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La mise en scène de la sexualité dans les spots publicitaires alimentaires. Du côté de la réception.

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par Perrine Villien
Université Jean Monnet de Saint-Etienne - Licence 2014
  

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B) Toujours plus se démarquer entre conformisme et innovation

D'après le code du CCI, la publicité doit se conformer aux lois, tout en répondant aux enjeux, aux attentes de la société qui ne cessent d'évoluer. En effet, comme nous l'avons précédemment souligné, la publicité se soucie des grandes problématiques de chaque époque : dans les années 1970, les ménages s'équipent, la publicité vend les mérites des lave-linges, des aspirateurs... en 1995, le SIDA est une cause importante dont s'est emparée la publicité. Aujourd'hui nous pouvons citer l'écologie, le développement durable comme l'une des grandes préoccupations gouvernementales. Il n'est pas étonnant que la publicité oriente ses messages vers une politique qui prône le vert : de l'isolation des maisons (portes, fenêtres) aux lingettes, papier toilette, sopalin qui respectent l'environnement, en passant par les voitures de moins en moins polluantes, en phase avec la nature, etc...

Les moeurs de la société évoluant au fil des années, les codes déontologiques de la publicité devraient également évoluer, mais est-ce vraiment le cas ? De même, la publicité respecte-t-elle bien ces codes dans la mesure où elle cherche toujours plus à innover pour se démarquer de la multitude de spots qui remplissent notre quotidien ?

Rassurer des populations via une publicité conformiste de valeurs

A l'heure d'une société individualiste, où les médias nous ressassent toujours plus les conflits dans le monde, les problèmes environnementaux (écologie, phénomènes naturels tels les raz de marées, les vents violents, la pollution, etc...) et bien d'autres facettes négatives du monde, et par-là même de la France (chômage, crise économique, baisse du pouvoir d'achat...), un sentiment d'insécurité et de doute, quant à l'avenir du pays, pèse sur les consciences des individus.

Le monde occidental revendique une société plus tolérante, plus harmonieuse, plus équitable. La publicité a donc un rôle à jouer en termes de conformisme de valeurs. Les individus se situent dans une demande collective de protection, de sécurité, de prévention, qui se conjugue avec une demande individuelle en termes de libertés. Ces mêmes individus, spectateurs de la publicité, sont donc dans la demande d'un idéal de vie en harmonie avec l'environnement des hommes comme avec celui de la nature, souhaitant également plus de tolérance dans la sphère privée. Tout l'enjeu de la publicité va être de répondre à ces attentes, de se conformer aux valeurs véhiculées par la société ; valeurs de préservation et de protection notamment exprimées chez les jeunes.

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La mise en scène de la sexualité dans les spots publicitaires alimentaires : du côté de la réception - Villien Perrine

Alors que la publicité des années 1970 signait une libération de la société, avec une importance donnée à la jeunesse, les publicités actuelles vont se soucier des préoccupations du moment et redonner de l'importance à la famille, qui n'est plus considérée comme un lieu de haute lutte (mai 1968), mais un lieu rassurant et déstressant. De nombreuses publicités se basent sur la connivence qui peut exister entre les différents membres d'une famille comme par exemple le spot de 2013 vendant des pilules Vitalfan (antichute de cheveux). Le petit film met en scène un père et son fils, dont la complicité est indiscutable. Difficile d'imaginer, avant même d'avoir atteint la fin du spot, qu'il s'agit d'une publicité pour un tel produit.

Captures d'écran VITALFAN - Père et fils - 2013 - Youtube

Mais la famille illustre également les possibles tensions entre les différents membres qui la composent. Le produit ou la marque vendus vient apaiser l'individualisme de chacun et reste un prétexte de retrouvailles. Le message est explicite quant aux intentions de la marque. Prenons le cas de KFC, publicité de 2011 qui prône les atouts des Dips Bucket. Le spot met en scène un couple et ses deux enfants se retrouvant pour les fêtes de fin d'année autour des fameuses nuggets de poulet. Le message est clair : « KFC enfin une occasion de tous se retrouver ! »

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Captures d'écran KFC - Tout le monde s'y retrouve de Reynald Gresset - 2011 - www.culturepub.fr

Si la famille fait partie des valeurs conformes à la société, la recherche du bonheur en permanence en est également une. La publicité nous vend du rêve, un idéal dans lequel chaque individu serait heureux et trouverait son compte. Des belles images, des couleurs, du design, du modernisme, des comédiens qui gardent le « smile » en toute circonstance, et pour vendre n'importe quel produit comme du sucre Daddy par exemple.

Captures d'écran DADDY - Le clip de MonayMakers - 2013 - www.culturepub.fr

Un scénario simple, une musique qui se retient. Mais, comme nous l'avons dit, les grandes problématiques de la société concernent également l'environnement. Plus nous évoluons dans le temps et plus le souci de l'écologie s'inscrit dans nos imaginaires collectifs. On peut retenir la publicité de Total qui se préoccupe de ses clients tout en s'inquiétant du respect de l'environnement. Elle propose des énergies vertes et propose un slogan très significatif de ses engagements : « Pour vous notre énergie est inépuisable. »

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Captures d'écran TOTAL - Anything for you - 2006 - YouTube

La conception d'une publicité reste donc en adéquation avec les valeurs de son temps, c'est en cela qu'elle est conformiste, mais également dans la mesure où elle ne vient pas bousculer les codes déontologiques qui refusent toute réduction de la personne humaine, tout sexisme, tout traitement superficiel des corps, etc...

Cependant, pour faire émerger des idées, il est nécessaire de se démarquer de ces valeurs, de sortir des carcans standardisés que les codes ont institutionnalisés. Innover nécessite-t-il forcément d'employer des discours anticonformistes ?

La part belle laissée à l'innovation, à la créativité.

La créativité dans la publicité est une démarche rationnelle. Pour le publicitaire, il est nécessaire de créer avant tout, pour le spectacle des consommateurs. Effectivement, le spot publicitaire est la première représentation du produit devant le public. Il s'agit donc, pour sortir du lot, de traiter de manière originale des problématiques de tout ordre. Ainsi, il semble bon de rappeler que ce que nous sommes amenés à opposer, reste, en fin de compte, de

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fausses oppositions. Originalité n'est pas le contraire de conformité, ni continuité celui de rupture.

De nombreuses pubs innovent, tout en restant conformes aux valeurs de notre époque. La publicité tend vers de nouvelles responsabilités sociales. L'innovation n'est donc pas le contraire du conformisme ; ces deux termes se complètent, se combinent pour aboutir à un spot original en adéquation avec son époque.

Cependant, l'anticonformisme résiderait davantage dans le non-respect des codes déontologiques de la publicité, fixés par le CCI. Cette entrave à la morale se traduirait par une volonté de toujours plus repousser les limites du politiquement correct, que certains publicitaires définissent comme innovation. Pour se démarquer, le publicitaire mise sur des thèmes chocs, des thèmes susceptibles de retenir l'attention du spectateur, quitte à le choquer. Le principal thème auquel a recours la publicité est, de loin, la sexualité. La provocation devient un moyen de frapper le téléspectateur, pour éventuellement pousser le consommateur à acheter. Mais les règles adoptées par la publicité font actes de polémiques. En effet, dans un colloque consacré à l'autodiscipline publicitaire, en juin 2003, Philippe Bernard, un publicitaire, n'hésitait pas à dire :

« La publicité est une arme légale dont dispose les annonceurs pour faire triompher leurs marques et leurs produits [...] comment voulez-vous être reconnus si vous êtes comme les autres, comment voulez-vous que l'on se souvienne de vous si vous ne tenez pas un discours différent, souvent à contrepied et donc choquant [...]. Oui, la publicité se doit de transgresser et affirmer la supériorité d'une marque ou d'un produit, ou d'une entreprise ou même d'un pays, cela ne se fait pas que sur des critères objectifs [...]. Surprendre, choquer, le devoir de provocation fait partie intégrante de notre métier de publicitaire. »20

Le représentant de la Fédération mondiale des annonceurs, Bernard Adriaensens, n'hésitera pas à lui répondre, dans ce même colloque :

« Conscients des limites naturelles de la liberté, des hommes ont décidé qu'ils devaient s'imposer des règles, qui peuvent être qualifiées d'éthique ou de bonne pratique [...] Lorsqu'il s'agit de communication commerciale, un des outils majeur du marketing, les règles d'autodiscipline deviennent des instruments de fidélisation de la clientèle. En effet,

20 Bureau de Vérification de la Publicité. Publicité et autodiscipline en Europe : « Le besoin d'autodiscipline ». Paris - Colloque du 23 juin 2003

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pour conserver sa clientèle, l'entreprise doit la respecter. Cela signifie ne pas la heurter, ne pas la choquer ou la mettre mal à l'aise. »21

Frapper ne signifie pas heurter... la question qu'engendre ces controverses, reste, de savoir jusqu'où l'on peut repousser les limites de l'inventivité, de l'imagination. Ne s'agit-il pas de séduire, de cajoler, d'amadouer un spectateur, un consommateur soumis aux messages publicitaires ? Alors pourquoi aller toujours plus loin dans la provocation, pourquoi se laisser aller à la tentation de provoquer ?

Innovation ou transgression des codes

La transgression des codes peut se faire de plusieurs façons.

Par le langage publicitaire. Il correspond au slogan du spot, au discours publicitaire qui, la plupart du temps, relève de l'hyperbole. Il faut marquer le téléspectateur. Il faut que celui-ci retienne facilement le slogan. Et pour que l'effet escompté aboutisse, le publicitaire est prêt à jouer avec les mots, quitte à ne pas respecter le sens premier. La logique normée de la syntaxe - que l'on a acquise via l'éducation, la culture ambiante et qui guide nos actes langagiers - cette logique normée est déconstruite par le message publicitaire. Ironie, jeux de mots, la publicité n'hésite pas à faire du langage un jeu de société qui vient inconsciemment troubler nos repères et permet de s'inscrire plus facilement dans notre conscience.

Par l'exploitation du désir. La publicité cherche à attiser le désir du téléspectateur. Le désir est donc le garant du succès de la publicité en termes de mémorisation. Le publicitaire va, sans modération, fouiller dans l'inconscience des consommateurs pour réveiller leurs désirs, leurs pulsions même, leur côté animal, ce qui va leur permettre de porter davantage attention au spot et par transfert au produit. Pour cela, la publicité ne va pas hésiter à exploiter les tabous de la société, les fantasmes de chacun, refoulés par la culture et la société. D'ailleurs un planeur stratégique n'hésitera pas à affirmer :

« La transgression doit être utilisée pour transformer, tordre la réalité mais aussi pour
défouler ses pulsions profondes, assouvir ses fantasmes cachés, parce que le consommateur,

21 Bureau de Vérification de la Publicité. Publicité et autodiscipline en Europe : « Le besoin d'autodiscipline ». Paris - Colloque du 23 juin 2003

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quel que soit son âge, ne croit plus au monde idéal, encore moins aux êtres parfaits, et que nous avons tous des envies de vengeance de meurtre ou de vices cachés. 22

Par conséquent, il n'est pas étonnant de s'apercevoir que de nombreuses publicités mettent en scène la sexualité, ou d'autres tabous pour susciter une appétence chez le consommateur. Les corps se dénudent progressivement notamment avec le développement du porno-chic dès les années 1990, mais déjà en septembre 1981 avec la fameuse campagne publicitaire de « Myriam », pour Avenir. Une publicité qui marque la postmodernité, mais aussi l'aspect non mensonger de la publicité.

Affiche Myriam, pour l'annonceur Avenir - 1981 par le photographe Jean-François Jonvelle

Cette publicité reste toutefois assez soft. La mise en scène de la sexualité, et par conséquent de la femme comme objet de désir, est présente dès les années 1970. En 1976, la pub Perrier, qui sera censurée dès les premières diffusions du spot, suggérait très clairement l'acte sexuel. Le corps féminin est réduit à une main sexy et manucurée, caressant une bouteille, bouteille qui représente le sexe masculin par excellence.23 Un spot suggestif qui à l'époque choquait, et qui encore aujourd'hui parvient à en choquer certains. Si la pub a été supprimée, elle est ressortie en 2009 et elle a, une fois de plus, fait objet de polémiques, sans toutefois être censurée.

22 TEYSSIER Jean-Pierre. Frapper sans heurter : quelle éthique pour la publicité. Paris : Armand Colin, 2004. 330 p.

23 Annexe analyse pub Perrier.

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La mise en scène de la sexualité dans les spots publicitaires alimentaires : du côté de la réception - Villien Perrine

Captures d'écran PERRIER - La bouteille phallique - 1976 - www.culturepub.fr

Les publicitaires s'emparent donc de la sexualité et n'hésitent pas à jouer avec, dans le simple but de vendre presque tout et n'importe quoi. Une utilisation à outrance, mettant en scène des corps féminins parfois réduits à un simple objet de désir.

La frontière entre sensualité et vulgarité est donc assez mince. Nous pourrions même dire qu'elle ne tient qu'à un bout de tissu, dans la mesure où les limites de la nudité sont toujours un peu plus repoussées dans certaines publicités et ce, dès les années 1970. Anticonformisme, innovation, volonté de se démarquer, la vision du corps suscite toujours plus de désir qu'une publicité sans connotation sexuelle. Le publicitaire se devrait donc de ne pas tomber dans la chosification, dans la déshumanisation du corps, mais sa volonté de se distinguer face à la concurrence passe bien évidemment par la sexualité. Il s'agit pour lui d'attirer le regard du consommateur, même si le produit et le sexe n'ont aucun lien effectif. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, l'innovation par la transgression des codes déontologiques, la volonté de mettre en avant les parties charnelles du corps féminin (fesses, seins, bouche ...) ne traduirait-elle pas un manque de créativité de la part des publicitaires ? Un manque de créativité qui amènerait à une mise en scène presque gratuite de la sexualité ? Comment déjouer les tabous, comment marquer le consommateur sans le froisser ?

Mais, toutes ces questions n'amènent-elles pas à se demander en quoi la publicité choque le téléspectateur ? Face à une publicité suggestive, n'est-ce pas le téléspectateur qui juge par lui-même, suivant sa propre culture, le second degré de la publicité ? Si le publicitaire a certes une idée derrière la tête, n'est-ce pas finalement le consommateur qui remet en cause, qui juge le respect des codes déontologiques de ce qu'il voit ? Le publicitaire est-il donc le seul responsable de la transgression des codes ? Et le téléspectateur ne joue-t-il pas un rôle ?

La mise en scène de la sexualité dans les spots publicitaires alimentaires : du côté de la réception - Villien Perrine

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« Que serait le monde s'il n'y avait pas de pub, mais que serait le monde s'il n'y avait pas de femmes ?

La publicité, c'est la séduction »

(Jacques SEGUELA)

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand