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La saisie des navires en droit positif camerounais

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par Christian Valdano KOJOUO
Université de Dschang - Master 2013
  

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Paragraphe 2 : Les incidents de la saisie conservatoire des navires

La saisie conservatoire des navires n'est pas toujours une procédure normale de saisie. Très souvent, elle est émaillée d'incidents qui viennent en affecter le cours normal. Parmi ces incidents, les plus retenus sont la mainlevée de la saisie et l'autorisation de départ du navire ; ce dernier cas pourrait néanmoins être compris dans le cadre du déroulement normal de la procédure de saisie conservatoire des navires résultant de l'immobilisation du navire que nous avons déjà examinée172(*), raison pour laquelle dans le cadre de nos développements, nous nous affranchirons de l'autorisation de départ du navire pour ne nous consacrer que sur la mainlevée de la saisie (A) qui devrait normalement et logiquement produire des effets plus ou moins énergiques (B).

A- La mainlevée de la saisie

Dans notre contexte, l'on entend par mainlevée, l'acte par lequel le juge ou une partie arrête les effets de la saisie conservatoire des navires ; c'est donc dire que la mainlevée peut être aussi bien amiable (1) que judiciaire (2).

1- La mainlevée amiable

En pratique, le créancier saisissant exige souvent une lettre de garantie173(*) émanant d'un organisme bancaire, du club du propriétaire du navire ou encore du transporteur maritime, aux termes de laquelle l'auteur de ladite lettre s'engage à régler la créance cause de la saisie. Or ces lettres de garantie auxquelles ne font généralement pas partie les débiteurs, comportent souvent une clause attributive de compétence à une juridiction pour statuer sur le fond de la créance.174(*)

Lorsque la mainlevée n'a pas pu être obtenue à l'amiable entre le saisi et le saisissant, la voie judiciaire peut s'avérer propice.

2- La mainlevée judiciaire

La mainlevée de la saisie conservatoire des navires consécutive à une décision judiciaire peut résulter de l'offre par le saisi d'une garantie ou d'une caution, de la caducité de la procédure de saisie et de l'abus dans la saisie. Le juge compétent est le même que celui ayant autorisé la saisie, cette fois saisi en référé. Ce qui revient à dire dans le contexte camerounais que le juge compétent en la matière est le PTPI ou le magistrat qu'il délègue à cet effet statuant en matière de référé. Analysons ces différentes causes de mainlevée judiciaire.

Premièrement, la mainlevée de la saisie consécutive à l'offre par le saisi d'une caution ou d'une garantie résulte des dispositions internationales et internes sur la saisie conservatoire des navires. Cette possibilité de mainlevée de la saisie moyennant caution ou garantie est prévue par la convention de Bruxelles175(*), par celle de Genève176(*) et aussi sur le plan interne par le CCMM177(*).

Les deux conventions admettent cette possibilité de mainlevée mais l'excluent lorsque la créance a pour cause la propriété contestée d'un navire, la copropriété contestée d'un navire ou sa possession, ou son exploitation, ou les droits aux produits d'exploitation d'un navire en copropriété ; dans ces cas, seule une autorisation de départ du navire est possible.

En vertu de la convention de Bruxelles actuellement applicable sur le plan international, à défaut d'accord des parties sur le montant de la garantie, il appartiendra au juge de le fixer. Cependant lorsque la créance n'est que partiellement maritime, il a été considéré que le montant de la garantie de substitution ne soit équivalent dans sa valeur, qu'à la partie maritime de la créance ; lorsque la garantie de substitution nécessite pour sa mise en oeuvre, une décision de justice prononcée contre le débiteur, il a été admis qu'une décision définitive n'était pas nécessaire, mais qu'une décision simplement exécutoire suffirait. Des solutions équivalentes ont été prévues par la convention de Genève qui rappelons-le, n'est pas encore entrée en vigueur, laquelle convention dissipe au passage les incertitudes en la matière.178(*)

Deuxièmement, La mainlevée de la saisie pourrait aussi résulter de la caducité de la procédure notamment lorsque le saisissant n'aura pas comme il a été ci-dessus signalé, dans le délai d'un mois à compter de la notification du procès-verbal de saisie conservatoire, introduit une procédure ou accomplir les formalités en vue de l'obtention d'un titre exécutoire. Telle est la cause de mainlevée de saisie résultant de l'affaire « Salam 4 »179(*).

Troisièmement, la mainlevée judiciaire peut être consécutive à une saisie conservatoire injustifiée du navire. Tant en droit international qu'en droit interne CEMAC, la mainlevée consécutive à une saisie conservatoire injustifiée des navires peut résulter de plusieurs facteurs. Pour mieux cerner la réalité de ces facteurs, nous ferons appel à une décision rendue sur le territoire camerounais et mettant la lumière sur la saisie conservatoire injustifiée des navires ; il s'agit de l'affaire du navire « Tim Buck »180(*) dont les faits et les résolutions prises par le juge de l'espèce sont les suivants :

Courant mai 2007, de passage au port de Douala, le navire « Tim Buck », propriété de la société NB Shipping Ltd, a fait l'objet d'une saisie conservatoire à l'initiative de la Société Cameroun Continental Merchants Ltd, laquelle prétendait avoir subi un préjudice évalué à environ 250 000 000 F CFA, en raison des avaries constatées sur sa cargaison de 3 125 tonnes de blé transportée par le navire « African Sky », lors du déchargement de ce navire au Port Autonome de Douala (PAD) le 8 octobre 2005. La Société Cameroun Continental Merchants Ltd s'est alors fondée sur les prévisions de l'article 114 du CCMM, texte qui, à l'instar de l'article 3 paragraphe 1er de la Convention internationale de Bruxelles du 10 mai 1952 sur la saisie conservatoire de navires, dispose que : « La saisie peut être pratiquée soit sur le navire auquel la créance se rapporte, soit sur tout autre navire appartenant à celui qui était, au moment où est née la créance maritime, propriétaire du navire auquel la créance se rapporte ». En effet, dans l'opinion de la Société Cameroun Continental Merchants Ltd, le navire « Tim Buck » n'était guère qu'un navire apparenté, un « sister ship » du navire « African Sky » et, par suite, pouvait être saisi pour des dettes consécutives à l'exploitation de celui-ci. Le créancier saisissant affirmait par ailleurs que, pour sécuriser sa créance, il avait déjà saisi, le 10 novembre 2005, le navire « African Sky » à la suite de quoi, une lettre de garantie avait été émise par le P & I181(*) club de l'armateur, « The Japan Ship Owners Mutual Protection and Indemnity », pour un montant de 285 428 euros, en libération du navire. La Société Cameroun Continental Merchants Ltd faisait assurément fausse route par cela seul que le navire « Tim Buck » n'avait aucun lien de droit avec le navire débiteur ou causal qu'était le navire « African Sky », pas plus qu'il n'en avait avec la créance alléguée. D'autre part, et cela a déjà été relevé ci-dessus, la saisie conservatoire du navire « Tim Buck » est intervenue après qu'une garantie suffisante ait déjà été fournie, pour la même créance, à l'occasion d'une précédente saisie. Dans ces conditions, la seconde saisie devenait assurément abusive. Aussi, se fondant sur les dispositions de l'article 3 paragraphe 1er, mais surtout sur celles du paragraphe 3 de la Convention de Bruxelles susvisée, le Capitaine-commandant et l'armateur du navire « Tim Buck », défendus par le Cabinet NGAMKAN, se sont pourvus devant le juge des référés en rétractation de l'ordonnance ayant autorisé la saisie et en mainlevée de cette saisie. En effet, l'article 3 paragraphe 3 de la Convention prescrit que : « Un navire ne peut être saisi et caution ou garantie ne sera donnée plus d'une fois dans la juridiction d'un ou plusieurs des États contractants, pour la même créance et par le même demandeur ; et, un navire est saisi dans une desdites juridictions et une caution ou une garantie a été fournie, soit pour obtenir la mainlevée de la saisie, soit pour éviter toute saisie ultérieure de ce navire, ou de n'importe quel autre navire appartenant au même propriétaire, par le demandeur et pour la même créance maritime, sera levée et le navire sera libéré par le tribunal ou toute autre juridiction compétente dudit État, à moins que le demandeur ne prouve, à la satisfaction du tribunal ou de toute autre autorité judiciaire compétente, que la garantie ou la caution a été définitivement libérée avant que la saisie subséquente n'ait été pratiquée ou qu'il n'y ait une autre raison valable pour la maintenir ». Le juge des référés a accédé aux demandes du capitaine et de l'armateur sur la base des considérations ci-après : «  En l'espèce, de part leur dénomination, le navire auquel la créance se rapporte et celui sur lequel la saisie est pratiquée sont différents et aucune preuve n'a été rapportée établissant que celui à qui il appartient, en l'occurrence NB Shipping Ltd, était propriétaire de celui auquel la créance se rattache au moment où cette créance est née ; selon toute apparence, au regard des pièces produites par le demandeur, le navire « Tim Buck » appartient à la société NB Shipping Ltd et n'a jamais changé de propriétaire depuis 1994 ; une garantie avait déjà été donnée au même saisissant pour la même créance... »182(*).

On comprend bien à l'analyse de ces décisions que la saisie peut paraître abusive dès lors qu'une caution jugée suffisante a déjà été donnée pour la garantie de la créance cause de la saisie ; dans ce cas, la deuxième saisie sera injustifiée ; il peut en être aussi lorsque l'immobilisation consécutive à la saisie conservatoire d'un navire aurait causé un préjudice au propriétaire dudit navire alors que le navire saisi n'est point un navire apparenté au navire causal ; Dans ces circonstances, la mainlevée du navire saisi qui découlera de la décision du juge produira forcément des effets.

B- Les effets de la mainlevée

L'effet principal de toute mainlevée de saisie conservatoire du navire est tout logiquement la libération du navire.

Cet effet s'applique pleinement et sans autre effet lorsqu'il s'agit de la mainlevée amiable et de la mainlevée suite à l'offre d'une caution ou d'une garantie.

Pour ce qui est de la mainlevée consécutive à la caducité de la saisie, en plus de la libération du navire, le débiteur saisi pourra réclamer devant le juge des référés le remboursement des sommes avancées pour la libération dudit navire. Telle est la solution retenue par le PTPI de Bonanjo dans l'affaire « Salam 4 » ci-dessus. En effet, le créancier saisissant n'ayant pas à temps enrôlé son assignation pour l'obtention du titre exécutoire devant le TGI du Wouri, la partie saisie, nantie d'un certificat de non enrôlement délivré par le greffier en chef dudit TGI a assigné la partie saisissante en restitution de la garantie devant le PTPI de Bonanjo statuant en matière de référé d'heure à heure, lequel PTPI a ordonné la restitution immédiate et sans condition de la garantie faisant ainsi suite favorablement aux desiderata de la partie saisie.

La mainlevée produira des effets beaucoup plus énergiques lorsque la saisie dont la mainlevée est demandée et obtenue aurait été abusive ou injustifiée. Dans ce cas, le CCMM s'est prononcé et dispose : « Tout propriétaire de navire, qui aura obtenu la mainlevée ou la rétractation de la saisie pourra assigner le saisissant en réparation du préjudice subi du fait de l'immobilisation du navire, s'il est avéré que la saisie était injustifiée »183(*). Toujours dans le contexte camerounais, les suites de l'affaire « Tim Buck » ci-dessus analysée en sont très significatives.

* 172 Voir supra, p 65.

* 173 La lettre de garantie club permet la libération du navire ou encore elle empêche la saisie conservatoire du navire en offrant au réclamant du transporteur une garantie financière à la place du navire. Elle est délivrée par les associations mutuelles de protection et d'indemnisation plus communément appelées P & I club.

* 174 JULIEN (J.) et TAORMINA (G.), op.cit., p 546.

* 175 Article 5 de la convention de Bruxelles : « Le tribunal ou toute autre autorité judiciaire compétente dans le ressort duquel le navire a été saisi, accordera la mainlevée de la saisie lorsqu'une caution ou une garantie suffisante auront été fournies... ».

* 176 Article 4 paragraphe 1er de la convention de Genève : « Un navire qui a été saisi doit être libéré lorsqu'une sûreté d'un montant suffisant a été constituée... ».

* 177 Article 116 du CCMM : « ... Pour obtenir cette autorisation, le requérant doit fournir une caution suffisante ».

* 178 Ce texte dispose en effet en son article 4 : « 1. Un navire qui a été saisi doit être libéré lorsqu'une sûreté d'un montant suffisant et sous une forme satisfaisante a été constituée, sauf dans le cas où la saisie est pratiquée en raison des créances maritimes énumérées aux alinéas s) et t) du paragraphe 1 de l'article premier. En ce cas, le tribunal peut permettre l'exploitation du navire par la personne qui en a la possession, lorsque celle-ci aura constitué une sûreté d'un montant suffisant, ou régler de toute autre façon la question de la gestion du navire pendant la durée de la saisie.

2. Si les parties intéressées ne parviennent pas à un accord sur l'importance et la forme de la sûreté, le tribunal en détermine la nature et le montant, qui ne peut excéder la valeur du navire saisi.

3. Aucune demande tendant à la libération du navire contre la constitution d'une sûreté ne peut être interprétée comme une reconnaissance de responsabilité ni comme une renonciation à toute défense ou tout droit de limiter la responsabilité.

4. Si un navire a été saisi dans un État non partie et n'est pas libéré malgré la constitution d'une sûreté concernant ce navire dans un État partie relativement à la même créance, la mainlevée de cette sûreté est autorisée par le tribunal de l'État partie, par ordonnance rendue sur requête;

5. Si, dans un État non partie, le navire est libéré contre la constitution d'une sûreté suffisante concernant ce navire, la mainlevée de toute sûreté constituée dans un État partie relativement à la même créance est autorisée par ordonnance si le montant total de la sûreté constituée dans les deux États dépasse :

a) Soit le montant de la créance au titre de laquelle la saisie a été pratiquée;

b) Soit la valeur du navire; la moins élevée des deux devant prévaloir. Cette mainlevée n'est toutefois autorisée par ordonnance que si la sûreté constituée est effectivement disponible dans l'État non partie et librement transférable au profit du créancier ».

* 179 PTPI-Bonanjo, ordonnance de référé n°480 du 05 Octobre 2007, affaire Salam international transport and trading Co. Ltd contre A/S Dan Bunkering, Ecobank S.A. et le greffier en chef du tribunal de première instance de Douala-Bonanjo, navire « Salam 4 » (inédit).

* 180 PTPI-Bonanjo, ordonnance de référé n°285 du 18 Mai 2007, affaire capitaine-commandant du navire « Tim Bunk », Société NB shipping Ltd contre Société Cameroun Continental Merchants Ltd, navire « Tim Bunk » (inédit).

* 181 Protection and indemnity club, ce sont les associations de protection et d'indemnisation d'armateurs qui s'assurent mutuellement contre les risques de responsabilité qu'ils encourent vis-à-vis des tiers lors de l'exploitation des navires et contre quelques responsabilités contractuelles découlant de la gestion et de l'exploitation des navires.

* 182 www.cabinet-ngamkan.com.

* 183 Article 126 du CCMM, inspiré de l'article 6 paragraphe 2 de la convention de Genève.

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