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La mise en scène de la sexualité dans les spots publicitaires alimentaires. Du côté de la réception.

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par Perrine Villien
Université Jean Monnet de Saint-Etienne - Licence 2014
  

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PARTIE II

LA RECEPTION, TEMOIN DE L'EFFICACITE DU SPOT

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La mise en scène de la sexualité dans les spots publicitaires alimentaires : du côté de la réception - Villien Perrine

Chapitre 3 : Sexe et aliment, un mariage de longue date

La sexualité a massivement investi les spots publicitaires. Qu'il s'agisse de parfums, de voitures, de vêtements, etc., les publicitaires misent sur la sexualité comme facteur de désir, susceptible d'attirer l'attention d'un plus large public. En effet, la quasi-totalité des marques ou des produits ont la capacité d'avoir recours à ce registre de communication, dans la mesure où les émotions liées à la sensualité revêtent un caractère universel. Les publicités alimentaires ne sont pas en reste et c'est sur ce type de produit que mon étude sur la réception de la sexualité a porté.

Huit personnes (deux genres, deux générations) ont été confrontées à un corpus de cinq vidéos, cinq publicités alimentaires françaises, dont le degré de sexualité est plus ou moins important. L'étude de leurs réactions et de leurs perceptions de la sexualité, dans ces pubs d'une part, mais dans les publicités en général d'autre part, m'a permis de dégager des différences intergénérationnelles, supposées avant même d'avoir mené l'enquête. Les entretiens ont également mis en valeur d'autres points de convergence : des différenciations de la perception de la sexualité en termes de genre.

Mais, avant de s'intéresser à ces observations, que je développerai dans le chapitre suivant, commençons par étudier le rapport entre le sexe et l'aliment. Ces deux grandes sphères sont étroitement liées. Zafizara Moana l'explique parfaitement dans un article intitulé « désir et sexualité dans les publicités d'aliments » :

« Le lien entre aliment et sexualité est évoqué dans plusieurs symboles et représentations de notre société. Du mythe du péché originel aux désignations des attributs sexuels par des noms de fruits et de légumes en passant par quelques formules évoquant les deux notions (« je vais te manger », « j'ai envie de toi »), sexualité et alimentation semblent être deux parfaites âmes soeurs. Il semble alors naturel que la publicité mette en scène ce lien pour la vente de ses produits. »24

Dès les années 1970, le sexe permet de vendre n'importe quel produit alimentaire : du chocolat, des pâtes, du fromage... ou encore de la crème. De la crème oui ! Prenons par exemple la fameuse affiche de la crème Babette. La campagne publicitaire met en scène un

24 MOANA Zafizara. « Désir et sexualité dans les publicités d'aliments » in La Revue Ganymède. 2011

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corps de femme jeune et plutôt attirant, sans tête, avec un tablier. Le caractère stéréotypé, voire sexiste, est ainsi accentué. Mais, outre mesure, le visuel n'interpelle pas plus le consommateur. Le message publicitaire qui accompagne l'affiche est plutôt bien trouvé et assez humoristique. Diffusée entre le 12 et le 19 avril 2000, cette campagne a été testée au préalable, auprès d'un échantillon de femmes qui n'ont pas vu, dans cette mise en scène, le caractère sexiste que pouvait avoir l'affiche. Par ailleurs, Candia a vu une progression de ses ventes de 35,9% en un an, qui n'aurait peut-être pas eu lieu avec une communication plus classique.25

Toutefois, si l'on se penche plus attentivement sur le message de la publicité et que l'on ne s'en tient pas uniquement au sens littéral du slogan, on s'aperçoit de la polyphonie du message. La femme, au sens premier, nous informe des avantages de sa crème et de ce qu'elle peut faire avec. Mais, plus ingénieux que ça, le message peut également être, en arrière-plan, celui d'un homme nous vantant les mérites de Babette, qui, par transposition, se trouve être la femme du visuel, la cuisinière sans tête. Le trouble s'installe, cette deuxième interprétation présenterait la femme comme un objet purement sexuel. Les gendarmes de la publicité s'emparent de ce nouvel argument publicitaire assez provocateur, ce à quoi l'agence rétorquera :

« C'est vous qui avez l'esprit mal tourné ! Je ne suis responsable que du sens littéral que j'ai donné à ce texte. Toute autre interprétation est subjective et incombe à celui qui lui donne un

autre sens.» 26

Campagne Babette crée par l'agence d'Arcy, de 2000 puis de 2001

25 TEYSSIER Jean-Pierre. Frapper sans heurter : quelle éthique pour la publicité. Paris : Armand Colin, 2004. 330 p.

26 Ibid.25

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Le spectateur aurait donc sa part de responsabilité, mais, le publicitaire n'est pas dupe, c'est une personne humaine comme tout le monde, et le second degré est son arme pour faire passer des messages à caractère sexuel, communiquant avec notre subconscient. La deuxième vague de la campagne publicitaire en juin 2001 avec un slogan encore plus explicite « Babette, j'en fais ce que je veux », en est l'illustration même.

Et pour le plaisir de la crème Babette ...

Autres visuels de la campagne de la crème Babette

A) La sexualité : un facteur de stimulation de l'émotion

Comme nous l'avons précédemment expliqué, les concepteurs rédacteurs ont recours à la sexualité pour se faire remarquer, à l'heure où le contexte publicitaire est largement encombré. Par ailleurs, le secteur de la publicité n'est pas le seul à employer la mise en scène de la sexualité.

Effectivement, la télévision en est l'exemple par excellence. Les clips musicaux mettant en scène des femmes, pour ne pas dire des aguicheuses en bikini ou en porte- jarretelle, se trémoussant sur la plage ou s'extasiant, seules, dans des draps de soie, envahissent de plus en plus le petit écran. Nous pouvons également citer les nombreux spots, tout aussi brefs qu'explicites dans la marchandisation du corps, telles que les invitations aux téléspectateurs à composer des numéros pour savoir si telle ou telle personne les aime en secret, ou encore, les trompe.

La téléréalité participe également à cette sexualisation croissante des programmes. Des émissions comme l'île de la tentation, les marseillais à Miami, l'amour est aveugle, etc., mettent en scène des jeunes plus ou moins matures, mais surtout leur sexualité, et les rivalités qui peuvent en découler, rivalités entre différentes personnes du même sexe pour le sexe opposé. L'intitulé même de l'émission, « l'île de la tentation », est très significatif. Le concept : mettre à l'épreuve des protagonistes vis-à-vis de la tentation sexuelle. Si les

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émissions font de l'audience, c'est qu'elles marchent. Les publics en seraient donc satisfaits au point d'en redemander ? Mais, revenons-en à la publicité...

Dans ces petits films, la sexualité reste un facteur de stimulation d'émotions fortes. Même si l'alimentation et la sexualité ont un faible degré de congruence, il n'est pas étonnant que les publicités alimentaires usent de connotations sexuelles pour séduire leur cible. La capacité d'un aliment - qu'il s'agisse de glace, de café, de bonbons, de boissons ou autres - à susciter des émotions fortes, est plus importante qu'une marque de vêtements ou qu'une voiture... et quand bien même... Les publicitaires croient en l'efficacité de telles mises en scène, outil d'attraction du regard des consommateurs. Alors, quel mécanisme s'opère ? Qu'en est-il réellement du spectateur ? Son comportement est-il différent face à un spot alimentaire à connotations sexuelles, que face à une publicité lambda ? Le degré d'influence est-il le même ?

L'érotisation de la publicité réveille les fantasmes

La mise en scène de la sexualité attire le regard des téléspectateurs et provoque en eux des émotions positives, dans la mesure où elle « chatouille » leur désir, leur passion, voire leur pulsion. Attirer le regard, il s'agit bien là du but premier du publicitaire lorsqu'il s'attèle à la création de son spot.

Le spot publicitaire joue ainsi un rôle de médiateur entre le second degré de sa création et le consommateur. La publicité permet, via un processus précis, la purgation des passions du consommateur, à des degrés variables, bien entendu, mais cette variation dépend du vécu et de la culture individuelle de chacun. La plupart du temps, le consommateur, par un jeu de suggestion, identification projection, cherche inconsciemment à assouvir en quelque sorte ses passions. Prenons un exemple concret : la pub des glaces Extrême, qui fait partie de notre corpus27. La publicité met en scène deux jeunes femmes en petites culottes dans une pièce humide. L'une, bien coiffée, les lèvres pulpeuses, déguste un cornet de la marque, en narguant sa copine qui en est privée et tente par tous les moyens (jusqu'à la violence) de pouvoir, elle aussi, bénéficier de ce plaisir. Ce n'est qu'à la fin que son plaisir sera comblé, via l'aliment, d'une part, et via la sexualité, d'autre part.

27 Analyse en annexe

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Si le spot ne met pas en scène de corps nus, ni de sexe à proprement parler, il montre simplement deux femmes, dont la nudité totale ne tient qu'à leur culotte et leur débardeur. Elles se battent un cône de glace qui serait la représentation du sexe masculin par excellence.

Captures d'écran EXTREME : La salope gourmande - 1998 - www.culturepub.fr

Cette publicité présente donc une situation « normale » à première vue, autrement dit, un scénario dans lequel deux filles sexy se disputeraient une glace. Pourtant, sur les huit personnes interrogées, si deux seraient plus réticentes, les six autres y voient très clairement une mise en scène de la sexualité. Un mécanisme s'opère donc dans l'esprit du spectateur. Alors que le spot vend des glaces, le contexte de sexualité dans lequel il les vend, vient mettre à l'épreuve les désirs inconscients du spectateur. En effet, ce dernier, face au film, est attiré par les filles plutôt jolies, mais également et surtout, par la manière dont la rousse lèche, puis croque sa glace, premier plan du spot, d'ailleurs. Il y a donc bien une volonté de faire ressortir le degré de sexualité de la publicité. Les gros plans sur les lèvres pulpeuses de la jeune fille - s'alternant avec l'excitation grandissante de l'autre, enragée de ne pouvoir assouvir sa gourmandise - suggèrent le plaisir sexuel chez le téléspectateur. La suggestion de la représentation du pénis par le cône, émise par le publicitaire, est identifiée par le potentiel consommateur. Celui-ci va presque inévitablement interpréter la glace comme la représentation du sexe masculin, avant de fantasmer sur la situation, se projetant dans cet

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univers où transpire la chaleur des corps féminins. Le processus de captation se résumerait comme tel :

- Publicité suggestive

- Objet symbolisant le sexe masculin (ou féminin dans d'autres publicités)

- Identification de la représentation et interprétation du téléspectateur

- Projection, fantasme

La publicité sollicite les imaginaires des publics afin de les convaincre d'acheter le produit vendu, de les pousser à la consommation, par la mise en scène de la sexualité, la transgression des codes déontologiques et la mise en avant des tabous. Ces éléments engendrent, chez le téléspectateur, une certaine excitation propice à le projeter dans le scénario s'offrant à lui.

En ayant l'impression de se reconnaître sur le poste, ou en s'imaginant dans la situation montrée, le consommateur est à même de purger ses pulsions, ses passions, d'assouvir ne serait-ce que quelques secondes ses désirs et ses fantasmes les plus fous, comme le définit la catharsis.

Mais, ne soyons pas si catégoriques ; l'interprétation qu'une personne donne aux images publicitaires varie en fonction de sa sensibilité. Or, chacun à sa propre sensibilité, qui varie suivant l'éducation, la culture, le pays d'origine et bien d'autres facteurs. Il n'est donc pas étonnant que certains puissent être choqués par un scénario qu'ils jugeraient trop sexuel, tandis que d'autres, au contraire, le considéreraient comme très sensuel. Cependant, le jeu sur les fantasmes et les tabous cherche plus à créer une ambiance qu'à montrer des corps dénudés.

Deux types de mise en scène

Si le sexe est constamment sollicité pour la création d'un spot, la publicité offre cependant à ses spectateurs, différentes façons de l'afficher.

La première manière de figurer la sexualité dans la publicité, est dite « indirecte ». La volonté de montrer, est certes dans les objectifs du publicitaire, mais le professionnel ne manque pas de créativité et joue de malice et de réflexion pour présenter une publicité assez soft, plus sensuelle que sexuelle. Cette forme de publicité axe son scénario sur quelque chose de plus noble, de plus voluptueux. L'émotion qu'elle va susciter sera plus de l'ordre de la curiosité, de l'attirance visuelle, de la sympathie pour les acteurs, du gentillet, sans pour

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autant tomber dans le ridicule et le niais. C'est par exemple, le cas de la publicité Perrier, publicité sélectionnée pour mon corpus.

Captures d'écran PERRIER - La bouteille phallique - 1976 - www.culturepub.fr

La publicité est très suggestive. Dès le début, nous savons que les caresses de cette main sexy vont avoir des effets visibles sur la bouteille dont elle s'occupe. La masturbation du sexe masculin jusqu'à l'éjaculation est claire. Toutefois, la musique (un opéra), l'ambiance (une atmosphère chaleureuse, cosy, propice à une soirée en amoureux), la délicatesse et la beauté de cette main ne nous choquent pas. La mise en scène de la sexualité est pourtant remarquable dès lors que la main s'avance vers la bouteille. Le scénario est épuré, mais bien pensé et, il vient titiller l'imagination du spectateur qui n'hésitera pas à identifier l'acte sexuel et à fantasmer peut-être, suivant sa sensibilité et sa capacité à prendre du recul par rapport à la publicité.

Il en est de même pour la pub du fromage Caprice des Dieux. Patrice Leconte - réalisateur de la saga des publicités pour ce fromage, publicités mettant en scène une femme qui vient demander à l'homme, sur le ton de la tentation de faire un caprice - a misé, lui aussi sur un scénario soft, mais, dont on perçoit facilement la tentation du plaisir. La mise en scène de la sexualité est moins brute, plus respectueuse dans le visuel. Toutefois, elle peut paraître machiste, du fait que la femme vienne draguer un homme assez charmant, un « play-boy » des sports d'hiver en quelque sorte, qui le met en avant et lui permet d'imposer sa domination sur les autres et sur la femme qui l'aguiche.28 La sexualité se retrouve donc dans l'ambiance, dans les mimiques, dans les voix, les propositions alléchantes, les yeux lubriques, la dégustation, la délectation, l'isolement dans la cabine, l'intimité, etc.

28 Entretien Eric Barriol - cf annexe

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Captures d'écran CAPRICE DES DIEUX - Le téléphérique par Patrice Leconte - 1986 - www.culturepub.fr

La deuxième approche de la mise en scène de la sexualité dans les publicités est dite « directe ». Le scénario met d'une part en scène, des corps, dont varie le degré de nudité, d'autre part, des situations tombant dans l'exagération. Hyperboles et fortes connotations sexuelles ne sont pas en reste. Cette approche est à qualifier de sexuelle et tend à se rapprocher des codes de la pornographie, lorsqu'elles dépassent l'étroite frontière qui la sépare du porno. La sexualité semble alors être utilisée de manière gratuite et simpliste par les concepteurs rédacteurs, toujours convaincus que le sexe reste le moyen d'attirer l'attention, de captiver le regard, de susciter des émotions.

Pourtant, la pub Ketchup de 2001 (cf corpus) prouve le contraire. Une vapeur de dégoût flotte au-dessus de ce scénario. Rappelons brièvement les étapes du spot : l'homme subit une opération pour se faire rallonger un doigt. Sous le regard complice et envieux de sa femme, il plonge ce même doigt dans le pot de Ketchup pour en retirer les dernières gouttes restées au fond.

Le doigt symbolise l'élément phallique par excellence et le fait qu'il soit introduit dans la bouteille traduit bien l'acte sexuel. Un de mes interviewés le spécifie parfaitement :

« Y'a un truc que je trouve assez fou, c'est cette greffe d'un doigt plus long mais apparenté à autre chose de plus long, mais en même temps l'aspect pratique et puis bon pour aller jusqu'au fond du pot là, mais pas seulement, voilà... » 29

ou encore :

« Pourquoi pas imaginer que le doigt puisse remplacer un autre outil masculin parce que la femme a l'air tellement attiré par ce doigt magique, dans son regard, dans son expression on

29 Entretien Eric Barriol - cf annexe

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a l'impression qu'en fait, il s'est doté d'un nouveau vibromasseur qu'il peut porter avec lui et qu'elle peut utiliser »30

Captures d'écran KETCHUP - Le doigt par l'agence Léo Burnett - 2001 - www.culturepub.fr

Le second degré est clair. La mise en scène de la sexualité ne laisse pas place au doute. Mais, la manière dont est filmée la scène tend à dégouter davantage les femmes que les hommes. Les mimiques de répulsions se lisent sur leur visage au moment de visionner, pour la première fois, la publicité.

Ces mimiques et ces différences de réactions propres à chacun, traduisent clairement les différences de sensibilité existantes, face à un spot à caractère plus ou moins sexuel.

Par ailleurs, alors que les publicitaires cherchent à attirer le regard du consommateur par des scénarios toujours plus sexuels, comme nous l'avons précédemment expliqué, cette publicité, sur les cinq présentées, n'a retenu l'attention de personne, lorsque je leur ai demandé, l'interview terminé, laquelle ils avaient le plus mémorisée. La mise en scène de la sexualité attire-t-elle réellement le spectateur ? Comment expliquer les divergences de réactions ? Enfin, les connotations sexuelles sont-elles les seules responsables des différences de perception, des différences de réception du spot ?

30 Ibid.29

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La musique et les slogans, facteurs clés

Si la mise en scène de la sexualité dans les publicités alimentaires est un facteur essentiel pour attirer le regard des consommateurs, la musique et les slogans jouent également un rôle non négligeable. Avant de développer plus amplement sur ce point, soulignons que l'insertion d'un titre susceptible d'attirer le public, les auteurs-compositeurs-éditeurs gagnent une grande majorité de leur revenu via la télévision et notamment les spots publicitaires. En effet, le média est à l'origine de plus d'un quart des droits versés par la SACEM.31 Un exemple concret, dès les premières diffusions de la publicité coca-cola de 2007, le tube de DJ Bobo « chihuahua », utilisé dans la publicité a fait partie du top dix des meilleures ventes de musique.

Captures d'écran COCA COLA - Chihuahua - 2007 - YouTube

31 JOANNIS Henri et BARNIER Virginie de. De la stratégie Marketing à la Création Publicitaire (3ème édition).

Paris : Dunod, 2010. 471 p.

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La musique a donc une influence réciproque en termes de publicité. Elle permet de rendre le message encore plus efficace et donc d'avoir un plus fort impact sur les potentiels consommateurs de la marque, mais elle aide aussi à vendre de la musique, via la diffusion au grand public de la publicité.

La musique a donc une fonction supplémentaire qui, comme la mise en scène de la sexualité, a un impact sur le consommateur. Le publicitaire donne parfois une importance considérable à la bande son. C'est le cas des spots de Perrier, Extrême et Ketchup où l'absence de dialogue entre les protagonistes est relayée par la musique et donne un sens particulier à la publicité. Sa fonction est donc de remplir le vide que pourrait créer son manque et ainsi enrayer le malaise pouvant germer chez le téléspectateur se retrouvant face à un spot dénué, et de dialogue, et de musique. Elle vient donc susciter une émotion supplémentaire chez le prospect, qui bien entendu, dépend du registre auquel elle appartient. L'opéra utilisé pour Perrier accompagne parfaitement la douceur, que l'on peut percevoir dans cet univers cosy, comme dans la manière qu'a la main de caresser la bouteille. Cette musique « noble » est ainsi en accord avec la volupté du spot et vient renforcer l'érotisation de la publicité.

La bande son utilisée dans Ketchup est, elle aussi, en adéquation avec le spot. On distingue trois temps dans la pub : la première partie n'a pas de fond sonore. On se trouve dans la salle d'opération, l'opéré se fait débander la main et on découvre, en même temps que les quatre protagonistes, le résultat de l'opération. Le silence serait donc le moyen de mettre en exergue ce moment exceptionnel, d'attente, comme le roulement de tambour annonçant des numéros spéciaux et de grande tension, au cirque par exemple. La musique ne commence qu'à partir de la dix-huitième seconde, qui signe le début de la deuxième partie de la publicité, lorsque que l'homme est époustouflé par l'opération qui semble susciter en lui quelques jouissances précoces : l'impatience de l'inattendu. Enfin, la dernière partie amène la mise en scène de la sexualité. La mini-pause que l'on peut constater à la seconde trente du spot, accompagne l'insertion du doigt dans la bouteille. Ce marqueur musical est un élément clé pour connoter l'acte sexuel. La publicité mise sur une mélodie bien particulière, que l'on pourrait qualifier de circulaire. Elle illustre les cercles que fait le doigt rallongé de l'homme tournant au fond du pot pour récupérer le maximum de cette substance rouge dont il raffole.

En revanche, dans la pub du Caprice des Dieux, la musique garde une fonction de toile de fond, elle accompagne les voix de l'homme et de la femme tout en rythmant l'enchaînement des actions du spot. Sa fonction est aussi argumentaire, puisqu'elle vient affirmer la promesse faite par la publicité : « Caprice à deux, Caprice des Dieux, un fromage si doux, si tendre

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qu'on ne veut le partager qu'à deux ». Si la mise en scène de la sexualité n'est pas flagrante dans ce spot, contre un scénario plus sensuel, la musique argumentaire vient renforcer cette volonté de sensualité en faisant de l'intimité un élément clé, annoncé par les paroles de la bande son : « si doux, si tendre qu'on ne veut le partager qu'à deux. »

Si la musique représente un facteur d'attraction tout aussi important que la mise en scène de la sexualité, si la musique renforce parfois cette exposition de la sexualité ou sensualité, les slogans ne sont pas en reste. Leur rôle est essentiel et vient lui aussi intensifier les connotations sexuelles. Par exemple, la pub Perrier met en avant les vertus de la boisson gazeuse : dans un slogan signant la marque, et donc propice à la mémorisation, même involontaire de la part du consommateur. « Perrier c'est fou » donne à la boisson une valeur subliminale. Le slogan vient stimuler l'inconscient des consommateurs et par un jeu d'identification et de projection, les vertus de la boisson sont comparables à celle d'un rapport sexuel. Boire du Perrier permet d'atteindre l'orgasme. Il en est de même pour la pub des Céréales Lion, qui elle, en revanche, est épurée de toute musique. La voix off, qui vient donner la composition de l'aliment, en plein milieu du spot annonce les effets des Céréales. Elles seraient tellement bonnes que l'on en perdrait les mots pour les qualifier.

Captures d'écran CEREALES LION - Le plaisir sauvage par Mickaël Toft- 2013 - YouTube

Effectivement, le commentaire « ce mélange unique de chocolat et de caramel c'est trop mmmmmh .... » vient de l'incapacité à fournir un adjectif adéquat pour qualifier les céréales. Enfin, l'orgasme qu'atteint le personnage masculin, après avoir avalé une cuillère de son bol, s'apparente au plaisir sexuel. Notons, par ailleurs, que le début de la publicité (la main sur la cuisse et le murmure à l'oreille de la jeune femme, accompagnés des yeux coquins ou outrés

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des passagers alentours) suggère d'entrée la proposition de l'homme de faire l'amour à sa copine.

Qu'il s'agisse de musique ou de slogan, la mise en scène de la sexualité n'est pas la seule à avoir un impact conséquent sur le téléspectateur. Les publicités alimentaires ont certes recours à la sexualité pour vendre leur produit, mais pas seulement. La bande son et les slogans accrocheurs ont eux aussi leur rôle à jouer, et viennent, la plupart du temps, renforcer les connotations sexuelles. De nombreux facteurs sont donc réquisitionnés, mettant en éveil le maximum de sens des prospects : ouïe et vue notamment, avant de mobiliser leur capacité à imaginer et à se projeter dans la scène présentée sur le petit écran.

L'argument de vente des cinq publicités de mon corpus reste donc l'ébat sensuel, l'ébat amoureux, l'ébat sexuel. Le sexe et l'aliment s'allient dans les publicités. Toutes celles-ci stimulent les émotions des téléspectateurs, plus ou moins vivement, certes, mais ces émotions se traduisent-elle efficacement en termes d'achats ? Si l'aliment et la mise en scène de la sexualité sont propices aux émotions fortes, comment les émotions transitent du sexe à l'aliment, ou vice versa ? Quel plaisir induit l'autre, si transfert de plaisir il y a ? Enfin, les publicités alimentaires qui usent de ce registre suscitent-elles nécessairement la consommation ?

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault