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La performance de l'achat public

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par Jérémy FASS
Université de Montpellier - Master 2 contrats publics et partenariats 2016
  

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Section 2. Une performance globale

Plan. Il faut garder à l'esprit, que la consommation est un moyen d'action puissant, surtout lorsqu'elle représente un marché de près de 200 milliards d'euros, soit environ 10% du PIB117. La commande publique est donc devenue progressivement un outil au service de politiques publiques.

Lorsque l'on se place dans le cadre du développement durable, l'efficacité économique de l'achat public prend une dimension globale. L'efficacité économique vise, en effet, « à produire des biens de consommation et à répartir les richesses de cette production de manière équitable, durable, avec le souci de la protection de l'environnement et du renouvellement des ressources consommées ainsi que de la protection des hommes et des femmes qui y travaillent. »118.

Néanmoins cette diversification des objectifs de performance ne doit pas faire perdre de vue la recherche d'efficacité et d'efficience en terme de « coûts » pour la commande publique. Le risque est en effet de faire passer au second plan ce qui est pourtant l'objectif premier des contrats de la commande publique, à savoir répondre de manière performante aux besoins des personnes publiques.

Une politique d'achat responsable s'est belle et bien mise en place, apportant un gain de performance global bénéfique au développement durable (I). Néanmoins il est tout autant nécessaire que les bénéfices de cette responsabilisation de l'achat public puissent profiter à l'acte d'achat en lui-même (II).

I. L'achat responsable au service d'une performance globale

Plan. L'intégration des préoccupations de développement durable dans le droit de la commande publique (A), a fait naître l'achat responsable des personnes publiques (B).

117 Selon l'INSEE, pour les achats des administrations publiques uniquement, in Sénat, « Mission commune d'information sur la commande publique », Rapport d'information n°82, M. BOURQUIN (dir.), 14 octobre 2015, p. 30.

118 http://www.vedura.fr/economie.

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A. La prise en compte du développement durable par les marchés publics

Marchés publics et développement durable. Le développement durable peut se définir comme un développement « qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs »119. Cet objectif fut entériné lors de l'établissement de « l'Agenda 21 » au sommet de Rio en 1992.

Le développement durable possède trois composantes qui doivent être conciliées : croissance économique, équité sociale et respect de l'environnement. Cet objectif doit par ailleurs être rempli par l'ensemble des acteurs économiques, qu'ils soient privés ou publics120. « Les agendas 21 » ont d'ailleurs entérinés cette nouvelle obligation à l'échelon national121. Dès lors, la prise en compte de cet objectif de développement durable apparaissait inéluctable pour la commande publique. En particulier au regard du poids économique de cette dernière.

Code des marchés publics de 2001. L'intégration de l'objectif de développement durable dans le droit de la commande publique a néanmoins été difficile, en raison de la résistance aussi bien du gouvernement, que des juges.

La rédaction du Code des marchés publics de 2001 a en effet laissé peu de place à la prise en compte de telles exigences. Seules les conditions d'exécution des marchés prévoyaient la possibilité de fixer, dans les cahiers des charges, des conditions relatives à la promotion de l'emploi des personnes rencontrant des difficultés particulières d'insertion, à la lutte contre le chômage ou à la protection de l'environnement122. Une limite était par ailleurs prévue puisque ces considérations environnementales et sociales ne devaient pas avoir d'effet discriminatoire à l'égard des candidats.

Au niveau des critères de choix de l'offre, aucune référence expresse au développement durable n'existait123. Il était donc laissé au juge le soin de déterminer si ces critères sociaux ou environnementaux étaient les bienvenues. Or selon le Conseil d'État il était possible pour les pouvoirs adjudicateurs, même sous l'empire du Code de 2001, de

119 « Notre avenir à tous », Rapport de la Commission mondiale sur l'environnement et le développement de l'ONU, G. H. BRUNDTLAND (prés.), 1987.

120 Suite, plus précisément, à la Charte d'Aalborg en 1994 qui concernait plus largement l'ensemble des collectivités de l'Union Européenne : Chapitre 4 § 23 de l'agenda 21.

121 L. n° 95-115. 4 févr. 1995 relative à l'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, art. 25 II.

122 CMP 2001, art. 14.

123 CMP 2001, art. 53 II.

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choisir des critères d'attribution du marché qui n'étaient pas énumérés par le code ou de prévoir des clauses d'exécution prenant en compte les exigences de développement durable, à condition que celles-ci soient en lien avec l'objet du marché124. Cependant, le juge adopta une approche restrictive de ce lien125.

L'insistance internationale. Une prise en compte variable des objectifs de développement durable uniquement au niveau des conditions d'exécution, plutôt qu'au stade de la sélection et donc de la passation des marchés publics semblait absurde, voire même « byzantin »126 pour certains. « L'introduction de tels critères dans les cahiers des charges (pouvait) se révéler tout aussi discriminatoire que de les faire figurer au stade de l'offre. »127 Le respect du cahier des charges étant bien sûr pris en considération lors de la sélection de l'offre économiquement la plus avantageuse.

Aussi le Sommet de la Terre à Johannesburg en 2002, aboutit à encourager « les autorités compétentes à tous les niveaux à prendre en compte le développement durable lors de la prise de décisions ayant trait notamment (...) à la passation des marchés publics. »128 C'est donc bien à la « passation » qu'il était fait référence, ce qui annonçait des évolutions.

L'encouragement européen d'un achat public durable. L'union européenne abonda dans ce sens. C'est d'ailleurs par l'intermédiaire de deux communications interprétatives que la Commission européenne expliqua les possibilités données aux acheteurs publics et encouragea de telles initiatives favorables au développement durable129. Toutefois, ces critères doivent toujours cumulativement se rapporter à l'objet du marché et apporter un avantage économique direct aux pouvoirs adjudicateurs.

De même, la jurisprudence de la Cour de justice a accepté de reconnaître un critère de « mieux-disant social» en 1988, dans une affaire «Beentjes»130, pour ensuite consacrer

124 CE, 25 juillet 2001, Cne de Gravelines, n°229666.

125 Voir en ce sens : CE, 10 mai 1996, Féd. nat. des travaux publics et a., n° 159979 ; TA Strasbourg, 30 nov. 1999, Préfet région Alsace, préfet Bas-Rhin c/ communauté urbaine Strasbourg, Sté Am Port'llnes.

126 O. SCHMITT, « La commande publique et le développement durable », La Gazette du Palais, n°168, 2005,

pp. 4-19.

127 Ibid.

128 « Rapport du sommet mondial pour le développement durable », Nations Unies, 2002, A/Conf.199/20

129 CE, comm. sur le droit communautaire applicable aux marchés publics et les possibilités d'intégrer des considérations environnementales dans lesdits marchés (4 juillet 2001, COM(2001)-274 final) ; CE, comm. sur le droit communautaire applicable aux marchés publics et les possibilités d'intégrer des aspects sociaux dans lesdits marchés (15 octobre 2001, COM(2001)-566 final).

130 CJCE, 20 sept. 1988, aff. 31/87, Gebroeders Beentjes BV c/ État des Pays-Bas, Rec. CJCE p. 4635.

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pleinement la prise en compte de critères sociaux dans les marchés publics, même à l'occasion de l'analyse de l'offres, à condition de respecter les principes fondamentaux et notamment le principe de non-discrimination131. Ainsi en n'exigeant pas que le critère social procure un avantage économique pour le pouvoir adjudicateur, la CJCE apparaît plus souple que les communications de la Commission.

Par la suite et en adoptant le même raisonnement, ce fut au tour du critère environnemental d'être abondé par la Cour de justice132. C'est d'ailleurs sans doute inspirée par cette « ouverture » jurisprudentielle, vis-à-vis de telles considérations, qu'une nouvelle directive intégrant cette possibilité de prendre en compte le développement durable dans la commande publique a vu le jour en 2004133. Néanmoins, elle conserve une certaine « ambigüité »134 vis à vis des critères environnementaux et sociaux, en manquant de clarté quant aux limites de leur emploi135.

La charte de l'environnement. Ces évolutions ont été suivies de près par une progression de la norme constitutionnelle. L'article 6 de la Charte de l'environnement qui naît en 2004, dispose que « Les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. À cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l'environnement, le développement économique et le progrès social »136. Dès lors, au plus haut niveau de l'ordre normatif français, le Code des marchés publics devient un outil au service d'une politique de développement durable.

Développement durable et sélection des offres : l'apparition des critères sociaux et environnementaux. La prise en compte de considérations environnementales dans les critères de sélection des offres fut finalement permise par le nouveau code de 2004. La protection de l'environnement fait donc expressément son entrée au nombre des critères à prendre en compte lors de l'appréciation de l'offre économiquement la plus avantageuse137.

131 CJCE, 2 septembre 2000, Commission c/ France, aff. C-225/98, BJCP no 14, p. 13.

132 CJCE, Concordia Bus Finland Oy Ab, anciennement Stagecoach Finland Oy Ab, et Helsingin kaupunki, HKL-Bussiliikenne, aff. C-513/99, BJCP no 26, p. 14.

133 Dir. 2004/18/CE du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services.

134 N. BOULOUIS, « Le contrat public au service des politiques de développement durable : limites et perspectives », RFDA 2014, p. 617.

135 Ibid. Consid. n° 1

136 L. const. n° 2005-205 du 1er mars 2005 relative à la Charte de l'environnement .

137 CMP 2004, Art. 53.

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Ce n'est qu'en 2005138, que l'article 53 va plus spécifiquement accueillir le critère des « performances en matière d'insertion professionnelle des publics en difficulté. »

La jurisprudence tant européenne139 que française140 a appuyé cette évolution. Ainsi l'utilisation d'un critère social ou environnemental au stade de l'analyse des offres est possible mais demeure conditionnée. Il doit effectivement y avoir, d'une part, un lien entre l'objet du marché et le critère ou la clause dite « durable », et d'autre part, la clause ou le critère ne doivent pas être discriminatoires, c'est à dire qu'aucune entreprise ne doit être favorisée, indépendamment de son offre. Ces exigences sont néanmoins interprétées de plus en plus largement. Ainsi l'achat public s'est mué en véritable outil au service des politiques publiques de développement durable.

Le Code de 2006 et l'institutionnalisation de la commande publique durable. C'est finalement en 2006 que les exigences liées au développement durable furent incluses à la définition des besoins141, à la sélection des candidatures142, ainsi qu'aux spécifications techniques143, comme ce que préconisait déjà la directive de 2004 précitée144.

Par ailleurs, non plus juridiquement, mais administrativement de nombreuse structures ont vu le jour pour encourager puis accompagner l'apparition de ces nouveaux objectifs. Lorsque l'achat public se structure, c'est autour de cette notion de développement durable.

On pense notamment, dès 2003 à la Stratégie nationale de développement durable (SNDD)145, puis à la nouvelle Stratégie nationale de développement durable pour la période 2010-2013 (SNDD)146 qui ont eu pour objet de concourir à une diminution de l'impact environnemental du fonctionnement de l'Administration. Le Groupement d'étude des marchés développement durable, environnement a aussi été créé147, tout comme, ensuite l'Observatoire économique de l'achat public148. Plusieurs circulaires149, ainsi qu'un « Plan

138 L. n° 2005-32 du 18 janvier 2005, de programmation pour la cohésion sociale.

139 CJUE, 10 mai 2012, aff. C-368/10.

140 CE, 25 mars 2013, Département de l'Isère, n° 364950.

141 Code des marchés publics de 2006, art. 5.

142 Ibid., art. 45.

143 Ibid., art. 6.

144 Ibid. Consid. n° 29 et Art. 23.

145 Adoptée le 3 juin 2003 par le Comité interministériel du développement durable (CIDD).

146 Adoptée le 27 juillet 2010 par le Comité interministériel pour le développement durable (CIDD).

147 JO 28 Janvier 2004.

148 En application de l'article 136 du Code des marchés publics, JO 13 novembre 2005.

149 Circ. 5 avr. 2005, sur les moyens à mettre en oeuvre dans les marchés publics de bois et produits dérivés pour promouvoir la gestion durable des forêts ; Circ. 28 sept. 2005, sur le rôle exemplaire de l'État en matière

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national d'action pour des achats publics durables »150 ont également poussé les services de l'Etat à plus de responsabilité dans leurs achats. La Révision générale des politiques publiques (RGPP) démarrée en 2007 et qui a été remplacé en 2012 par la Modernisation de l'action publique (MAP) ont toutes les deux mis en avant ces nouveaux objectifs151. Finalement, le Service des achats de l'État (SAE) a vu le jour en 2009152 et a été remplacé dernièrement par la Direction des achats de l'Etat (DAE) qui doit notamment veiller à ce que « les achats de l'État (É) respectent les objectifs de développement durable »153

La commande publique au service de politiques publiques. Les nouvelles directives de 2014154, ont marqué une nouvelle étape dans ce processus155. Les trois directives illustrent avec une même intensité l'importance qu'attache le législateur européen pour ces nouveaux objectifs. La directive relative à la passation des marchés publics donne la possibilité aux Etats membres de réserver certains lots ou marchés à des entreprises ayant un objet social156. De même, un « verdissement de la commande publique » est clairement constaté157. La commande publique, de part son poids économique est donc bien devenue un levier au service de politiques publiques comme l'insertion professionnelle ou la protection de l'environnement.

Le développement durable devient « l'objectif secondaire » 158 du droit de la commande publique, à côté du principal objectif de celle-ci qui est de répondre utilement aux besoins des personnes publiques. Guillaume Cantillon explique cette transformation du droit des marchés publics par la rencontre de deux objectifs différents que les administrations

d'économies d'énergie ; Circ. 2 mai 2008, relative à l'exemplarité de l'État en matière d'utilisation de produits issus de l'agriculture biologique dans la restauration collective.

150 Adopté le 13 novembre 2006 par le Comité interministériel du développement durable (CIDD).

151 G. CANTILLON : « Marchés publics et développement durable », Fasc. 57, Jurisclasseur, LexisNexis.

152 D. n° 2009-300, 17 mars 2009 portant création du service des achats de l'État, art. 2.

153 D. n° 2016-247 du 3 mars 2016 créant la direction des achats de l'Etat et relatif à la gouvernance des achats de l'Etat.

154 Dir. 2014/24/UE du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics ; Dir. 2014/25/UE du 26 février 2014 relative à la passation de marchés par des entités opérant dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des services postaux ; Dir. 2014/23/UE du 26 février 2014 sur l'attribution de contrats de concession.

155 P. THIEFFRY, « Le verdissement de la commande publique, acte II : prise en compte de l'analyse du cycle de vie et des procédés et méthodes de production » RTD Eur. 2015 p.470.

156 Dir. 2014/24/UE du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics. Consid. 36

157 P. THIEFFRY, « Le verdissement de la commande publique, acte II : prise en compte de l'analyse du cycle de vie et des procédés et méthodes de production », art. préc.

158 M. KARPENSCHIF, « Le contrat au service des politiques publiques : «Contrat public et Union européenne« », RFDA 2014, p.418.

doivent poursuivre : la recherche d'efficience et d'efficacité de l'achat public, ainsi que la poursuite du bien public159 (B).

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery