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L'humanisation des lieux de détention au Cameroun

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par Vincent Pascal MOUEN MOUEN
Université catholique d'Afrique centrale - Master en droits de l'homme et action humanitaire 2009
  

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Paragraphe 2nd : L'inobservation des règles en matière d'incarcération

La privation de liberté obéit à des règles bien précises, surtout en matière d'incarcération. Elle doit prendre en compte la sécurité des personnes incarcérées et le caractère vulnérable de certaines couches.

A- La séparation des détenus en fonction de leur statut juridique

La séparation des personnes privées de leur liberté en fonction de leur statut juridique vise principalement à éviter que des personnes suspectes dont la privation de liberté s'avère pourtant nécessaire pour le besoin de protéger leur propre vie ou de ne pas entraver la manifestation de la vérité au cours de l'enquête ne souffrent pas particulièrement du fait de leur incarcération. Cette mesure limite les frustrations qui pourraient naître d'une privation de liberté injuste en ce sens qu'elle prévoit un traitement spécifique à chaque catégorie de détenus, qu'il soit prévenu, contraignable ou condamné.

L'article 9 (3) du Code de procédure pénale camerounais a définit le prévenu comme tout individu susceptible d'être traduit devant une juridiction pour répondre d'une contravention ou d'un délit.82(*) Cette définition semble quelque peu partielle en ce sens que non seulement elle ne prend pas en compte les détenus provisoires incarcérés pour des cas de crime, mais elle ne spécifie pas non plus le lieu de la détention. La 84ème règle de l'Ensemble des règles minima pour le traitement des détenus nous donne une définition plus exhaustive de la notion de prévenu. Selon ce texte, « tout individu arrêté ou incarcéré en raison d'une infraction à la loi pénale qui se trouve détenu soit dans les locaux de la police soit dans une maison d'arrêt, mais n'a pas encore été jugé est qualifié de prévenu»83(*), à la différence du condamné dont le jugement est déjà définitif. Le contraignable est à la base un condamné mais qui, en raison de son insolvabilité, ne peut satisfaire les mesures de restitution ou les condamnations pécuniaires ordonnées par une juridiction répressive contre lui.84(*) La condamnation initialement pécuniaire se mue donc en une mesure de privation de liberté : c'est la contrainte par corps. Elle ne s'exerce ni contre les personnes âgées de moins de 18 ans ou de plus de 60 ans, ni contre les femmes enceintes85(*).

La séparation des détenus est donc un moyen d'adapter à chaque catégorie de détenu un traitement en fonction de son statut juridique. La 89ème règle de l'Ensemble des règles minima pour le traitement des détenus dispose même à cet égard que :

« Les personnes emprisonnées pour dettes ou condamnées à une autre forme d'emprisonnement civil doivent être séparées des détenus pour infraction pénale »

Le PIDCP souligne dans son article 10 la nécessité de séparer les condamnés des prévenus et de traiter ces dernier en tenant compte de leur situation de personnes non condamnées. Cette mesure est encore plus impérative en ce qui concerne la séparation des jeunes prévenus des adultes86(*). D'ailleurs la Convention relative aux droits de l'enfant précise que « dans toutes les décisions qui concernent les enfants (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ». Le principe, de la séparation des détenus en fonction de leur statut juridique trouve également un écho favorable dans l'Ensemble des règles minima pour le traitement des détenus à travers les règles 8 et 85. Ces règles consacrent la séparation des détenus « en fonction de leur age, leur sexe, de leurs antécédents, des motifs de leur incarcération et des exigences de leur traitement».

Au Cameroun, la sélection et la répartition des détenus dans les locaux pénitentiaires sont prévues à l'article 20 du décret N° 92/052 du 27 mars 1992. Ce texte prévoit la séparation des personnes prévenues des condamnées, les hommes des femmes, l'affectation de locaux spéciaux aux condamnés à mort, aux détenus dangereux, un quartier spécial réservé aux éléments des forces de maintien de l'ordre. Mais la surpopulation carcérale a conduit à la fusion de tous ces référentiels de spécialisation de l'incarcération des détenus, au point que cet article est soit ignoré, soit partiellement appliqué87(*). Ce qui pourrait dans une certaine mesure justifier la réflexion de Thierry Vincent selon laquelle« En Afrique, la pauvreté et la faiblesse des budgets des Etats, ajoutées à la prise de conscience relativement récente de la nécessité de respecter la personne humaine, fut-elle délinquante ou criminelle, font que la vétusté, l'insalubrité, et les mauvais traitements sont la règle dans les centres de détention»88(*).

Le Cameroun ne fait pas exception à ce constat. L'influence du contexte global de pauvreté est à l'origine de nombreux dérapages dans les milieux pénitentiaires. Le défaut d'investissement rendant pratiquement impossible l'application des mesures internationalement admises et qui lui sont opposables. Les aménagements de quartiers distincts pour prévenus, contraignables et condamnés devenant impossible du fait de la surpopulation carcérale. Pourtant, « Les personnes emprisonnées pour dettes ou condamnées à une autre forme d'emprisonnement civil doivent être séparées des détenus pour infraction pénale ».89(*)

De manière générale, les prisons camerounaises sont caractérisées par leur étroitesse et leur engorgement. La plupart d'entre elles sont logées dans de vieilles bâtisses de récupération héritées de l'époque coloniale et qui ont subies quelques aménagements. Cette exiguïté rend impossible l'application des mesures de sécurité et de stricte séparation des différentes catégories de détenus. Pour exemple aucun de ces établissements ne dispose de cellule individuelle. Les détenus sont logés dans des dortoirs accueillants des dizaines voire des centaines de personnes. A la prison principale d'Edéa, la plus hygiénique des cellules accueille 10 personnes dans un réduit d'environ trois mètres sur cinq. C'est le «HILTON'', du nom d'un hôtel huppé de la capitale politique. Dans la prison centrale de Nkodengui, le «KOSOVO'' est un quartier hétéroclite. Les condamnés, prévenus et contraignables s'y côtoient et sont logés dans les mêmes dortoirs. Ce qui rend inévitables les violences des prisonniers sur leurs co-détenus. La séparation en fonction du type de traitement suivi par les détenus est elle aussi inopérante à la prison centrale de Nkodengui. Le quartier 3 réservé aux malades accueille des personnes présentant des symptômes de maladies différentes. Les blessés par armes à feu y séjournent avec certains tuberculeux, malades de sida et d'autres personnes potentiellement dangereuses parce qu'atteintes de maladies contagieuses, au mépris des règles minima pour le traitement des détenus qui dispose pourtant que :

« Lorsqu'on recourt à des dortoirs, ceux-ci doivent être occupés par des détenus soigneusement sélectionnés et reconnus aptes à être logés dans ces conditions ».90(*)

Certes il existe un quartier de mineurs dans la quasi-totalité des prisons visitées, mais force est de reconnaître que la porosité de ses limites ne permet pas de parler d'une véritable séparation entre mineurs et adultes. Ils partagent la même cour, les mêmes repas et les mêmes loisirs. Ce contact permanent et presque incontrôlé des mineurs et des adultes facilite la corruption de la jeunesse carcérale que les textes internationaux entendaient protéger. Mais au-delà de l'âge et du statut juridique, le genre est aussi un facteur de séparation des détenus.

* 82 L'article 9 (3) du Code de procédure pénale camerounais définit le prévenu comme « Toute personne qui doit comparaître devant une juridiction de jugement pour répondre d'une infraction qualifiée contravention ou délit. ».

* 83 Règle 84 de l'Ensemble des règles minima pour le traitement des détenus.

* 84 L'article557 du Code de procédure pénale camerounais.

* 85 Article 565 du Code de procédure pénale camerounais.

* 86 Article 10 al 2 du PIDCP.

* 87 TEJIOZEM (Rogatien), op. cit. p. 70

* 88 VINCENT (Thierry), « Justice : alerte dans les prisons africaines », Cameroun Tribune n°5973 du 14 novembre 1995, p.8.

* 89 Règle 8 c de l'Ensemble des règles minima pour le traitement des détenus.

* 90 Règle 9 (2) de l'Ensemble des règles minima pour la traitement des détenus.

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