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Opportunité et stratégie du règlement consensuel des litiges au regard des actions collectives en droit européen de la concurrence

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par Edouard Bruc
Université de Montpellier - DJCE 2016
  

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PARTIE 2 - GESTION DU RISQUE PAR LE BIAIS DU RÈGLEMENT
EXTRA-JUDICIAIRE

118. Opportunité des modes de règlement consensuel et stratégie. Après avoir étudié le risque actuel mais aussi potentiel des actions collectives en droit européen de la concurrence, il convient de traiter celui-ci de manière à en faire une opportunité pour les entreprises. Face au risque, la stratégie ici, c'est-à-dire l'ensemble d'actions coordonnées, d'opérations habiles, de manoeuvres en vue d'atteindre un but précis, s'incarne par la recherche de la réduction de la sanction économique. Malgré l'efficacité relative des actions collectives du fait de leur hétérogénéité, le législateur européen souhaite ouvrir une deuxième voie à leur traitement, la voie extrajudiciaire.

En effet, la directive n°2014/104 offre (suivant un mouvement ancien des autorités européennes) une place toute particulière au « règlement consensuel des litiges » (au sein d'un chapitre dédié à cet effet). Cette porte ouverte vers la résolution en dehors des tribunaux du contentieux concurrentiel peut étonner. A priori le droit de la concurrence relève de l'ordre public économique, mais cela serait préjuger du caractère indemnitaire du private enforcement. De plus, cette résolution offre de nombreux avantages et une efficience en partie renforcée de ce même ordre public, ce qui explique le regard bienveillant du législateur européen sur le sujet.

Dès lors, l'analyse de l'intérêt du règlement consensuel des litiges au regard des actions collectives nécessite de regarder, en premier lieu, l'opportunité des différents modes de règlements (Titre 1) , pour en second lieu, se pencher sur la stratégie à mettre en place regard des actions collectives (Titre 2).

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Titre 1 - Opportunité des modes de règlements consensuels

119. Droit unique et règlements multiples. L'examen de l'opportunité invite à questionner la justesse de l'adaptation à la situation du moment. En outre, « la situation du moment » en l'espèce c'est le risque d'une action collective pour l'entreprise contrevenante. À ce titre, l'adaptation face à ce risque s'incarne par la recherche d'un règlement consensuel favorable comparativement au règlement judiciaire, ce qui d'un point de vue pratique se traduit par une amoindrissement du coût économique.

Néanmoins, l'analyse de l'utilité des règlements consensuels pose déjà la question liminaire de quel règlement consensuel ? En effet, se dégage une diversité de modes règlements consensuels qu'il faudra regarder (Chapitre 1). Puis, il faut s'interroger sur les modalités concrètes de mise en application de ces modes de règlements consensuels (Chapitre 2).

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Chapitre 1 - Les différents modes de règlements consensuels

120. Définition lacunaire. D'après la directive du 26 novembre 2014, le règlement consensuel des litiges se définit comme (article 2) : « tout mécanisme permettant aux parties de parvenir à un règlement extrajudiciaire d'un litige relatif à une demande de dommages et intérêts ». Elle définit également le « règlement » consensuel comme : « un accord obtenu grâce à une procédure de règlement consensuel du litige » (ce qui exclu ipso facto l'arbitrage258).

Néanmoins, les définitions données par la directive paraissent insuffisantes. Il faut se référer plutôt à la recommandation de la Commission du 30 mars 1998 avec une définition plus précise: « un règlement du litige par l'intervention active d'une tierce personne qui propose ou impose une solution ». De ces définitions ressort l'idée que le règlement consensuel des litiges est avant-tout

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un règlement alternatif, complémentaire aux procédures judiciaires débouchant à un accord entre les parties au litige qui est proposé ou imposé par une tierce personne. Cependant, un des modes alternatifs de règlement des litiges ne fait pas intervenir de tierce personne c'est le cas des transactions faisant intervenir simplement les parties concernées au litige. Certains parlent alors de procédures « de substitution ».

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Au-delà des définitions qu'offrent les autorités supra-nationales apparaît un engouement grandissant pour ces modes de résolution en dehors des prétoires. En effet, la volonté du législateur de promouvoir ces modes alternatifs de règlement des conflits est à l'origine de l'essor considérable qu'ils connaissent actuellement (Section 1). Un panel attractif et diversifié de ces modes de règlement des litiges a été développé permettant aux parties de choisir la modalité la plus adaptée à leur situation (Section 2).

Section 1 - La volonté du législateur de promouvoir les modes de règlements alternatifs des conflits

121. Volonté et attractivité. Au travers de la directive du 26 novembre 2014, la volonté du législateur de promouvoir les modes de règlement alternatif des litiges est prégnante. Un chapitre IV est entièrement consacré au règlement consensuel des litiges. Cependant, cet objectif d'encourager le recours au règlement extrajudiciaire des litiges ne date pas d'aujourd'hui (1). En

258 l'arbitrage ne résultant pas d'un accord mais d'une décision imposée, néanmoins son étude est nécessaire car dans son considérant 48 la directive dit bien que : « Dès lors, les auteurs de l'infraction et les parties lésées devraient être encouragés à se mettre d'accord sur la réparation du préjudice causé par une infraction au droit de la concurrence au moyen de mécanismes de règlement consensuel des litiges, tels que les règlements amiables (notamment ceux que le juge peut déclarer contraignants), l'arbitrage, la médiation ou la conciliation. Ce règlement consensuel des litiges devrait concerner le plus grand nombre de parties lésées et d'auteurs d'infractions possible d'un point de vue juridique. Les dispositions de la présente directive ayant trait au règlement consensuel des litiges visent dès lors à faciliter le recours à de tels mécanismes et à accroître leur efficacité. »

259 98/257/CE: Recommandation de la Commission du 30 mars 1998 concernant les principes applicables aux organes responsables pour la résolution extrajudiciaire des litiges de consommation (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE), considérant 9

260 Conseil européen de Tampere de 1999

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outre, l'attractivité de ces procédures est due à des caractéristiques particulières procurant des avantages considérables aux parties au litige (2).

§1) Une volonté ancienne du législateur

121. Un long processus. La volonté du législateur de promouvoir ces modes de règlements des conflits n'est pas un mouvement nouveau. En effet, ils connaissent un développement accéléré depuis quelques années et entraînent une attention croissante du fait de la multiplication des initiatives sur ce terrain.

Certaines sont anciennes, telle est le cas de la création en 1994 d'un réseau appelé « Réseau Européen d'Arbitrage et de Médiation » (ou « European Network for Dispute Resolution »), sous forme de groupement d'intérêt économique, regroupant des centres d'arbitrage et de médiation commerciale établis en Italie, au Royaume Uni, en France et en Espagne. Ce réseau a bénéficié d'un soutien financier de la part de la Commission européenne démontrant son engouement pour de telles initiatives. En outre, cette volonté du législateur a été surtout marquée au sein du droit de la consommation avant de s'étendre à la matière civile et commerciale, pour enfin s'intéresser au droit de la concurrence par la directive du 26 novembre 2014.

122. Plan d'action et mise en place. Tout d'abord, le 14 février 1996, la Commission a mis en place un plan d'action sur l'accès des consommateurs à la justice. Dans ce dernier, elle prônait le

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développement des procédures extra-judiciaire afin de garantir l'effectivité de l'accès à la justice pour les consommateurs et les entreprises. Ce plan d'action fait ressortir la nécessité et l'urgence d'une action communautaire dans ce domaine.

Par la suite, le 25 novembre 1996, les conclusions du Conseil européen, approuvées par le Conseil de « Consommateur », ont indiqué que :

« le souci de renforcer la confiance des consommateurs dans le fonctionnement du marché intérieur et leur capacité à tirer pleinement parti de possibilités que ce dernier leur offre englobe la possibilité pour les consommateurs de régler leurs litiges de manière efficace et adéquate par la voie de procédure extrajudiciaires ».

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« Efficace » pour sa rapidité et son moindre coût et « adéquat » en remédiant à la disproportion entre l'enjeu économique de l'affaire et le coût de son règlement judiciaire.

Postérieurement, dans une communication de la Commission du 30 mars 1998 est soulevé le problème de l'accès des consommateurs individuels à la justice. Trois solutions sont données : la

261 Plan d'action sur l'accès des consommateurs à la justice et le règlement des litiges de consommation dans le marché intérieur, COM(96) 13 final du 14.02.1996

262 Recommandation de la Commission du 30 mars 1998 : concernant les principes applicables aux organes responsables pour la résolution extrajudiciaire des litiges de consommation, 98/257/CE, 1er considérant

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simplification et l'amélioration des procédures judiciaires, l'amélioration de la communication entre les consommateurs et les professionnels et la mise en place de procédures extrajudiciaires .

263

Au travers de cette communication, la Commission prône le règlement amiable des conflits de consommation, dans une phase initiale c'est à dire avant tout litige, afin d'éviter les désagréments causés par l'ouverture d'une procédure. Pour cela, la Commission propose une solution : la mise en place d'un formulaire européen de réclamation pour le consommateur visant à améliorer le dialogue entre consommateurs et professionnels avant tout litige. Concomitamment, une recommandation de la Commission datant du même jour relative à la résolution extrajudiciaire des conflits de consommation exige l'établissement au niveau européen de principes essentiels tel que l'indépendance, la transparence, le contradictoire, l'efficacité, la légalité et la liberté de représentation. La Commission constate de l'expérience acquise par plusieurs États membres que le règlement extrajudiciaire des litiges peut avoir un effet positif pourvu que certains principes essentiels soit respectés.

123. Tampere. En toute hypothèse, la clef de voûte de ce processus de promulgation a été le Conseil européen de Tampere, du 15 et 16 octobre 1999 qui reprend l'idée tirée des initiatives de la Commission concernant l'accès à la justice. Ainsi, il souhaite faire de l'Union Européenne un espace « de liberté, de sécurité et de justice ». Pour y parvenir il est demandé au Conseil de l'Europe sur les propositions de la Commission d'établir des règles de procédures spéciales communes à l'ensemble des États membres, afin de « simplifier et d'accélérer le règlement des litiges transfrontaliers » tant en matière civile que commerciale. Dans le même temps, il est conseillé aux États membres de mettre en place des procédures de substitution extrajudiciaires. Au demeurant, lorsque le Conseil européen invite les États à adopter ces procédures, il ne vise pas simplement la mise en place de ces dernières en droit de la consommation mais en matière civile et commerciale (ce qui est bien plus large).

Suite à cela, une recommandation de la Commission, le 4 avril 2001, relative aux principes applicables aux organes extrajudiciaires chargés de la résolution consensuelle des litiges de consommation, est intervenue. Au sein de cette dernière sont tautologiquement repris les principes applicables aux organes chargés de la résolution extrajudiciaire des litiges cités auparavant au sein de la recommandation de 1998. Cependant, il est indiqué :

« Les principes fixés dans la présente recommandation ne portent pas atteinte à ceux établis dans la recommandation 98/257/CE de la Commission qui devraient être respectés par les procédures extrajudiciaires264 ».

La Commission vient reprendre et renforcer les principes préalablement établis par la résolution de 1998 (ci-dessus citées).

263 Communication de la Commission sur la résolution extrajudiciaire des conflits de consommation, Com. 198 (198) final : JO L 115 du 17 avril 1998, p. 31

264 Recommandation de la Commission du 4 avril 2001 relatives aux principes applicables aux organes extrajudiciaires chargés de la résolution consensuelle des litiges de consommation. (2001/310:CE), point 9.

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124. Livre Vert. En date du 19 avril 2002, la Commission a élaboré un Livre Vert sur les

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modes alternatifs de règlement des conflits relevant du droit civil et commercial. La Commission invite à débattre sur la base de proposition qu'elle émet266 sur les « conflits relevant du droit civil et commercial ». Dès lors, le règlement consensuel des conflits dépasse la sphère du droit de la consommation pour s'étendre à un domaine beaucoup plus large, le phénomène prend donc de l'ampleur. Dans sa synthèse la Commission donne trois raisons à cette thématique abordée : l'accès à la justice des citoyens s'en trouve « améliorer », les États apportent beaucoup d'importance aux ADR ce qui se traduit par des travaux d'ordre législatif et enfin les « ADR représentent une priorité politique ». La Commission montre l'importance grandissante que prennent les modes alternatifs de règlement des litiges (RAL), et son souhait de promouvoir ces méthodes en les harmonisant au niveau européen pour garantir leur efficacité. Elle estime que pour réglementer ces procédures de substitution au niveau européen, il faut prendre « appui sur les travaux déjà engagés dans les Etats membres » mais également, au niveau de l'Union Européenne sur « les initiatives dans le domaine du droit de la consommation ».

Au demeurant, se pose la question de savoir si le droit de la concurrence entre dans le champ d'application du Livre vert de la Commission européenne, car celui-ci exclue :

« les questions liées aux droits dont les titulaires n'ont pas la libre disposition et qui intéressent l'ordre public, tels un certain nombre de dispositions du droit des personnes et de la famille, du droit de la concurrence, du droit de la consommation, lesquelles ne peuvent en effet pas faire l'objet d'un ADR267».

Pour savoir si le droit de la concurrence entre dans le champ du Livre Vert, il convient de se demander si la créance indemnitaire contre l'auteur de l'infraction qui contient le droit d'agir, l'action individuelle peut être aliénée librement. Ainsi, il faut s'interroger sur la disposition de l'action individuelle découlant du préjudice du fait d'une entente ou d'un abus de position dominante. La vente d'un droit incorporel peut avoir pour objet soit une créance, soit un droit ou une action en justice contre un tiers. La directive prévoit dans sa définition d'action en dommages et intérêts (article 2) que cela comprend une personne physique ou morale « qui a succédé dans les droits de la partie prétendument lésée, y compris la personne qui a racheté la demande ». Le rachat de la demande est donc possible et ceci avec cession du droit et une libre disposition de celui-ci par le justiciable victime de pratique anticoncurrentielle. Ce qui n'est pas cessible et ne donne pas droit à un RAL c'est la faute même de la partie contrevenante (pour plus de détails voir : partie 1, titre 1, section 1, §4).

Le Livre Vert et le Conseil de Tampere ont abouti à la directive du 21 mai 2008 relative à certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale. Le Parlement européen et le Conseil

265 Livre vert de la Commission européenne relatif aux modes alternatifs de résolution des conflits en matière civile et commerciale. COM(2002) 196 final

266 en effet, un Livre Vert est un document publié par la Commission européenne dans le but de stimuler au niveau européen une réflexion sur un sujet déterminé

267 Livre Vert du 19 avril 2002 sur les modes alternatifs de résolution des conflits relevant du droit civil et commercial, page 6

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veulent mettre en place des services de médiations et encourager le recours à ce mode de règlement des conflits tant en matière civile que commerciale, le champ d'application de cette directive n'étant pas restreint simplement au droit de la consommation. Pour cela, ils élaborent un « cadre juridique prévisible » de la médiation concernant les litiges transfrontaliers, ce cadre juridique pouvant être appliqué par les États en droit interne. La directive dispose :

« La médiation ne devrait pas être considérée comme une solution secondaire par rapport aux procédures judiciaires au motif que le respect des accords issus de la médiation dépendrait de la bonne volonté des parties. Les États membres devraient donc veiller à ce que les parties à un accord écrit issu de la médiation puissent obtenir que son contenu soit rendu exécutoire ».

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Le Parlement et le Conseil cherche à rendre la médiation plus attractive en l'encadrant et en lui donnant un effet exécutoire pour plus de sécurité et de stabilité juridique. Ils vont même jusqu'à dire qu'elle ne doit pas être considérée comme une solution secondaire.

125. Document de travail de 2011. Un document de travail sur les recours collectif sort en 2011 et apparaît comme un plaidoyer en faveur de règlement extra-judiciaire des actions collectives :

« Les mécanismes de résolution consensuelle collective des litiges complètent utilement les voies de recours judiciaires et peuvent, bien souvent, permettre aux victimes de régler plus rapidement et à un moindre coût leur litige. Les parties doivent dès lors avoir la possibilité de résoudre leur litige collectif par un mécanisme extrajudiciaire, soit en faisant intervenir un tiers (par exemple, au moyen d'un mécanisme de règlement alternatif des litiges, tel que l'arbitrage ou la médiation), soit sans une telle intervention (par exemple, règlement entre les parties concernées). Il y aurait lieu d'explorer les moyens de faciliter le recours aux modes alternatifs de règlement des litiges en cas de plaintes multiples. Il conviendrait également de se demander dans quelle mesure et dans quels domaines un recours judiciaire collectif pourrait être subordonné à une tentative préalable de résolution consensuelle collective du litige. »

269

126. Communication et recommandation de 2013. En 2013, La communication de la Commission intitulée « Vers un cadre horizontal européen pour les recours collectifs » pose des recommandations à l'attention des États membres notamment en ce qui concerne le « règlement consensuel collectif des litiges » (au point 2.1). La Commission met tout d'abord l'accent sur les avantages de ces modes alternatifs de règlement qui peuvent fournir aux parties un moyen rapide, peu onéreux et simple de résoudre les litiges.

Elle affirme la possibilité « d'une résolution consensuelle collective des litiges », autrement dit, la possibilité pour les parties à une action collective de choisir un règlement amiable des litiges plutôt qu'un recours contentieux. Enfin, elle recommande aux États membres de ne pas rendre la

268 Directive n°2008/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale, OJ L 136, 24.5.2008, point 19

269 Document de travail des services de la Commission : consultation publique : Renforcer la cohérence de l'approche européenne en matière de recours collectifs, Bruxelles, 4 février 2011 SEC(2011) 173 final, point 19

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résolution collective consensuelle des conflits comme une première étape obligatoire préalable à l'action en justice (caractérisant selon elle une atteinte au droit d'accès à la justice). Néanmoins, un contrôle de la légalité de la solution a posteriori est prôné (justifié par un rééquilibrage du procès, en effet toute les parties au recours collectif n'auront peut être pas la possibilité de participer au choix de la solution amiable). De plus, elle recommande de se prononcer sur le caractère exécutoire de la solution qui revêt une importance primordiale.

Enfin, la recommandation de 2013 sur les recours collectifs précise au point 16 :

« Les modes alternatifs de règlement des conflits peuvent constituer un moyen efficace d'obtenir gain de cause dans des cas de préjudice de masse. Ils devraient toujours être prévus en parallèle ou comme complément facultatif au recours collectif judiciaire. »

Au travers de ces textes, la Commission montre bien son penchant pour les procédures alternatives de règlement de conflit et ce même dans le cadre des actions collectives s'inspirant par là du modèle américain où ce type de règlement représente 90% du traitement du private enforcement.

270

127. Directive n°2014/104. Le 26 novembre 2014, la directive relative aux actions en réparation pour les infractions au droit de la concurrence, tant attendu en droit de la concurrence, a été publié au journal officiel. Cette directive tend à harmoniser les législations des différents États membres pour plus d'efficience et de sécurité juridique dans l'accès à l'indemnisation pour les victimes d'infractions en droit de la concurrence. Elle consacre un chapitre entier au « règlement consensuel des litiges », où elle y aborde essentiellement son effet sur les procédures judiciaires et son articulation. Au travers de cette articulation, l'Union européenne entend encourager le recours à ces procédures. Dans ce but, elle prévoit un possible allégement de la sanction et une suspension de la durée de prescription pendant toute la durée de la procédure de règlement consensuel . Elle

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envisage également le fait que l'auteur d'une infraction partie à un règlement consensuel qui a été condamné à payer des dommages et intérêts, soit déchargé de toute solidarité dans la responsabilité de l'intégralité du préjudice causé par l'infraction au droit de la concurrence si une action en justice ultérieure a lieu. Autrement dit, la Commission estime que l'auteur d'une infraction partie à un règlement consensuel ne peut pas se retrouver dans une situation plus désavantageuse du fait du recours à ce mode alternatif de règlement des litiges (article 19).

Au travers de ces différentes initiatives, l'Union Européenne s'efforce à promouvoir les modes alternatifs de règlement des litiges et encourage les États membres à développer et à perfectionner ces procédures dites de substitution afin de poser un cadre juridique stable et créer « un espace de liberté de sécurité et de justice ». Plusieurs raisons à cela, tout d'abord, les difficultés d'accès à la justice qui s'expliquent par des litiges qui se multiplient et des procédures qui s'allongent entraînant un engorgement des tribunaux. De plus, la complexité des textes législatifs et leur quantité rendent

270 COUTRELIS, Nicole et ZIVY, Fabien in Davantage d'avantages pour le règlement consensuel des litiges ou la négociation plutôt que la confrontation, Lamyline, numéro 44, juillet-septembre 2015, p. 98

271 article 18 de la directive

272 KROES, Neelie in Making consumers' right to damages a reality: the case for collective redress mechanisms in antitrust claims, 2007. Disponible en ligne : http://europa.eu/rapid/press-release_SPEECH-07-698_en.htm?locale=fr

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l'accès à la justice plus difficile. Enfin, les coûts de procédure sont élevés ce qui dissuade les acteurs d'ester en justice.

