une personne morale de s'établir dans l'Etat de son choix, et notamment au sein de l'UE.

Les Etats membres ne peuvent en principe priver leurs ressortissants de la possibilité de s'installer dans un autre Etat membre en vue de tirer profit d'avantages fiscaux légalement offerts dans cet Etat.

Le principe de liberté d'établissement, qui constitue selon la Cour de justice des Communautés européennes une des « dispositions juridiques fondamentales de la Communauté »1, prévoit en effet, en particulier, selon les stipulations de ce qui est aujourd'hui devenu l'article 43 TCE, la possibilité pour les entreprises de se constituer de manière libre sur l'ensemble du territoire de la communauté.

La jurisprudence de la CJUE se fonde sur une large interprétation de ce que l'on peut entendre par obstacle à la liberté d'établissement, il faut que l'obstacle soit mis en place pour des motifs impérieux d'intérêt général, au nombre des motifs admis figure la volonté d'exclure d'un avantage fiscal les montages purement artificiels dont le but serait de contourner la loi fiscale.

1 :CJCE 21 juin 1974 aff. 2/74, Reyners : Rec. p. 631

Or, justement, dans le cas très général visé par les dispositions de l'article 209 B, une entreprise détenue à plus de 25 % par une société française, exerçant une véritable activité économique dans un autre Etat membre de la communauté, mais y disposant d'une fiscalité privilégiée, risquerait de se voir imposer doublement sur certains de ses bénéfices, circonstance qui constitue une restriction au libre établissement de filiales françaises dans les autres Etats membres de la communauté.

Il n'en reste pas moins que la vision de la CJUE sur la liberté d'établissement n'a pas trouvé d'échos suffisant aux yeux du Conseil d'Etat car en l'espèce l'administration établit que la société irlandaise procédait d'un montage artificiel visant à contourner la loi fiscale, de sorte que la demande en décharge doit être rejetée.

La position du Conseil d'Etat à susciter de nombreuses réactions aux nombres desquelles on citera la question qui consiste à savoir si la liberté d'établissement n'est pas constitutive d'un abus de droit en matière fiscale. En effet, l'abus de droit, tel qu'il est défini par l'article L64 du Livre des Procédures Fiscales, constitue une arme ultime et redoutable pour l'Administration fiscale française et une source d'insécurité juridique grave pour les contribuables, d'autant plus que la marge de manoeuvre est souvent très faible entre la recherche légitime de la voie la moins imposée et l'utilisation abusive d'un texte. On peut donc en conclure que la liberté d'établissement est un moyen de protection des contribuables ayant recours aux mécanismes offshores mais qui vient être limité par l'abus de droit, arme redoutable de l'Administration fiscale.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld