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La saisie des navires en droit positif camerounais

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par Christian Valdano KOJOUO
Université de Dschang - Master 2013
  

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Paragraphe 2 : L'intervention d'une véritable institution propre au droit maritime : l'autorité maritime compétente

Nous l'avons dit, et nous le rappelons, en droit international de la saisie conservatoire des navires, les conventions y relatives laissent en ce qui concerne les questions de procédures de saisie, le soin aux législateurs nationaux. C'est ainsi que dans notre contexte, c'est le CCMM qui est la règle par excellence en la matière. Se démarquant du droit commun de la saisie conservatoire des biens meubles et prenant en considération le particularisme lié à la saisie conservatoire des navires, le CCMM a créé une institution somme toute originale : l'autorité maritime compétente qu'il convient d'identifier (A) et ensuite de discuter de l'opportunité de l'intervention d'une telle institution (B).

A- L'identification de l'autorité maritime compétente

Le CCMM dispose que : « La saisie conservatoire est autorisée (...) après avis de l'autorité maritime compétente »139(*) ; en parlant d'autorité maritime compétente, il essaie de donner une identification en disant que c'est « le ministre chargé de la marine marchande et les fonctionnaires d'autorité auxquels il a délégué tout ou partie de ses pouvoirs. À l'étranger, l'autorité maritime compétente désigne l'ambassade ou l'autorité consulaire ; cependant, dans les ports étrangers où les États membres n'ont ni ambassade, ni consulat, l'autorité maritime compétente de chaque État peut déléguer ses pouvoirs selon la volonté nationale »140(*).

Pour ce qui est du cas du Cameroun, et en l'absence d'un véritable ministre chargé de la marine marchande, l'autorité maritime compétente est en principe le ministre des transports, lequel peut cependant déléguer ses pouvoirs au directeur des affaires maritimes et des voies navigables à Douala, anciennement directeur de la marine marchande141(*).

Au regard des inconvénients que peut susciter l'intervention de l'autorité maritime compétente dans la procédure de saisie conservatoire des navires tels l'allongement de la procédure de saisie dans un domaine qui requiert pourtant célérité, l'on devrait logiquement s'interroger sur l'opportunité de l'intervention d'une telle autorité.

B- L'opportunité ou non de l'intervention de l'autorité maritime compétente dans la saisie conservatoire des navires

Le CCMM fait pratiquement de l'autorité maritime la plaque tournante en matière de saisie conservatoire des navires. En effet, d'une part, pour pratiquer une telle saisie, on l'a vu, l'autorité maritime doit émettre son avis ; dès lors, se pose la question de savoir si c'est le juge ou le créancier qui sollicite cet avis. En pratique, c'est le créancier qui sollicite ledit avis, y ayant intérêt, soit au bas de sa requête sur un emplacement prévu à cet effet, soit sous la forme d'une sommation interpellative, par l'entremise d'un huissier de justice142(*). D'autre part, lorsqu'elle reçoit notification de la saisie d'un navire en vertu d'une décision judiciaire, cette autorité interdit au navire de quitter le port et veille à la mise en oeuvre de cette mesure143(*). Outre ces dispositions, le CCMM prévoit à plusieurs reprises l'intervention de l'autorité maritime compétente au point où l'on peut légitimement s'interroger sur l'opportunité d'une telle institution qui vient à notre sens alourdir inutilement la procédure de saisie conservatoire des navires et dont on peut sérieusement douter du bien-fondé.

Étant donné que nous sommes ici dans une matière qui requiert discrétion et célérité, si d'aventure, l'armateur était informé de ce qu'une saisie était projetée, le navire risquerait certainement de filer entre les mailles des rets du créancier saisissant et de prendre le large, le navire étant par définition « un objet particulièrement vagabond doué d'une faculté poussé d'évanouissement dans la nature »144(*). Il faut donc agir vite et par surprise ; c'est pourquoi, sous peine de manquer son but, la saisie conservatoire doit obéir à des règles plus souples.

Pour justifier l'intervention de l'autorité maritime compétente, les rédacteurs du CCMM font valoir qu'il s'agissait de limiter les abus en matière de saisie, car avant la réforme, on saisissait pour toutes sortes de créances, y compris des créances non maritimes. L'argument est assez fallacieux dès lors qu'il appartient au juge d'apprécier l'opportunité de la saisie et notamment la nature maritime de la créance d'une part, et que comme nous le verrons, le saisissant engage nécessairement sa responsabilité si la saisie s'avère abusive, s'il a agi avec une légèreté blâmable, dans un but vexatoire ou s'il a fait preuve de malignité d'autre part.

L'intervention d'une telle autorité est davantage remise en cause car imbue de cette prérogative que lui confère le CCMM, l'autorité maritime s'érige désormais en véritable juridiction. En effet sur le plan pratique, n'étant pas juriste le plus souvent, et encore moins un maritimiste, il n'est pas certain qu'elle perçoive les arcanes du droit en la matière. C'est ainsi qu'il n'est pas rare qu'elle refuse d'émettre son avis pour des raisons qui ne sont pas toujours juridiquement fondées, pour ne pas dire avouables. Sur le plan économique, l'attitude de l'autorité maritime est susceptible d'emporter des conséquences d'une extrême gravité ; il y a un risque de délocalisation du contentieux au profit des juridictions et avocats étrangers.

Ceci étant, et malgré tous les reproches qui sont apportés à cette véritable institution originale de droit maritime liée à la saisie conservatoire des navires, il n'y a pas lieu de s'alarmer outre mesure car il existe des leviers pour désamorcer l'institution. L'on peut arguer par exemple que l'autorité maritime n'émet qu'un avis et non une autorisation145(*), lequel avis par hypothèse ne lie pas le juge qui reste libre d'y passer outre. Aussi bien, le texte n'indique même pas dans quel sens cet avis doit être donné146(*), ce qui prouve que le juge n'est pas lié par celui-ci. Cet avis n'aurait pu s'imposer au juge que s'il était mentionné au Code que la saisie est subordonnée à l'avis « favorable » de l'autorité maritime compétente, ce qui serait pis encore, puisque le juge serait pratiquement à la dévotion de l'autorité maritime compétente147(*) qui deviendrait par conséquent le véritable maître de la saisie conservatoire des navires.

En tout état de cause, et à notre sens, cette autorité participe de l'authenticité de la saisie conservatoire des navires et répond au souci de rendre typique ladite saisie ; les règles applicables au déroulement de cette saisie répondent aussi à ce souci.

* 139 Article 120 du CCMM.

* 140 Article 2 alinéa 11 du CCMM.

* 141 NGAMKAN (G.), op.cit., p 113.

* 142 NGAMKAN (G), ibidem.

* 143 Article 115 du CCMM.

* 144 VIALARD (A.), La saisie conservatoire des navires affrétés, conférence prononcée à l'AFDM le 9 décembre 1993, in DMF 1994, 305, cité par NGAMKAN (G), op.cit., p 114.

* 145 L'autorité maritime n'émet qu'un simple avis. C'est en fait le PTPI qui autorise la saisie conservatoire du navire.

* 146 En effet, l'article 118 du CCMM dispose que « L'avis de l'autorité maritime compétente (...) a un caractère consultatif et ne lie pas le juge ». Cette disposition ne doit pas nous fourvoyer car ledit article précise qu'il s'agit des avis résultant des articles 116 et 117 sur l'autorisation de départ du navire et sur le délai dans lequel le navire doit regagner le port, et non sur l'article 120 sur l'autorisation de saisie.

* 147 NGAMKAN (G.), op.cit. p 115.

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