Pour faire face à ces insuffisances, le législateur a trouvé une solution : les modes de règlements consensuels des litiges qui peuvent si certains principes sont respectés combler les lacunes de la procédure judiciaire et/ou venir en complément de cette dernière.

§2) Les caractéristiques essentielles des modes alternatifs de règlement des litiges

128. Directive n°2014/14 et vide juridique. La directive du 26 novembre 2014 vient combler un vide juridique relatif aux modes alternatifs de règlement des litiges au niveau européen pour les actions collectives et individuelles en droit de la concurrence (malgré la recommandation qui reste du soft law). Ainsi, au sein de son chapitre IV, consacré à ces procédures dites de « substitution », elle relate simplement leurs effets, leurs impacts sur les procédures judiciaires. Qui plus est, ces procédures de règlement alternatif des litiges ont des caractéristiques marquées qui les différencient des procédures judiciaires.

129. Complément aux procédures judiciaires. Les procédures consensuelles viennent compléter l'insuffisance des procédures judiciaires dans un objectif de simplification et d'amélioration de l'accès à la justice. Elles jouent en effet un rôle complémentaire et sont parfois plus adaptées à la nature des litiges. Les procédures judiciaires sont complexes et notamment en droit de la concurrence où les litiges sont souvent transfrontaliers. En effet, la langue des parties, les règles de procédures difficilement accessibles, la détermination du juge compétent et de la loi applicable constituent des obstacles auxquels les parties sont souvent confrontées. En outre, le coût d'une instance judiciaire est élevé, or les procédures dites de « substitutions » peuvent aboutir dans de très courts délais, et l'accès à l'indemnisation y est assuré encore plus facilement en cas d'actions collectives.

La menace contentieuse, le risque d'une sanction pour l'auteur du préjudice subit par l'infraction aux règles du droit de la concurrence va accroître le recours au règlement consensuel des litiges. Ces procédures ne peuvent donc véritablement fonctionner que si elles sont associées à une procédure judiciaire et que la menace d'une sanction importante pèse sur l'auteur de l'infraction. Comme le

272

pointe la commissaire à la concurrence Neelie Kroes : « out-of-court settlement can only really work if they are coupled with a realistic chance of effective court action », ainsi le règlement consensuel apparaît uniquement comme une gestion alternative d'un risque effectif.

130. Consensualisme et flexibilité. La volonté des parties est le préalable nécessaire à l'efficacité des modes alternatifs de règlement des litiges. Aucune obligation ne pèse sur les parties au litige, elles sont libres ou non de recourir au règlement consensuel. Par conséquent, pour trouver un accord amiable, il faut une volonté commune qui implique souvent des concessions réciproques.

119

C'est dans la volonté des parties que les modes alternatifs de règlement puisent leurs légitimités. En effet, le tiers sera investi de son pouvoir juridictionnel par la volonté des parties. Ce qui peut être défini comme une forme de « consensualisme judiciaire ». Consensualisme judiciaire, car les parties vont s'entendre sur une procédure à engager et choisiront la plus adaptée à leur situation. Mais comme exposé précédemment il faut que les parties soient stimulées par un gain, un enjeu important, c'est-à-dire que la menace d'une sanction pèse sur l'auteur de l'infraction mais également qu'il y ait un manque à gagner important pour la victime. En effet, si le préjudice de la partie lésée ne présente pas une somme importante pour l'auteur de l'infraction au droit de la concurrence, celle-ci étant souvent une entreprise à l'échelle internationale, cette dernière ne verra pas l'intérêt d'engager une procédure amiable et d'aboutir à un accord. Qui plus est, les modes alternatifs de règlement des conflits présentent une certaine flexibilité. En effet, il existe un panel de modes de règlement consensuel des litiges : la conciliation, la médiation, l'arbitrage ou encore la transaction. Autant de modes pouvant s'adapter à des situations concrètes. Les parties sont donc libres de choisir le mode de règlement le plus adapté à leur situation en fonction des relations qu'elles entretiennent entre elles. Elles sont libres de déterminer la procédure à suivre, quel tiers sera en charge du processus, de se faire représenter ou préférer la participation personnelle à la procédure. En outre, c'est elles qui vont déterminer l'issue de la procédure. Les parties vont donc avoir un rôle actif dans le déroulement du règlement consensuel des litiges contrairement aux procédures judiciaires, c'est de leur volonté dont dépendra l'issue de la procédure. En effet, les propositions faites et les concessions réciproques détermineront l'accord amiable.

131. Confidentialité. La discrétion des modes alternatifs de règlement des litiges s'avère cruciale en droit de la concurrence. Elle apparaît comme un gage de succès de ces procédures dites de « substitution ». En effet, l'entreprise défenderesse a tout intérêt à préserver sa réputation, son image de marque pour ne pas perdre la fidélité de ses clients ou de clients potentiels. Une décision de justice allant à l'encontre d'une entreprise peut entacher l'image de marque de l'entreprise et faire perdre la confiance que ses clients avaient placé en elle. Comme disait Montesquieu :

« Pour acquérir la réputation il ne faut qu'un grand jour, et le hasard peut donner ce jour. Mais pour la conserver, il faut payer de sa personne presque à tous les instants273 ».

Pour préserver sa réputation, l'entreprise a tout intérêt à ce que les litiges avec des partenaires restent confidentiels. Le règlement consensuel des litiges permet de conserver un équilibre entre droit de la défense et confidentialité. Du côté du demandeur (ou des demandeurs en cas d'action collective) il est probable qu'il ne veuille pas entacher ses relations commerciales avec l'autre partie au litige (le constat étant que le private enforcement est souvent un contentieux entre concurrents ou anciens partenaires commerciaux) mais surtout avec ses autres partenaires commerciaux. Qui plus est, la diffusion de l'information est un risque de propagation du contentieux par d'autres acteurs. C'est pour cela que dans la plupart des cas, les parties veulent que les informations échangées et

273 MONTESQUIEU, Charles in Discours académiques, prononcé le 24 janvier 1728

120

même l'issue de la procédure demeurent confidentielles (la rédaction d'une clause de confidentialité doublée d'une clause pénale en cas de règlement extrajudiciaire d'une action de groupe peut donc être une nécessité). Confidentialité qui s'impose aux parties mais également au tiers en charge de la procédure. Cette caractéristique favorise la sincérité des déclarations faites. De plus, les informations échangées au cours de la procédure de règlement consensuel des litiges ne devraient pas formées un moyen de preuve recevable si une procédure judiciaire ultérieure est engagée. Ces procédures permettent donc un équilibre entre les droits de la défense et la confidentialité.

Comme déjà dit, il existe deux types d'actions en private enforcement : les actions en follow-on qui elles font suite à une décision de l'autorité publique et les actions en stand alone où la victime de l'infraction va agir de sa propre initiative. Dans les premières, lorsque les parties décident de passer par un mode alternatif de règlement des conflits, l'intérêt de la confidentialité a été en partie mise à mal, car en principe une décision de l'autorité publique a été rendue et donc publiée.

132. Un instrument au service de la paix sociale. Ces procédures dites de substitutions permettent un dialogue entre les parties au litige qui n'auraient, sans cela, pu être possible. Le Livre Vert de la Commission du 14 avril 2002 parle même d' « instrument au service de la paix sociale ». Un instrument de « paix sociale » car ces procédures engagent un processus de rapprochement des parties plutôt qu'un affrontement. Elles instaurent un dialogue qui sans cela leur aurait été difficilement possible. Lors de ce dialogue, les parties vont pouvoir choisir le processus le mieux adapté et essayer de trouver une solution au litige qui les oppose. Les parties jouent donc un rôle actif dans la recherche d'une solution alors que dans une procédure judiciaire elles exposent leurs observations mais jouent un rôle passif quant à la résolution du litige. Typiquement, ce processus de rapprochement va permettre par exemple de préserver le lien commercial que les parties avaient avant le contentieux.

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo