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Opportunité et stratégie du règlement consensuel des litiges au regard des actions collectives en droit européen de la concurrence

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par Edouard Bruc
Université de Montpellier - DJCE 2016
  

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PARTIE 1 - RISQUE DES ACTIONS COLLECTIVES EN DROIT DE LA CONCURRENCE

20. Risque actuel et risque potentiel. L'analyse d'une opportunité et d'une stratégie du

règlement consensuel des litiges au regard des actions collectives en droit européen de la concurrence nécessite un préalable de détermination du risque en question constitué par les actions collectives. Risque, c'est-à-dire possibilité, probabilité d'un fait, d'un événement considéré comme un mal ou un dommage qui s'incarne ici par l'action collective.

Il ne sera pas nié qu'une « action collective » ne puisse être qualifiée ontologiquement de risque, mais comme il a été dit supra penser une stratégie nécessite bel et bien d'adopter téléologiquement un point de vue. Dès lors, le choix est fait de penser ce renforcement voulu du private enforcement comme un risque pour les entreprises (du fait d'une possible meilleure efficience de celui-ci par le biais des actions collectives).

Ce risque, certes, n'est pas indépendant des faits de l'entreprise (au sens large) subissant une action en justice, le demandeur démontrant bel et bien un intérêt à agir contre cette entreprise, néanmoins il s'agit ici non pas de caractériser les comportements fautifs ou non, mais de gérer les demandes suite à ces comportements. Dès lors, ce risque des actions collectives en droit de la concurrence, nécessitera dans un premier temps de faire un état des lieux du risque actuel (Titre 1), pour ensuite, appréhender de manière spéculative le risque potentiel encouru (Titre 2).

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Titre 1 - Risque actuel

21. Droit de la concurrence européen et droits internes de la concurrence. Derrière la

question des actions de groupe en droit de la concurrence se pose indubitablement le droit de la concurrence applicable et son champ d'application. En effet, « quel droit de la concurrence » pour les actions collectives et « quelle action collective » ?

Quel droit de la concurrence ? La question semble déjà laisser présager la réponse : le droit de la concurrence européen. Néanmoins, faut-il rappeler qu'aucun règlement ne régit les actions collectives en droit européen et qu'en l'état actuel seule une directive qui sera étudiée infra (cf. Titre 2) donne un régime juridique concernant uniquement les actions en dommages et intérêts, permettant une certaine harmonisation sur ce point.

Quelle action collective ? Les modalités juridiques des actions collectives sont souvent dépendantes des traditions juridiques de chaque État. Par exemple, il suffit de penser notamment aux dommages punitifs toujours refusés dans la tradition juridique française (se limitant à la réparation intégrale

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du préjudice) alors qu'ils sont ancrés dans la tradition du Common Law, ou encore à la procédure de discovery ou au mareva injuction totalement inconnues en droit latin. Se dégage ainsi au sein de

50 51

l'Union européenne une « diversité d'action collective » qu'il sera nécessaire de regarder plus en profondeur (tout de même dans un souci de clarté et de concision, tous les systèmes juridiques ne seront pas regardés, l'Europe étant constituée de plus de 28 pays et donc d'autant de systèmes juridiques).

À ce titre, il semble opportun, en ce qui concerne le risque actuel des actions collectives, d'éclaircir dans un premier temps, les racines juridiques de cette modalité d'agir en droit de la concurrence européen (Chapitre 1), pour ensuite se pencher sur l'inégalité des droits substantiels et procéduraux des actions collectives en concurrence dans les États membres (Chapitre 2).

49 défini dans le Black's Law Dictionary comme : « la sanction financière prononcée à l'encontre de la partie succombante afin de sanctionner son comportement »

50 se caractérisant comme une modalité procédurale employée par une partie lors d'une action au civil ou au pénal, avant un procès, pour requérir de la partie adverse de divulguer des informations qui sont essentielles pour la demande et que seule l'autre partie connaît ou possède.

51 qui peut être défini comme : « temporary injunction that freezes the assets of a party pending further order or final resolution by the Court, so named after the case which allowed the remedy », la sanction qui est le « contempt of court » en fait la spécificité, celle-ci pouvant parfois prendre la forme d'une sanction pénale (c.f. Mareva Compania Naviera SA v. International Bulkcarriers SA, [1975] 2 Lloyd's Rep 509 (C.A. 23 June 1975). , [1980] 1 All ER 213)

25

Chapitre 1 - Risque éthéré des actions collectives découlant du droit européen

22. Être et devoir-être. Nonobstant la nécessité certaine du développement du private
enforcement
par le biais des actions collectives est de l'essence même du droit européen qui a vocation à saisir ce contentieux (Section 1) et l'action majeure du droit prétorien venue pallier la carence textuelle (Section 2), le droit européen reste aujourd'hui incapable d'offrir un cadre légal efficient aux actions collectives comme cela peut être statiquement le cas notamment aux États-Unis52.

Section 1 - Une vocation limitée du droit européen à promouvoir les actions collectives

23. Droit substantiel et champ d'application. Pour saisir l'applicabilité du droit européen aux
actions collectives en droit de la concurrence, il faut d'abord saisir le droit de la concurrence objet de ces actions collectives. Or, pour s'en saisir il apparaît impérieux d'une part, d'en peindre le champ d'application (1) et d'autre part, de pointer le droit substantiel qui en est l'objet (2).

§1) Champ d'application matériel du droit européen concurrentiel

24. Union européen et droit de la concurrence. Avant de plonger plus en avant dans le champ
d'application ratione loci de ce droit concurrentiel, source de l'action collective, il faut regarder en quoi le droit de l'Union européenne a vocation à s'appliquer à cette hypothèse. L'Europe en tant que construction économique d'un « marché unique » a utilisé le droit de la concurrence comme un outil régulateur, en ce qu'il est normatif et dérégulateur, en ce qu'il permet de mettre à mal le protectionisme et les barrières nationales. Le droit de la concurrence européen est donc un outil essentiel à l'uniformisation européenne. Derrière cette uniformisation se transcrit une vision économique du marché économique tel qu'il devrait être. Ce que l'on a ainsi dénommé « l'économie sociale de marché » (Marktwirtschaft), qui s'organisera ainsi autour d'une forme d'ordre économique, appuyée sur des règles spécifiques. Suivant la tradition ordo-libérale, l'État, garant de la liberté individuelle dans la sphère économique, doit notamment empêcher que la concurrence ne soit entravée par le comportement des agents dominants, que ceux-ci soient privés ou publics.

Ainsi, textuellement, l'article 3.3 du Traité de l'Union Européenne précise bien que:

« l'Union établit un marché intérieur. Elle oeuvre pour le développement durable de l'Europe fondé sur une croissance économique équilibrée et sur la stabilité des prix, une économie sociale de marché hautement compétitive ».

52 représentant environ 90% du volume contentieux total selon Kathleen Maguire in Antitrust cases filed in U.S. District Courts, by type of case 1975-2010 dans Sourcebook of Criminal Justice Statistics. University at Albany, Hindelang Criminal Justice Research Center, (Table 5.41.2010).

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Mouvement d'une prééminence du droit européen qui a conduit à élargir son champ de compétence au fur et à mesure du temps pour un intégration renforcée. Ainsi, en décembre 1989, soit plus de trente ans après la signature du Traité instituant la Communauté économique européenne et deux ans seulement avant la date butoir de 1992 assignée à l'achèvement du marché unique, les pays membres sont parvenus à un accord, qui a délégué à la Commission le pouvoir exclusif de contrôler les opérations de concentration de dimension communautaire. Par la suite, les diverses directives comme celle sur l'action en dommages-et-intérêts ou notamment les règlements concernant les accords de franchise , la procédure , les accords verticaux constituant des ententes confirment

53 54 55

cette tendance (comme aujourd'hui concernant la proposition sur le geo-blocking ).

56

La construction européenne a donc dès le départ posé le droit de la concurrence en pierre angulaire de sa fondation et son renforcement comme moteur à sa fortification.

25. Champ d'application. Il apparaît nécessaire de regarder l'assise territoriale du droit

européen de la concurrence.

En premier lieu, conformément à l'article 52 du TUE qui dispose que le droit de la concurrence s'applique là ou le droit de l'Union s'applique, le droit européen de la concurrence régit les entreprises présentes sur le territoire de l'espace économique européen57(l'Union européenne, l'Islande, le Liechtenstein et la Norvège).

En deuxième lieu, il faut ajouter une extension jurisprudentielle par le biais de la doctrine de l'effet. Selon cette théorie, les règles de concurrence nationale sont applicables aux entreprises étrangères, mais aussi aux entreprises nationales établies en dehors du territoire national, lorsque leurs comportements ou leurs opérations produisent un « effet » à l'intérieur de ce territoire.

La nationalité des entreprises est dénuée de pertinence en termes d'application des règles en matière d'ententes, la théorie des effets vaut pour toutes les entreprises quelle que soit leur nationalité.

La Cour de justice a appliqué cette théorie pour une entente58 au travers plus spécifiquement de l'idée de « mise en oeuvre » au sein de l'espace économique européen par les entreprises, restreignant l'applicabilité au seul « effet » au sein dudit espace. Par la suite, en ce qui concerne les

53 Règlement (CEE) n°4087/88 de la Commission du 30 novembre 1988 concernant l'application de l'article 85 paragraphe 3 du traité à des catégories d'accords de franchise

54 Règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en oeuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)

55 Règlement (UE) n°33/2010 de la Commission du 20 avril 2010 concernant l'application de l'article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées.

56 Proposal for a Regulation of the European Parliament and of the Council on addressing geo-blocking and other forms of discrimination based on customers' nationality, place of residence or place of establishment within the internal market and amending Regulation (EC) No 2006/2004 and Directive 2009/22/EC

57 suivant l'article 3 du traité sur l'Union européenne

58 notamment CJCE, arrêt du 27 septembre 1988, Ahlström Osakeyhtiö e.a. contre Commission (« Pâtes de bois »), affaires jointes 89, 104, 114, 116, 117 et 125 à 129 / 85

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concentrations, le Tribunal de première instance a pu user de cette théorie dans l'arrêt Gencor en

59

concluant que :

« lorsqu'il est prévisible qu'une opération de concentration projetée par des entreprises établies à l'extérieur de la Communauté produise un effet immédiat et substantiel dans la Communauté, l'application du règlement n° 4064/89 [règlement sur les concentrations] est justifiée au regard du droit international public ».

En troisième lieu, il faut ajouter la théorie de l'unité économique qui peut servir à imputer des agissements de filiales à leurs sociétés-mères établies en dehors de l'Union européenne, notamment l'arrêt du 14 juillet 1972 de la Cour de justice de la Communauté européenne (Imperial Chemical Industries Ltd. contre Commission des Communautés européennes, affaire 48-69 qui précise au point 139) :

« Qu'à défaut d'indications contraires, il convient de penser qu'à l'occasion des hausses de 1965 et de 1967 la requérante n'a pas agi autrement dans ses rapports avec ses filiales établies dans le marché commun; Que, dans ces conditions, la séparation formelle entres ces sociétés, résultant de leur personnalité juridique distincte, ne pourrait s'opposer à l'unité de leur comportement sur le marché aux fins de l'application des règles de concurrence; Qu'ainsi, c'est bien la requérante qui a réalisé la pratique concertée à l'intérieur du marché commun; Qu'il n'y a donc lieu de déclarer que le moyen d'incompétence soulevé par la requérante n'est pas fondé; ».

Plus spécifiquement, les articles 101, 102 du TFUE sur les ententes et abus de position dominante (cf. infra) s'appliquent aux situations « susceptibles d'affecter le commerce entre États membres ».

60

La notion de « commerce » n'est pas limitée aux échanges transfrontaliers traditionnels de produits et de services, mais a une portée plus large qui recouvre toute activité économique internationale, y compris l'établissement. Cette interprétation concorde avec l'objectif fondamental du traité consistant à favoriser la libre circulation des biens, des services, des personnes et des capitaux.

La condition de l'existence d'une affectation du commerce « entre pays de l'Union européenne » suppose qu'il doit y avoir une incidence sur les activités économiques transfrontalières impliquant au moins deux pays de l'UE ; La notion « susceptible d'affecter » met en exergue que l'accord en cause doit, sur la base d'un ensemble d'éléments objectifs de droit ou de fait, permettre d'envisager avec un degré de probabilité suffisant qu'il puisse exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d'échanges entre pays de l'Union européenne. De plus, il faut que cela affecte « de manière sensible » le commerce (règle de minimis61), par exemple, dans sa communication concernant les accords d'importance mineure, la Commission déclare que les accords entre petites et moyennes entreprises sont rarement en mesure d'affecter sensiblement le

59 Tribunal de première instance (TPI), arrêt du 25 mars 1999, Gencor contre Commission, affaire n° T-102/96

60 Communication de la Commission - Lignes directrices relatives à la notion d'affectation du commerce figurant aux articles 81 et 82 du traité [Journal officiel n° C 101 du 27.4.2004].

61 avec notamment des indications utiles comme le seuil de 40 millions de chiffre d'affaires hors taxe et du seuil de 5% de part de marché

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commerce entre pays de l'Union. Le lieu d'établissement de l'entreprise ou de conclusion de l'accord est en toute état de cause irrelevant . De ces deux textes, combinés avec l'article 106 du

62

TFUE (pour les entreprises publiques) apparaît l'essence même du private enforcement (en dehors du droit des aides d'Etat ou des concentrations) mais reste la question de leurs articulations avec les juridictions et droits internes.

26. Prééminence du droit européen. Comme le pointait déjà l'Avocat général Warner : « le
droit communautaire et le droit national opèrent en combinaison, le dernier occupant le terrain lorsque le premier le quitte
». D'un point de vue du partage de compétence, après la réforme du

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règlement 17/62 , il y a la mise en place d'un système décentralisé d'application du droit

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européen ; par le biais notamment d'une zone de sécurité offerte par la mise en place d'exception légale (exemption légale). Tout de même, la compétence de la Commission reste exclusive de celle des juridictions ou autorités administratives des Etats membres nommés sous le vocable d'autorité nationale de concurrence (ANC)65, les Etats membres ont donc une compétence subsidiaire.

Néanmoins, reste que les ANC doivent appliquer le droit de la concurrence européen si les autorités européennes ne l'appliquent pas et qu'il est applicable (traduisant la décentralisation du contentieux concurrentiel), et ceci, en sus de l'application du droit national de la concurrence (qui en tout état de cause ne peut être contraire en droit européen). Le droit européen s'impose donc comme un standard à suivre, une base minimale du droit concurrentiel qui peut même servir de grille de lecture au droit interne. Ainsi, existe une complémentarité du droit interne et du droit européen même si celle-ci n'est que le reliquat du la prééminence du droit européen.

§2) Droit substantiel de la concurrence comme assise à l'action individuelle

27. Entente/abus de position dominante et préjudice individuel. Concrètement en ce qui
concerne le droit « substantiel » (en ce qu'il se distingue de la procédure), il convient de regarder les abus au droit de la concurrence au travers des abus de position dominante et les ententes.

En effet, c'est bien ces situations qui engendrent un surcoût direct pour le consommateur et pourraient fonder son droit d'agir en justice en se fondant sur le droit européen de la concurrence. Par ces normes c'est le fondement même du droit européen de la concurrence comme norme invocable par le citoyen qui est en jeu et donc subsidiairement une possible action collective sur ce fondement. En outre, les aides d'Etat relèvent d'un contentieux propre n'incluant pas la possibilité

62 Lignes directrices relatives à la notion d'affectation du commerce figurant aux articles 81 et 82 du traité (Communication de la Commission) au considérant 100: « Les articles 81 et 82 s'appliquent aux accords et pratiques susceptibles d'affecter le commerce entre États membres, même si une ou plusieurs des parties sont établies à l'extérieur de la Communauté (78). Les articles 81 et 82 s'appliquent quel que soit le lieu d'établissement des entreprises ou le lieu de conclusion de l'accord, à condition que l'accord ou la pratique soit mis en oeuvre (79) ou ait des effets (80) à l'intérieur de la Communauté »

63 CJCE, arrêt du 16 décembre 1976, Rewe, aff. 33/76, Rec. 1989, et Comet, aff. 45/76, Rec. 2043, conclusions Warner.

64 CEE Conseil: Règlement n° 17: Premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité

65 Règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en oeuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)

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directe pour un consommateur de s'ester en justice, celui-ci n'étant pas la victime de la « rupture » d'égalité concurrentielle. En ce qui concerne le contrôle des concentrations, il s'agit d'un contrôle anticoncurrentiel a priori, en toute hypothèse le contentieux relève de l'action des ANC et de la Commission qui à défaut de notification peuvent notamment ordonner des injonctions et des amendes subséquentes. Au demeurant, de manière complémentaire, la sanction des concentrations peut a posteriori s'effectuer au travers du droit des ententes et des abus de position dominante. Ces deux hypothèses ne seront donc peu ou prou pas développées, l'étude du risque se faisant au travers du droit des pratiques comportementales de la concurrence (et non structurelles).

En ce qui concerne, les ententes le professeur Dubouis les définit comme : « les accords ou pratiques concertés entre entreprises qui ont pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence, donc d'une manière certaine de cloisonner le marché ».

66

Autrement dit, il s'agit de tout partage de marché, fixation de quota de production ou accord sur les prix entre entreprises pour les maintenir artificiellement élevés. Ces différents comportements faussent le marché, au détriment des consommateurs et des autres producteurs victimes de ces pratiques, qui paient leurs biens de consommation à un prix plus élevé ou sont évincés.

L'article 101 § 1 et § 2 TFUE (remplacement l'article 81 du Traité instituant la Communauté européenne67) dispose ainsi que :

« 1. Sont incompatibles avec le marché intérieur et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché intérieur, et notamment ceux qui consistent à:

a) fixer de façon directe ou indirecte les prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transaction,

b) limiter ou contrôler la production, les débouchés, le développement technique ou les investissements,

c) répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement,

d) appliquer, à l'égard de partenaires commerciaux, des conditions inégales à des prestations équivalentes en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence,

e) subordonner la conclusion de contrats à l'acceptation, par les partenaires, de prestations supplémentaires qui, par leur nature ou selon les usages commerciaux, n'ont pas de lien avec l'objet de ces contrats.

2. Les accords ou décisions interdits en vertu du présent article sont nuls de plein droit. »

Cet article fonde le principe de la nullité de plein droit des accords ou décisions interdites avec un effet direct. Dès lors, il appartient aux juridictions nationales de constater la nullité des dispositions concernées et d'en déterminer les effets. De plus, cette nullité a un caractère absolue, ce qui rend

66 DUBOUIS, Louis et BLUMANN, Claude in Droit matériel de l'Union Européenne, 6ème Edition Domat droit public Montchrestien, année 2012

67 en outre, lors de l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne le 1er décembre 2009, les articles 81 et 82 du traité instituant la Communauté européenne sont devenus les articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne restant identiques en substance

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l'accord imposable aux tiers , et a, en principe, un caractère rétroactif . Qui plus est, des sanctions

68 69

pécuniaires peuvent être infligées par la Commission à l'entreprise contrevenante dans le cadre du public enforcement.

En ce qui concerne les abus de position dominante, il s'agit de la situation de puissance économique détenue par une entreprise qui lui donne le pouvoir de faire obstacle au maintien d'une concurrence effective sur un marché, en lui fournissant la possibilité de comportements indépendants vis-à-vis de ses concurrents. En outre, cette domination est appréciée in concreto. Le fait qu'elle existe n'est pas en soi sanctionnable car uniquement l'abus de position dominante est sanctionné (sans regarder son caractère intentionnel ou non d'ailleurs ).

70

L'article 102 TFUE dispose quant à lui que :

« Est incompatible avec le marché intérieur et interdit, dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d'en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d'exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché intérieur ou dans une partie substantielle de celui-ci.

Ces pratiques abusives peuvent notamment consister à :

a) imposer de façon directe ou indirecte des prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transaction non équitables,

b) limiter la production, les débouchés ou le développement technique au préjudice des consommateurs,

c) appliquer à l'égard de partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes, en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence,

d) subordonner la conclusion de contrats à l'acceptation, par les partenaires, de prestations supplémentaires qui, par leur nature ou selon les usages commerciaux, n'ont pas de lien avec l'objet de ces contrats. »

En outre, la sanction est prévue aux articles 5 et 7 du règlement n°1/2003 prévoyant notamment que la Commission ou les autorités nationales de concurrence (ANC) peuvent imposer des sanctions pécuniaires en cas d'infraction.

La philosophie de ces textes s'inscrit dans un logique de public enforcement ou « contentieux objectif », en effet, il s'agit ontologiquement de fournir à la Commission les moyens juridiques de

71

sanctionner un cloisonnement du marché mais pas de nourrir le « contentieux subjectif ».

Cela apparaît par exemple au regard des sanctions qui sont essentiellement la nullité et des amendes permettant uniquement de rétablir l'ordre public économique.

68 CJCE, arrêt du 25 novembre 1971, Béquelin, 22/71 Rec. 549.

69 CJCE, arrêt du 6 février 1973, Brasserie de Haecht, 48/72, Rec.77.

70 CJCE, arrêt du 13 février 1979. Hoffmann-La Roche & Co. AG contre Commission des Communautés européennes.

71 en ce que le préjudice causé s'apprécie de manière objective et non subjective, c'est-à-dire au regard d'un acteur en particulier

28.

31

Harmonisation de la politique européenne de concurrence Le droit substantiel étudié ne
peut être efficient que s'il est appliqué de manière homogène.

En outre, les directives successives et règlements (notamment le règlement n°1/2003 sur la procédure) assurent une harmonie législative certaine, renforcée par les lignes directrices de la Commission qui servent de grille de lecture72 et sont utilisées tant par les juridictions européennes qu'internes. De plus, dans tous ces textes, le droit européen est fondé sur des définitions propres, des notions « autonomes » qui sont souvent différentes que celles des droits nationaux, la définition donnée soit par les textes ou lignes directrices ou par le juge européen permet une homogénéité d'interprétation ; sans oublier que la plupart des dispositions sont d'effet direct. Cette interprétation uniforme est surtout permise par les questions préjudicielles, où une juridiction nationale interroge la Cour de justice de l'Union européenne sur le droit de l'Union européenne. Qui plus est, celle-ci est aussi assurée par le Réseau européen de la concurrence (REC), structure informelle, facilitant la coordination entre les autorités chargées de la concurrence. Au demeurant, ce réseau est aussi essentiel en tant qu'outil permettant une certaine homogénéité dans l'application du droit de la concurrence européen par chaque Etat membre.

Cette harmonisation permet une sécurité juridique. En outre, l'étude de l'analyse économique de cette norme (hard ou soft law) entre dans la nécessaire gestion par l'acteur soumis à celle-ci (l'entreprise essentiellement) du cadre analytique et de la grille de lecture à prendre en compte, au delà même d'une opportunité, il s'agit d'une nécessité. Dès lors, la stratégie ne pouvant se déployer vis-à-vis de ces institutions, au-delà d'une « stratégie de rupture », que par une communication dans la même langue, le même dialecte et la règle doit mutatis mutandis suivre une logique compréhensive, pour les sujets de droit, sur un marché unique.

29. Rapport entre les articles 101 et 102 TFUE et le private enforcement. Malgré ces textes
normatifs (articles 101 et 102 TFUE) prévoyant des normes concurrentielles, apparaît le constat qu'avant la directive n°2014/104 aucun texte européen n'avait prévu des modalités techniques de possibles actions collectives pour violation desdits textes. Pire encore, aucun texte ne prévoyait les modalités du private enforcement, c'est-à-dire qu'aucun texte européen ne donnait un droit à agir au consommateur lésé du fait d'une entente ou d'un abus de position dominante. Il y avait donc un vide juridique sidéral dans l'efficience même du droit antitrust européen.

Ainsi, le préjudice des entreprises victimes et des consommateurs était laissé au seul droit interne des Etats membres de l'Union européenne. Mais comment expliquer cette incapacité à légiférer sur ce point crucial ? Ce néant juridique pouvait s'expliquer en particulier par la volonté d'établir en priorité l'efficience du marché unique par le public enforcement et les quatre piliers : libre circulation des biens, libre circulation des capitaux, libre circulation des services, libre circulation des personnes (ceci au détriment du private enforcement dont l'application est délocalisée dans les ANC).

72 comme précisé par le Conseil Constitutionnel français (Décision n° 00-D-82 du 26 février 2001) : « règlement précité, sans être applicable à une affaire dans laquelle seul le droit national a été invoqué, peut constituer un guide d'analyse utile ».

32

Face à ce constat et à l'inaction du législateur européen, le juge intervient donc pour développer le contentieux subjectif . Pour cela, le juge communautaire a fait preuve d'ingéniosité pour combler

73

le vide juridique et a créé de manière prétorienne des droits subjectifs aux particuliers, victime d'une violation de l'ordre public économique.

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand