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La saisie des navires en droit positif camerounais

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par Christian Valdano KOJOUO
Université de Dschang - Master 2013
  

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Paragraphe 2 : Les conditions relatives au bien, objet de la saisie

Suivant le droit commun de la saisie conservatoire mobilière, le principe de la saisissabilité des navires peut être dégagé (A) ; et comme tout principe, des exceptions lui sont logiquement reconnues (B).

A- Le principe de la saisissabilité des navires

Il est de principe en droit commun de la saisie conservatoire mobilière que tous les biens appartenant au débiteur peuvent être saisis sauf s'ils ont été déclarés insaisissables par la loi nationale de chaque État partie196(*). Ce principe communément admis trouve aussi toute sa légitimité lorsqu'il s'agit de procéder conservatoirement à la saisie de navire. Ceci dit, et par analogie, tous les navires appartenant au débiteur sont saisissables à moins qu'ils n'aient été déclarés insaisissables par la loi nationale ou par un ordre juridique international étant donné la dimension particulièrement planétaire du navire.

Cependant, la problématique des navires prêts à faire voile197(*) a été soulevée en France. Traditionnellement, en droit français, le législateur a voulu faciliter la liberté de navigation. Par conséquent, les navires prêts à faire voile ne pouvaient faire l'objet d'une saisie puisque leur immobilisation entraînait des pertes financières. L'article 215 du Code de Commerce interdisait la saisie des navires prêts à faire voile. Cette règle a été écartée expressément par la Convention de 1952198(*). Elle ne figure pas non plus dans la loi de 1967. Désormais, la saisie des navires prêts à faire voile tend à devenir la règle. Toutefois, étant donné l'importance des préjudices occasionnés par cette saisie, le juge se livre à un contrôle en tenant compte de la valeur des intérêts en jeu. Dans cette affaire, les juges de la Cour d'appel d'Aix en Provence ont estimé que la saisie pratiquée sciemment et sans nécessité un vendredi en fin de matinée, sur un navire en partance et en charge de ses passagers et véhicules, dépassait la fin légitime d'une saisie conservatoire et exerçait une pression quasi intolérable sur le débiteur199(*).

Selon l'article 50 de l'AUPSRVE, « Les saisies peuvent porter sur tous les biens appartenant au débiteur alors même qu'ils seraient détenus par des tiers ... ». La saisie du navire et comme il a déjà été dit, ne tient pas compte en principe de son affectation au commerce, à la pêche, à la plaisance. Tous les navires sont saisissables dans les mêmes conditions. Cependant, ce principe souffre d'exceptions tirées pour la plupart du droit commun.

B- Les exceptions : les insaisissabilités

Ces insaisissabilités peuvent résulter du principe selon lequel, « saisie sur saisie ne vaut » (1), et de la règle établie par l'article 51 de l'AUPSRVE200(*) (2).

1- Le principe général « saisie sur saisie ne vaut »

Il est de règle générale que lorsque les biens du débiteur ont déjà fait l'objet d'une première saisie, d'autres saisies ultérieures ne peuvent plus être pratiquées sur ces mêmes biens ; la première saisie ayant déjà rendu ces biens indisponibles. Telle est la signification de la règle selon laquelle, « saisie sur saisie ne vaut ». Cette règle interdisait au second créancier de saisir une seconde fois les mêmes biens. Toutefois, il lui était loisible de se joindre aux poursuites déjà engagées en établissant un procès-verbal de récolement201(*).

Cette règle découlant du régime général des saisies n'est pas dérogée en matière de saisie conservatoire des navires ; d'ailleurs, elle y reçoit même une adaptation nettement perceptible dans les textes afférents dont la jurisprudence en a fait application.

En effet, en droit international de la saisie des navires, la convention de Bruxelles donne une appréhension particulière à la règle « saisie sur saisie ne vaut » dans son article 3 paragraphe 3 dont la teneur est : « Un navire ne peut être saisi et caution ou garantie ne sera donnée, plus d'une fois dans la juridiction d'un ou plusieurs des États contractants, pour la même créance et par le même demandeur; et si un navire est saisi dans une desdites juridictions et une caution ou une garantie a été donnée, soit pour obtenir la mainlevée de la saisie, soit pour éviter celle-ci, toute saisie ultérieure de ce navire, ou de n'importe quel autre navire, appartenant au même propriétaire, par le demandeur et pour la même créance maritime, sera levée et le navire sera libéré par le tribunal ou toute autre juridiction compétente dudit État, à moins que le demandeur ne prouve, à la satisfaction du tribunal ou de toute autre autorité judiciaire compétente, que la garantie ou la caution a été définitivement libérée avant que la saisie subséquente n'ait été pratiquée ou qu'il n'y ait une autre raison valable pour la maintenir »202(*). La jurisprudence203(*) a eu l'occasion de faire une application littérale de ce principe. En effet, la Cour de cassation en 2011 a prononcé un arrêt de rejet confirmant en quelque sorte l'adage « saisie sur saisie ne vaut ». Cet arrêt de rejet a pour point de départ un contrat de réparation navale qui a donné lieu à un contentieux entre les parties, le propriétaire du navire reprochant, entre autres, au réparateur des surfacturations204(*). Par ordonnance de référé, le réparateur obtient la condamnation du propriétaire à lui verser une provision, ordonnance sur le fondement de laquelle le premier fait pratiquer une saisie conservatoire sur le navire, situé à Malte205(*). Par la suite, la mainlevée de cette saisie a été ordonnée, mais moyennant la consignation d'une certaine somme d'argent. Puis la société de réparation obtient la condamnation du propriétaire du navire sur le fond, à la suite de quoi il fait à nouveau pratiquer, sur ordonnance, une saisie conservatoire sur le même navire, cette fois en France, et également avec succès. La mainlevée de cette seconde saisie est également ordonnée, cette fois après remise d'une caution bancaire. Le propriétaire du navire a alors demandé la rétractation de l'ordonnance autorisant la seconde saisie, ce qui lui est refusé. Ce refus est confirmé par la Cour de cassation, au vu de l'article 3 paragraphe 3 de la Convention de Bruxelles du 10 mai 1952 pour l'unification de certaines règles sur la saisie conservatoire des navires de mer, selon lequel un navire ne peut être saisi plus d'une fois dans la juridiction d'un ou plusieurs des États contractants, pour la même créance et par le même demandeur. Ce texte ne fait en réalité que reprendre un vieil adage du droit des procédures d'exécution : « saisie sur saisie ne vaut ». Or, la saisie ayant été pratiquée à Malte, État non signataire de la convention de 1952, le texte en cause ne pouvait recevoir application. La Cour de cassation approuve d'ailleurs pleinement la Cour d'appel d'avoir limité la portée de l'interdiction posée par ce texte aux saisies pratiquées dans les États contractants et d'en avoir déduit que la saisie pratiquée en France ne pouvait être rétractée au regard de ladite convention. Seule la violation de cette dernière ayant, semble-t-il, été invoquée par le propriétaire du navire, il ne pouvait être reproché aux juges d'avoir invalidé la seconde saisie, cette fois sur le fondement du droit commun français des procédures civiles d'exécution.

En résumé l'adage « saisie sur saisie ne vaut » dégagé en vertu du dispositif de l'article 3 paragraphe 3 de la convention de Bruxelles ne s'appliquerait que si le navire qui avait déjà été saisi dans un État signataire de ladite convention vient une fois de plus à être l'objet d'une nouvelle saisie par le même demandeur et pour la même créance maritime. Cette règle est en vertu du même texte étendue à tous les navires appartenant au débiteur.

Cependant, en droit interne, étant donné le caractère subsidiaire du CCMM en matière de saisie de navire, et vu le fait que la quasi-totalité des États membres de la CEMAC sont parties à la convention de Bruxelles, cette règle devrait y recevoir pleine application en matière de saisie ultérieure.

Toutefois, pour que ce principe reçoive cette pleine application, il ne faudrait pas que le navire en cause soit déclaré insaisissable en vertu de l'article 51 de l'AUPSRVE.

2- Les insaisissabilités en vertu de l'article 51 de l'AUPSRVE

L'article 51 de l'AUPSRVE dispose : « Les biens et droits insaisissables sont définis par chacun des États parties ». L'Acte uniforme renvoie ainsi à la loi nationale de chaque État partie pour fixer la liste des biens et droits insaisissables. Généralement, plusieurs cas d'insaisissabilités sont prévus. Premièrement, il y a ceux qui sont édictés dans l'intérêt du débiteur. Ainsi, sont insaisissables, les objets mobiliers corporels indispensables à la vie du débiteur, les créances ayant un caractère alimentaire, les pensions civiles et militaires, les indemnités ou rentes perçues en vertu de la réglementation sur les accidents de travail, les prestations familiales et les salaires pour la fraction fixée par la loi. Deuxièmement, il y a des cas d'insaisissabilités édictés pour des raisons sociales ; ainsi, certaines législations prévoient que les immeubles et les objets mobiliers nécessaires aux réunions des syndicats, à leur bibliothèque et à leur cours d'instruction professionnelle sont insaisissables. Troisièmement et enfin, il y a le cas d'insaisissabilité édicté dans l'intérêt du commerce ; dans beaucoup de législations, les effets de commerce sont insaisissables.

Tels sont les cas d'insaisissabilités que l'on retrouve en matière de saisie conservatoire mobilière de droit commun et qui sont dans le contexte camerounais contenus dans les articles 327 et suivants du CPCC. Ces insaisissabilités devraient à notre sens recevoir application en matière de saisie particulière de navire ; mais, étant donné le caractère particulièrement général de ces insaisissabilités, seuls quelques cas seulement méritent une adaptation à la saisie conservatoire des navires, les autres cas s'avérant inappropriés à l'objet que constitue le navire.

Ceci étant, l'insaisissabilité la plus marquante du navire et découlant du droit commun est l'insaisissabilité qui est édictée dans l'intérêt du commerce et par adaptation, dans l'intérêt du commerce maritime. Ceci tient particulièrement aux navires qui sont les instruments indispensables de travail du débiteur ; il s'agit là de l'insaisissabilité de principe dont les arguments qui la corroborent seront puisés dans le droit français.

En France, la loi protège efficacement les navires, instruments de travail par une insaisissabilité de principe, pour autant que sont réunies deux conditions : l'exercice d'une activité professionnelle (le travail) et l'utilisation du navire allégué (l'instrument nécessaire et indispensable à l'exercice de cette activité). Le principe a été appliqué par les tribunaux français aux navires de pêche206(*). Ce principe subit des dérogations selon l'article 14 alinéa 4 de la loi du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution. D'après cet article, les navires sont susceptibles d'être saisis s' « ils se trouvent dans un lieu autre que celui où le saisi demeure ou travaille habituellement » et s' « ils sont des biens de valeur, en raison notamment de leur importance, de leur matière, de leur rareté, de leur ancienneté ou de leur caractère luxueux ». Cependant, il faut noter que cette circonstance reste sans effet si le navire est l'unique instrument de travail de l'artisan que la loi protège207(*).

L'on se rend donc compte que, relativement aux conditions objectives de la saisie conservatoire des navires, certaines adaptations ont mérité d'être faites avec les règles issues du droit commun de la saisie conservatoire mobilière, ce travail intellectuel se prolongera également au niveau des conditions subjectives.

* 196 Article 50 de l'AUPSRVE.

* 197 RODIÈRE (R.), Droit maritime, Le navire, Paris, Dalloz, t.1 1980, n°190 : il faut entendre par « navire prêt à faire voile », celui qui a « reçu ses expéditions pour le départ, congé, patente de santé », c'est-à-dire que le navire est prêt à appareiller.

* 198 Article 3 de la convention de Bruxelles dont il ressort que le créancier peut saisir le navire qui serait prêt à faire voile.

* 199 GEORGIEVA (R.), La saisie conservatoire des navires (Étude comparative en Droit Français et en Droit International), Mémoire pour le Master 2 « Droit Maritime et des Transports », Université PAUL CÉZANNE d'Aix-Marseille III, année universitaire 2010-2011, p 30.

* 200 Cet article dispose : « Les biens et droits insaisissables sont définis par chacun des États parties ».

* 201 ASSI-ESSO (A.-M.), DIOUF (N.), op.cit., p 58.

* 202 La future convention de Genève reprend en son article 5 les exigences de la convention de Bruxelles mais avec plus de souplesse et de tolérance puisque cet article dispose : « 1. Lorsque, dans un État, un navire a déjà été saisi et libéré ou qu'une sûreté a déjà été constituée pour garantir une créance maritime, ce navire ne peut ensuite faire l'objet d'aucune saisie fondée sur la même créance maritime, à moins que :

a) La nature ou le montant de la sûreté concernant ce navire déjà constituée en vertu de la même créance ne soit pas suffisant, à condition que le montant total des sûretés ne dépasse pas la valeur du navire; ou

b) La personne qui a déjà constitué la sûreté ne soit ou ne paraisse pas capable d'exécuter tout ou partie de ses obligations; ou

c) La mainlevée de la saisie ou la libération de la sûreté ne soit intervenue :

i) soit à la demande ou avec le consentement du créancier agissant pour des motifs raisonnables,

ii) soit parce que le créancier n'a pu par des mesures raisonnables empêcher cette mainlevée ou cette libération.

2. Tout autre navire qui serait autrement susceptible d'être saisi en vertu de la même créance maritime ne peut être saisi à moins que :

a) La nature ou le montant de la sûreté déjà constituée en vertu de la même créance ne soit pas suffisant; ou

b) Les dispositions du paragraphe 1 b) ou c) du présent article ne soient applicables ».

* 203 Cass.com, 8 mars 2011, Société Indian Empress Limited c/ Société Nautical Technologies, navire « Indian Empress ».

* 204 Sur l'arrêt d'appel, V. Aix-en-Provence, 12 nov. 2009, DMF 2010. 52, obs. RÉMOND-GOUILLOUD.

* 205 On précisera qu'en matière de saisie conservatoire de navire, ce n'est pas le juge de l'exécution qui est compétent, mais le président du tribunal de commerce ou à défaut celui du tribunal d'instance, statuant également par voie d'ordonnance ; V. décret n° 67-967 du 27 octobre 1967, article 29 -- V. Racine, Rép. com., v° Navire [Saisie et vente publique], mai 2008, nos 26 s.

* 206 Trib. Com Montpellier, 19 octobre 1978, navire « PHOEBUS », DMF 1979, p.336.

* 207 Ibidem.

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore