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Opportunité et stratégie du règlement consensuel des litiges au regard des actions collectives en droit européen de la concurrence

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par Edouard Bruc
Université de Montpellier - DJCE 2016
  

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Section 2 - Focus sur la transaction

157. Contre-modèle américain. Par ailleurs penser l'opportunité des règlements consensuels découlant des droits internes européens demande, malgré le caractère paradoxal de la chose, d'étudier le droit américain des actions collectives.

En effet, ce choix s'explique car le droit européen des actions collectives s'est construit sur le modèle américain ou du moins en « contre-modèle ». En effet aux États-Unis ont une tradition

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juridique ancienne sur le sujet, les premières class actions furent consacrées en 1942, date à laquelle la Cour américaine promulgua les règles fédérales d'équité (aujourd'hui codifiée à l'article 23 des Règles fédérales de procédure civile). Cette tradition ancienne par la multiplicité des décisions et l'affinement de son analyse par la doctrine, permet de donner de la « matière » à une analyse de celui-ci, comparativement aux balbutiements des class actions en Europe. Contre-modèle aussi, car il inspire des critiques vives du fait de ses dérives et permet au législateur d'imaginer des solutions à ses imperfections. Le sujet est ici d'autant plus probant que comme déjà expliqué 90% du contentieux privé se termine en transaction. Par conséquent, il conviendra donc d'étudier en quoi la transaction est le mode de règlement consensuel le plus adéquat (1) mais aussi les risques inhérents à ce type de résolution amiable (2).

§1) La transaction : un outil adéquat

158. Exemple américain. Le contentieux privé aux Etats-Unis se résout quasiment tout le temps par des transactions. Comment expliquer cette statistique ? Comme le relève le Livre Blanc à la page 10 :

296 Néanmoins, il faudra rappeler que la class action a une origine anglaise et non américaine. En effet, les juges anglais statuant en équité ont créé la procédure du Bill of Peace au XVIIème siècle. Celle-ci permet à de nombreux demandeurs ou défendeurs de faire juger une question commune au cours d'une même instance (cf. YEAZELL, Stephen C. in From Medieval Group litigation to the Modern Class Action, 1987).

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« Il convient d'accorder une attention particulière aux mécanismes favorisant un règlement rapide des litiges, tels que les accords transactionnels. Ce type de mécanisme pourrait réduire sensiblement voire supprimer les frais liés au contentieux pour les parties ainsi que les coûts supportés par le système judiciaire. »

159. Avantage de la transaction. Comme un concurrent victime qui sera apte à saisir la juridiction « à même de lui accorder une réparation satisfaisante », les consommateurs ou les PME regroupés dans une action collective pourront eux aussi prendre la voie judiciaire ou rechercher une indemnisation par le biais de transactions .

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Le succès de la transaction tient dans ses avantages et le fait qu'elle correspond parfaitement aux demandes du contentieux indemnitaire dans la plupart des hypothèses (notamment dans le cadre du contentieux en follow-on). En effet, la transaction permet un traitement amiable qui permet de limiter la durée et les coûts liés à la procédure. Elle répond surtout à l'essence même du contentieux si l'action collective est en follow-on, en effet dans ce contexte, si la décision de condamnation est définitive, apparaît par les articles de la directive que la défense devienne très difficile. La question n'est plus de savoir si l'entreprise est responsable mais dans quelle mesure ? Mesure de la responsabilité qui peut prendre place autour d'un débat économique sur l'importance de l'infraction et sa répartition entre les coauteurs. Mesure qui va surtout se transformer en une question de montant : combien ? Face à cette question, l'arbitrage n'a peu ou prou pas d'intérêt car il s'apparente plus au procès civile alors que la transaction, elle répond directement par les concessions réciproques. Il s'agit d'abandonner un montant réparant l'infraction en échange d'une renonciation à l'action.

L'accord transactionnel a donc la faveur du législateur européen qui doit en partie s'inspirer de l'efficacité relative du private enforcement aux Etats-Unis297.

160. Jeu. Renonciation qui prend la forme d'une transaction donc, dont le véritable enjeu sera sur la négociation du montant qui, elle, devra se faire en appuyant sur la menace contentieuse. L'entreprise contrevenante peut ainsi par exemple pointer sa capacité à retarder l'issue du litige, arguer du partage de responsabilité avec des coauteurs ou encore jouer par le biais de rapport d'expert. En rendant la décision plus aléatoire que prévue elle fait ainsi baisser le montant à payer aux parties à la transaction. Il s'agit d'un jeu de pressions réciproques des parties qui vont toute à la fois faire jouer la menace contentieuse toute en cherchant un accord extra-judiciaire pour chacune optimiser leur chance de « gain ». Ainsi, apparaît l'utilité des transactions qui connaissent un essor difficilement mesurable mais sensible299.

297 l'efficacité du private enforcement pouvant s'expliquer aussi par un public enforcement efficace mais statistiquement moins important (du fait des actions en follow-on).

298 PRIETO, Catherine et BOSCO, David in Droit européen de la concurrence. Ententes et abus de position dominante, 2013, p. 1423.

299 RODGER, B. J. in Private Enforcement of Competition Law, The Hidden Story : Competition Litigation Settlements in the United Kingdom, 2000-2005 : ECLR, 2008, 29(2), p. 96 et s.

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§2) La transaction : un outil dangereux

161. Transaction et équité. En droit américain il y a un contrôle par le juge a posteriori de l'accord transactionnel : « the judge must review and approve any settlement as fair, reasonable, and adequate with respect to the class ». Cela s'explique comme le fait remarquer Adolf Wach :

« There must be norms ruling what parties are allowed to do and what they aren't, as well

as norms ruling what they aren't allowed to do, although they are mutually ready to allow it300 ».

Cette vision du risque inhérent aux transactions apparaît aussi en droit européen, ou du moins en droit mou, au travers de la recommandation de 2013 sur les recours collectif qui précise que :

« 28. Il convient que la légalité des solutions contraignantes issues de transactions collectives soit vérifiée par une juridiction, compte tenu de la protection qu'il est opportun d'accorder aux intérêts et aux droits de toutes les parties concernées. »

162. Principal-agent et contingency fees. Pourquoi une telle défiance au regard d'un accord consensuel ? Tout d'abord, existe le risque de recours abusifs et infondés par des avocats peu scrupuleux dans l'unique but de soutirer de l'argent par le biais d'une transaction à des entreprises solvables ayant une certaine réputation et qui craignent une mauvaise publicité du fait d'une class action même infondée (technique dite de l'ambulance chasing). Spécifiquement dans les actions

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collectives, c'est aussi le problème connu de la relation entre un principal et son préposé (dit « principal-agent »). En outre, plus les membres d'un groupe sont nombreux, plus ils sont limités dans leur aptitude à contrôler la conduite de leur représentant, décalage qui peut exister entre les motivations des membres d'un groupe et celles de l'avocat qui les représente.

Quel intérêt pour l'avocat ? L'intérêt c'est des honoraires de résultat, ce qui laisse supposer qu'ils pourraient prendre leurs décisions non pas dans l'intérêt de leur client mais dans leur propre intérêt302. Face à ce risque des honoraires de résultat qui viendrait priver les victimes d'une représentation en justice efficace, la recommandation sur les recours collectifs prévoit de les limiter ou de les contrôler :

« 29. Les États membres devraient veiller à ce que la rémunération des avocats et son mode de calcul ne créent aucune incitation à engager des procédures judiciaires qui ne soient pas nécessaires dans l'intérêt des parties.

30. Les États membres ne devraient pas permettre le versement d'honoraires de résultat qui risquent de créer une telle incitation. Les États membres qui, à titre exceptionnel,

300 WACH, Adolf in Vorträge über die Reichs-Civilprocessordnung. Gehalten vor prakt. Juristen im Frühjahr 1879 (1896), p. 53

301 dérive comportementale qui peut être sanctionnée, par exemple en droit américain sous la Rule 7.3 du American Bar Association Model Rules of Professional Conduct.

302 GILLES, Myriam et FRIEDMAN, Gary B. in Exploding the Class Action Agency Costs Myth : The Social Utility of Entrepreneurial Lawyers, (2007) 155 U Pa L Rev 103, p. 104

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autorisent des honoraires de résultat devraient prévoir une réglementation nationale appropriée de ces honoraires en cas de recours collectif, compte tenu notamment du droit des membres d'un groupe constituant la partie demanderesse à obtenir une réparation intégrale. »

163. Coupon. Les coupon settlements sont logiquement un enjeu au regard des transactions. Ainsi, lors d'une action collective et son règlement transactionnel au lieu de recevoir un chèque, les victimes reçoivent un bon de réduction chez le défendeur (entreprise contrevenante) tandis que les avocats obtiennent des millions de dollars en honoraires :

« Par exemple, après que le Department of Justice avait terminé sa poursuite contre la société Microsoft pour des infractions aux règles de la concurrence en 2001, plusieurs avocats ont commencé une action privée dans la Californie au nom et pour le compte des consommateurs californiens. La société Microsoft et ses avocats ont négocié un accord à l'amiable évalué d'un montant de $1,1 milliards. Selon le règlement, tous ceux qui avaient acheté des produits Microsoft entre les années 1995 et 2001 pouvaient réclamer à cette société un bon d'achat en remplissant un formulaire. La majorité de ces bons ne valaient pas plus de $20. En revanche, l'avocat qui avait mené l'action a demandé la somme de $97 millions pour services rendus et $197 millions supplémentaires ont été demandés par les trente-quatre autres avocats ayant travaillé sur ce dossier. Ces honoraires ne dépassaient pas vingt-sept pour cent de la somme accordée aux consommateurs, mais puisque la totalité d'une telle transaction est rarement distribuée, ce pourcentage était probablement plus grand303 ».

Pour l'entreprise, l'avantage est triple : elle paye une amende moindre, va a posteriori recevoir une partie de ce qu'elle a payé et voit revenir ses anciens clients chez elle (baisse du coût réputationnel).

303 NEUMANN, Karl-Alexander et WADE MAGNUSSON, Landon in Pour une action collective européenne dans le droit de la concurrence, 24.2 (2011) Revue québécoise de droit international, page 160

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164. Conclusion. Les modalités concrètes de la mise en place de mode de règlement consensuel se font au travers d'une suspension du délai de prescription nécessaire pour éviter que ces modes de règlement ne soient trop désavantageux (section 1§2) ; cela permet de corriger le régime antérieur où l'hétérogénéité des régimes pouvaient être cause d'inégalité de traitement dans le cadre de cette deuxième voie alternative aux tribunaux (section 1§1).

Le cadre procédural étant posé, il est opportun de se pencher sur la transaction qui est le mode de règlement le plus adéquat aux actions collectives (section 2§1). Ce mode de règlement très développé dans le cadre du private enforcement aux Etats-Unis n'est pas sans questionner certains abus qui en découlent (section 2§2), comme les coupon settlement ou les contingency fees.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote