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Opportunité et stratégie du règlement consensuel des litiges au regard des actions collectives en droit européen de la concurrence

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par Edouard Bruc
Université de Montpellier - DJCE 2016
  

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Titre 2 - Stratégie des modes de règlements consensuels face aux actions

collectives

165. Stratégie et économie. Comme il a été dit précédemment les actions collectives et leurs règlements consensuels forment un couple qui semble indissociable tant les avantages sont nombreux pour les deux parties aux litiges, notamment en coût et en temps.

L'entreprise contrevenante voit surtout par le biais extra-judiciaire le meilleur moyen de négocier le montant de l'indemnisation. Cela s'explique par le fait que le contentieux des actions en private enforcement est surtout focalisé par les actions en follow-on, en effet en matière : « d'actions indépendantes, les succès sont ponctuels et peu significatifs. Au contraire, s'agissant des actions de suivi, une étude empirique sur la période 1999-2012 révèle une meilleure efficacité304 ».

Qui plus est, la directive n°2014/104 donne un régime très favorable aux victimes que ce soit les consommateurs et les PME en cas de recours en indemnisation par notamment des jeux de présomptions. Ainsi, face à ce risque accru de condamnation, le règlement extra-judiciaire peut être une moyen d'action intéressant pour les entreprises.

Quoiqu'il en soit, face à ce risque apparaît pour l'entreprise deux modalités de gestion du contentieux collectif : une gestion opportune lors du contentieux (Chapitre 1), une gestion intensive pré-contentieux par l'entreprise (Chapitre 2).

304 ZAMBRANO, Guillaume in L'inefficacité de l'action civile en réparation des infractions en droit de la concurrence, étude du contentieux français devant le Tribunal de Commerce de Paris (2000-2012), thèse de l'Université de Montpellier, 2012, p. 91

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Chapitre 1 - Gestion opportune de l'action collective par le règlement extrajudiciaire

166. Coût et stratégie. Le contentieux étant né, la stratégie peut prendre place autour d'un seul objectif la baisse du coût de « l'amende » au sens large c'est-à-dire comme sanction imposée par l'Etat. L'entreprise contrevenante veut baisser le risque économique qui pèse sur elle.

Pour se faire apparaît que l'entreprise devrait rechercher une réduction des multiples facettes du coût et du risque infractionnel (Section 1), mais aussi de se dépêcher de trouver un règlement consensuel : la directive mettant en place une forme de course aux règlements consensuels qui n'est pas sans rappeler le programme de clémence (Section 2)

Section 1 - La quête de la réduction du coût infractionnel

167. Consensualisme et coût de la faute. Le règlement consensuel apparaît comme l'outil le plus adapté au litige concurrentiel essentiellement économique car il permet de mettre fin à un contentieux uniquement pécuniaire. L'entreprise contrevenante est dans deux situations : soit l'action en dommages et intérêts fait suite à une condamnation des autorités de concurrence ou de la Commission, soit elle se trouve face à une action en stand-alone. Dans la première hypothèse, le règlement consensuel est la voie la plus adaptée, la faute étant en réalité démontrée et la question du passing-on comme moyen de défense est difficile au regard de la charge de la preuve renversée. Il s'agirait tout au plus de diminuer sa responsabilité par une répartition partielle du surcoût avec l'acheteur direct. Dans la seconde hypothèse, à moins d'action collective abusive, le jeu des présomptions va vers un retour à l'égalité des armes entre les parties au procès concurrentiel. Néanmoins si la faute concurrentielle est prouvée, il vaut mieux encore recourir à un règlement amiable. En effet, le règlement amiable permet de sauver la réputation de l'entreprise et de garder secret cette faute aux yeux des tiers (notamment les cocontractants et/ou les autorités en charge de la concurrence). Le consensualisme par sa flexibilité est donc un outil utile pour les parties.

À ce titre, le règlement amiable est un outil indispensable en ce qu'il permet d'enterrer le risque (§1) mais aussi en ce qu'il assure une diminution du coût de l'infraction (§2).

§1) Enterrement du risque

168. Aléa et jeu. C'est bien la théorie des jeux qui entre en compte pour l'entreprise contrevenante. C'est l'aléa de l'issue du procès qui implique la prise en compte d'un risque composite dès lors qu'un seul des événements dont dépend la solution est incertaine. L'aléa judiciaire s'explique par le fait que l'issue de tout procès est par sa nature même aléatoire. En outre, cet aléa désigne l'incertitude qui entoure l'activité juridictionnelle. Dans quel sens le juge tranchera-t-il ce litige ? La justice n'étant pas l'application « automatique » d'une règle, aller ou se défendre en justice implique toujours le risque de perdre son procès. Dans ce domaine, plus peut-être que tout autre, la vérité légale est difficile à mettre à jour. Aussi, ce qui apparaît comme évident sur le plan

308 JOHNSTON,Chris in VW more than doubles emissions bill to €16.2bn, 17 mai 2016, disponible en ligne : http:// www.bbc.com/news/business-36112333

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humain ne l'est pas forcément sur le plan juridique faute d'une traduction de la réalité humaine en réalité juridique (notamment en droit de la concurrence du fait de la difficulté probatoire propre à la matière305). Ainsi, dans le Tiers Livre de Rabelais, le juge Bridoye utilise le tirage au sort afin de rendre les décisions306. L'accord consensuel permet de mettre fin à ce doute, ce risque qui est un coût réputationnel, économique (à travers l'amende) mais aussi comptable au travers des provisions à faire307 .

169. Accord consensuel et conflits. Il a été vu que l'action collective entraine un forme de forum shopping l'accord consensuel permet d'une part de mettre fin à toute question de conflit de loi ou de juridiction (sauf en ce qui concerne l'homologation de l'accord si la loi le prévoit). Cette fin aux questions de droit international privé permet une économie de moyens quant aux frais juridiques afférents aux procès et au risque de forum shopping des demandeurs à l'action collective.

170. Réputation de l'entreprise. Comment ne pas penser à l'industrie du tabac, à Wal-Mart ou encore aujourd'hui Volkswagen autant d'entreprises qui ont subi un préjudice d'image important suite à une class-action. Le préjudice réputationnel ne se limite pas à l'aura de l'entreprise, il prend la forme d'une dévaluation boursière des actifs de la société, cette dévaluation correspond le mieux au préjudice d'image car elle est directement reliée au marché financier et à l'évaluation du devenir de l'entreprise. Qui plus est, cette dévaluation peut au-delà de l'image, prendre en compte par exemple la perte de confiance du consommateur, la baisse des ventes, la baisse du crédit donné à l'entreprise, la méfiance des investisseurs ou même encore la baisse de la capacité à recruter des salariés qualifiés. Les conséquences sont incalculables d'autant plus qu'à l'heure actuelle l'information dans une économie globalisée circule à grande vitesse. L'accord consensuel permet face à l'action collective soit ex-ante d'éviter cette publicité néfaste (négociation avant la saisine du juge), soit en cours de procès dans limiter l'impact.

171. Provision. L'impact est aussi comptable pour les entreprises, l'aléa judiciaire existe bien dans le bilan comptable d'une entreprise. C'est la provision pour litige destinée à couvrir les risques pécuniaires encourus par l'entreprise à propos de litiges qui l'opposent à des tiers. Le montant de la provision est égal à la somme que l'entreprise risque de devoir payer à l'issue du litige. Une évaluation des indemnités, intérêts, dommages et intérêts, frais de justice, etc. qui risquent d'être dus est dès lors à effectuer. Par exemple, les comptes 2015 de Volkswagen ont intégré une charge de 16,2 milliards d'euros308 pour tenir compte du scandale du logiciel truqueur installé dans 11 millions de ses moteurs Diesel. Les dirigeants du constructeur allemand et les commissaires aux comptes se

305 MASMI-DAZI, Fayrouze in Le quantum du préjudice deviendra - t - il le centre de gravité des actions en réparation de dommages concurrentiels ? , RLC 2710, p. 104.

306 RABELAIS, Francois in Tiers livre des faits et dits Héroïques du noble Pantagruel : composés par M. François Rabelais, Docteur en Médecine, et Calloier des Iles d'Hyeres, paru en 1546

307AMARO, Rafael in Le contentieux privé des pratiques anticoncurrentielles, 2014, point 284

309 WILMAN, Folkert in Private Enforcement of EU Law Before National Courts: The EU Legislative Framework, 2015, page 244

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sont accordés sur ce montant et ont publié les comptes 2015. Cette somme prend en compte : « les modifications techniques et les mesures en lien avec les clients aussi bien que les risques légaux » estimés par le groupe. Or, avec une telle provision, les comptes de Volkswagen établissent une perte nette de 1,58 milliard d'euros pour 2015, après un bénéfice de 10,48 milliards en 2014. Le risque infractionnel a donc un impact direct sur la comptabilité économique de l'entreprise.

172. Enterrer l'aléa. Ainsi, le règlement consensuel apparaît comme un outil utile face à l'aléa judiciaire, il permet de connaître le montant final du coût de l'infraction et met fin aux doutes qui sont dans le monde financier causent d'une dévaluation certaine de l'entreprise. La directive sur les actions en dommages et intérêts n°2014/104 le pointe elle-même au considérant 48 :

« Il est souhaitable de parvenir à un règlement « une fois pour toutes » pour les défendeurs, afin de réduire l'incertitude pour les auteurs de l'infraction et les parties lésées. Dès lors, les auteurs de l'infraction et les parties lésées devraient être encouragés à se mettre d'accord sur la réparation du préjudice causé par une infraction au droit de la concurrence au moyen de mécanismes de règlement consensuel des litiges, tels que les règlements amiables (notamment ceux que le juge peut déclarer contraignants), l'arbitrage, la médiation ou la conciliation. »

Ainsi, il semble que la faveur du législateur pour les règlements consensuels et l'enterrement de l'aléa est l'aveu même de l'incapacité des victimes à récupérer de manière optimale leur préjudice, sinon pourquoi permettre aux entreprises de profiter d'une diminution de le sanction, si ce n'est pour leur permettre de profiter d'une faute lucrative (à moins d'une politique de public enforcement réellement punitive).

§2) Diminution du coût de l'infraction

173. Faveur au règlement consensuel. La directive pointe ensuite qu'une autorité de concurrence (article 18, paragraphe 3) :

« peut considérer la réparation versée à la suite d'un règlement consensuel et avant qu'elle n'ait adopté sa décision d'imposer une amende comme une circonstance atténuante. »

Il faut noter que cette mesure n'était pas prévue dans la proposition de directive de la Commission et a été ajoutée à la demande du Parlement européen . Le texte est une faveur faite au règlement

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consensuel qui tout en respectant le principe d'autonomie procédurale en la matière oblige les Etats membres de prévoir la possibilité pour le juge de prendre en compte les règlements consensuels comme une circonstance atténuante.

Malgré, le respect de la marge d'appréciation dont dispose les ANC, il semble que l'aspect liant de la directive oblige au moins les ANC à prévoir cette modulation indemnitaire ne serait ce que

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textuellement dans une communication où à travers de la motivation de leurs décisions. Quant au montant de la modulation de l'amende, la question reste en suspens pour le moment. Enfin, il apparaît une forme de défiance face à cette nouvelle disposition, ainsi pour certains cette disposition s'inscrit :

« néanmoins dans un mouvement inverse de celui exposé tout au long de cette contribution, en ce sens qu'ici et pour la première fois, l'aboutissement d'un litige privé est susceptible d'avoir une incidence sur l'appréciation portée par l'autorité de concurrence au titre de la mise en oeuvre de l'action « publique ». Aussi, plusieurs garde-fous sont nécessaires, parmi lesquels le fait de circonscrire cette prise en compte aux hypothèses de règlement consensuel et de ne pas en faire une obligation nouvelle dans le chef des autorités de concurrence. »

310

Au demeurant, il semble logique qu'une entreprise qui a accepté d'indemniser dans un contentieux privé une victime de comportement concurrentiel soit enclin à reconnaître sa faute dans le contentieux public (d'autant plus que la collaboration avec les autorités de concurrence est un autre critère de réduction de l'amende). Ce dispositif pourrait donc se cumuler avec la transaction ou la non-contestation des griefs permettant une meilleure limitation du coût de l'amende.

174. Clémence et règlement consensuel. Quitte à chercher l'exonération autant cumuler les modalités de réduction d'amende. Faut-il rappeler que la politique de clémence récompense les entreprises qui dénoncent des ententes auxquelles elles ont participé en leur accordant une immunité totale ou une réduction des amendes qui leur auraient autrement été infligées. La réduction du fait du règlement consensuel s'inscrit uniquement pour l'entreprise qui ne peut prétendre à une immunité totale (avec le problème sous-jacent du système de marqueur). En effet, celle-ci peut néanmoins demander à bénéficier d'une réduction d'amende dans la mesure où elle fournit des éléments de preuve qui apportent une valeur ajoutée significative par rapport à ceux déjà en possession de la Commission. La communication de la Commission sur le sujet précise que sont

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considérés comme ayant une valeur ajoutée significative les éléments de preuve qui renforcent, par leur nature et/ou leur degré de précision, la capacité de la Commission à établir l'existence de l'entente.

Ainsi, en droit prospectif, il faudra prendre en compte cette possible réduction de l'amende comme un argument en faveur du règlement consensuel, néanmoins celle-ci semble pour le moment trop incertaine quant à sa définition pour pouvoir véritablement en quantifier l'opportunité. Peut-être il serait possible de regarder la pratique espagnole sur le sujet qui prévoit une réduction de l'amende en cas d'accord amiable (néanmoins, il semble que cela soit très rarement utilisé ).

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310 Autorité de la concurrence, La relation entre action publique et action privée en droit de la concurrence, 11 juin 2015. Disponible en ligne : http://www.autoritedelaconcurrence.fr/doc/actionpub_pri.pdf

311 Communication de la Commission sur l'immunité d'amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes [Journal officiel C 298 du 08.12.2006]

312 HITCHINGS, Paul et LORAS, Luis et ANGEL MALO, Miguel in Considerations concerning the implementation of the EU competition law damages directive in Spain, Concurrences n°2-2015, page 28

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus