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La mise en scène de la sexualité dans les spots publicitaires alimentaires. Du côté de la réception.

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par Perrine Villien
Université Jean Monnet de Saint-Etienne - Licence 2014
  

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B) Un transfert de plaisir... qui pousse à la consommation ?

Le désir alimentaire et le désir sexuel dans les publicités créent un cadre, une atmosphère. Le désir semble dirigé vers l'aliment dans notre corpus de publicités, mais il se sert des mêmes codes que le désir amoureux. Il y aurait donc un transfert entre le désir sexuel et le désir alimentaire. L'un serait en amont de l'autre et l'influerait, et vice versa ; mais qu'en est-il réellement ? Comment le potentiel consommateur le perçoit ? La consommation s'ensuit-elle automatiquement, ou du moins, le consommateur aura-t-il plus tendance à acheter le produit dans un contexte à connotations sexuelles, que dans un scénario dénué de toute référence sexuelle ?

Si le publicitaire joue avec les émotions des consommateurs, comme nous l'avons précédemment expliqué, la difficulté de saisir quel désir est en amont de l'autre semble difficile pour le téléspectateur. Les consommateurs, et j'avance ceci en fonction des enquêtes menées auprès de mon échantillon, les consommateurs donc, se disent en général plus

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La mise en scène de la sexualité dans les spots publicitaires alimentaires : du côté de la réception - Villien Perrine

influencés par une publicité à caractère sexuel que par une publicité ne présentant pas ce genre de connotation. Le plaisir alimentaire et le plaisir sexuel seraient-ils simultanés, indissociables... ? Il semble que tout dépend de la perception des consommateurs, mais également des différents types de publicité et de mises en scène de la sexualité.

Des femmes et des hommes « chauds » dans les publicités

Les publicités qui mettent en scène des corps plus ou moins « chauds », comme nous avons pu le voir dans le spot de Gini par exemple, utilisent l'ébat sexuel comme argument de vente. Dans la pub Gini, on nous fait croire que grâce à elle, nous pouvons faire l'amour à une femme toute la nuit sans que celle-ci ne se fatigue. La publicité Perrier de notre corpus montre elle aussi, par identification, un acte sexuel entre la femme et l'homme, jusqu'à la jouissance. La femme réduite à une main, l'homme représenté par une bouteille. Le désir alimentaire, ici la boisson pétillante vient rafraîchir la chaleur des corps encore moites. Le publicitaire mise également sur le fait qu'il s'agisse d'un plaisir sensuel et durable : la main caresse lentement la bouteille qui met du temps à se développer. La musique douce, classique, raffinée et assez lento qui accompagne les gestes favorise l'aspect durable du plaisir.

La représentation de femmes ou d'hommes « caliente » dans les publicités, met donc le plaisir alimentaire et le plaisir sexuel au même niveau : ils ont tous les deux la capacité de susciter l'orgasme chez qui les consomment. Il n'y a donc pas vraiment de distinction entre aliment et sexualité des protagonistes et, par conséquent, des consommateurs.

Toutefois, la pub Gini, qui pose la question « à quand remonte votre dernière Gini ? » et sous-entendu « à quand remonte votre dernier rapport sexuel ? » a tendance à mettre en amont du désir sexuel, la tentation alimentaire, dans la mesure où la boisson possède les facultés d'augmenter la libido des consommateurs. Dernier exemple, la publicité des Céréales Lion : le plaisir sexuel et le plaisir alimentaire semblent indissociables. Ils sont effectivement jumelés. Il s'agit de plaisir au sens large du terme, même si l'homme susurre quelque chose à l'oreille de sa femme que l'on imagine être une proposition « coquine » au vu des mimiques et de l'excitation croissante du jeune homme. Mais finalement, cette suggestion s'avère être tout autre chose : une envie soudaine de céréales.32

Les publicitaires jouent donc sur deux types d'appétit qu'ils mettent en corrélation, car tous les deux suscitent des émotions fortes. Ceci dit, l'existence d'un transfert de l'un à l'autre

32 Entretien Thibaut Ferraro - cf annexe

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n'est pas évidente pour le consommateur. L'alimentaire vers le sexuel, le sexuel vers l'alimentaire ? Trancher n'est pas aisé pour celui qui s'intéresse de près à la construction de la publicité et aux différentes influences qu'elle a sur le prospect.

Quand l'aliment domine le plaisir sexuel

Les publicitaires savent qu'ils doivent attirer le consommateur. Il faut donc jouer avec les images suggestives au caractère sexuel ou sensuel. Le transfert entre l'aliment et la sexualité ou vice versa, ne semble pas être une des plus grandes préoccupations du concepteur-rédacteur. En revanche, le paysage médiatique nous offre une majorité de publicités où la mise en scène de la sexualité, si elle motive le désir alimentaire, demeure finalement inférieure à celui-ci. Si l'on sort de notre corpus et que l'on s'attarde sur la pub du chocolat Yves Thuriès de 2001, nous sommes face à une femme et un homme, après des ébats sexuels. L'homme demande à la fille si elle est heureuse de ce rapport. Celle-ci répond « oui, mais ... ça ne vaut pas le chocolat Yves Thuriès. »

Captures d'écran YVES THURIES - Rocco Siffredi - 2001 - www.culturepub.fr

Le plaisir procuré par la tablette de chocolat entre donc en concurrence avec le plaisir éprouvé lors des ébats sexuels. Au grand dam de l'homme, dont l'égo se voit froissé, le chocolat gagne le round. La publicité prend ainsi le spectateur à contre-courant en montrant que l'aliment est plus irrésistible que le désir ou l'amour. Le désir sexuel est alors appréhendé comme un cadre, une atmosphère, un contexte qui permet l'intensification du plaisir alimentaire. Le désir alimentaire emprunte ainsi les mêmes codes que les ébats amoureux pour attirer le consommateur. Le désir sexuel de départ est propice au désir alimentaire et vice versa.

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Dans notre corpus, la pub des glaces Extrême, même si elle est dotée d'une certaine violence dans les faits et gestes de la fille aux cheveux noirs, attire l'oeil du consommateur, qu'il s'agisse d'une personne de 18/25 ou de 35/45 ans. Les interviews réalisées révèlent un engouement assez général, outre les deux jeunes étudiantes plus réticentes, pour cette pub. Si le spot ne montre pas d'ébats sexuels à proprement parler, la matérialisation du sexe masculin par le cône est assez évidente.

Captures d'écran EXTREME : La salope gourmande - 1998 - www.culturepub.fr

Les filles sont plutôt jolies, la musique de Marylin Manson s'inscrit dans notre esprit et dynamise l'enchaînement des actions et l'accumulation des détails. Dans ce film, on imagine l'appétit sexuel des deux filles qui se disputent une glace. La clé au bout du sein de la première vient mettre un terme à la violence de l'autre, qui enfin peut, elle aussi, avoir accès au plaisir alimentaire, comme au plaisir sexuel. Les interprétations sont nombreuses, mais la clé symbolise bien l'accès au paradis sur terre, à la jouissance procurée par la glace, et peut-être par la sexualité.

Enfin, la pub des Céréales Lion est, elle aussi, très représentative de la supériorité de l'aliment sur le sexe, dans la mesure où le jeune homme, outre la main sur la cuisse de sa copine au départ, finit dans un orgasme, suscité par les céréales. Si les ébats sexuels sont suggérés au départ, ils disparaissent rapidement, laissant la scène au produit vendu.

Captures d'écran CEREALES LION - Le plaisir sauvage par Mickaël Toft- 2013 - YouTube

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La publicité joue donc sur le rapport de supériorité entre la mise en scène de la sexualité, plus ou moins flagrante, et le plaisir éprouvé par la consommation de l'aliment. Mais, le concepteur-rédacteur joue également sur certains récits fondateurs de notre culture sociale : le mythe.

Le mythe du péché originel, la tentation

S'il n'y a pas réellement d'élément rappelant le fruit de la tentation de la Genèse, on retrouve pourtant des situations où la tentation est à son paroxysme. C'est par exemple le cas de la publicité Caprice des Dieux, toute aussi soft qu'elle puisse paraître. La publicité comme nous l'avons précédemment décrite, met en scène une femme dans une télécabine, au milieu d'un groupe de moniteurs. La première scène est une vue d'ensemble de l'intérieur de la cabine. La femme se démarque facilement des autres, tous vêtus d'une combinaison de ski. Ils pourraient se fondre au décor enneigé et ainsi, passer inaperçus. L'attention est alors davantage portée sur la femme qui s'avance à l'avant de la cabine, se dirigeant vers le seul singulier personnage masculin. En effet, son teint hâlé et ses vêtements colorés le mettent en exergue, en quelque sorte, face aux autres protagonistes masculins qui remplissent la cabine.

Captures d'écran CAPRICE DES DIEUX - Le téléphérique par Patrice Leconte - 1986 - www.culturepub.fr

La manière dont la femme propose à l'homme un caprice, renvoie au mythe du péché originel dans la mesure où elle tenterait l'homme dans sa proposition de fromage. Certes, ce n'est pas la femme qui mord dans le fruit défendu, comme le veut le mythe, mais le ton de la tentation qui s'entend dans sa voix nous ramène au mythe. De plus, ses yeux lubriques et l'air étonné de l'homme, pas contre la proposition, favorisent la référence. Il va se laisser tenter, sa décision est prise dès lors qu'il crie « Terminus », en éjectant tout le monde de la cabine, pour se retrouver en tête à tête avec la femme et partager son fromage.

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La tentation référençant le mythe peut également être perçue dans le spot des Céréales Lion dans la mesure où la femme serait l'entremetteuse entre son copain et le paquet de céréales auquel il semble faire l'amour. La fille aurait, elle aussi, le rôle de la tentatrice puisqu'elle tend le paquet de céréales à son copain qui finit par en jouir.

Le désir sexuel et le désir alimentaire sont donc systématiquement en relation dans les publicités alimentaires à connotations sexuelles, si l'un n'induit pas nécessairement l'autre, et si le désir alimentaire est majoritairement supérieur au désir sexuel, la tentation du plaisir qu'il soit alimentaire ou sexuel n'est pas en reste. Toutefois, si l'un des personnages atteint l'orgasme, la jouissance par l'aliment, l'autre acteur de la publicité en est exclu.

Un plaisir solitaire

Dans notre corpus, les cinq publicités présentent une mise en scène de la sexualité, les huit interviewés le confirment à l'unanimité, tout en faisant varier les degrés de cette exposition. Les cinq publicités présentent également des situations mettant en scène un duo de personnages, complices.

Dans la publicité Perrier, la main est la représentation, certes réductible mais représentation tout de même de la femme, et la présence de l'homme physiquement absent est matérialisée par la bouteille de Perrier. L'homme accède à l'orgasme, mais pas la femme, qui, elle demeure à l'origine de cet orgasme.

Dans la publicité Caprice des Dieux, le plaisir est partagé. Même si c'est la femme qui vient chercher l'homme, puis le drague et lui propose un caprice, qui rappelons-le a pour définition « une envie soudaine, irréfléchie et passagère », l'homme se laisse aller à la tentation. L'homme et la femme sont physiquement présents dans la scène contrairement à la pub de Perrier. Le fromage vient combler leur désir alimentaire. La femme assouvit ainsi ses envies subites et, l'homme répond en quelques sortes à ses pulsions animales, tenté par une femme.

Le spot de la glace Extrême met en scène deux jeunes femmes au physique sympa et attirant. Le cône vient pallier à l'absence physique de l'homme. Une seule des deux filles bénéficie du plaisir alimentaire (la rousse à la coupe au carré). Tout en profitant de son avantage, elle nargue l'autre protagoniste, prête à tout pour accéder au même plaisir. La clé résoudra la situation et les deux pourront consommer tant l'aliment que l'ébat sexuel, mais seulement à la fin.

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La publicité Ketchup, quant à elle met en scène un couple d'une quarantaine d'années, complices de la situation. L'homme subit une opération de la main pour se faire rallonger un doigt qui lui permettra d'accéder au fond de la bouteille. Dans cette publicité, la femme partage les transformations de son mari et semble excitée, dès lors qu'elle visualise le résultat de l'intervention. C'est également elle qui ouvre le frigo et tend la bouteille de Ketchup à son homme, pour que celui-ci y introduise son doigt. Jusqu'à la fin, elle restera privée du plaisir dont profite son mari. Plaisir alimentaire contextualisé dans une situation de sexualité, dans l'interprétation que l'on peut faire du doigt et de la bouteille au contenu rouge (cf. analyse corpus en annexe). La femme est donc, comme l'une des deux filles dans la pub de la glace, exclue du plaisir alimentaire. Et, comme dans la publicité Perrier, elle apparaît telle une femme dévouée à son mari qui se soucie de son « bonheur ».

Enfin, la publicité des Céréales Lion met en scène, elle aussi, un plaisir solitaire dans la mesure où seul le jeune homme a rendez-vous avec l'orgasme, sous l'oeil non étonné de sa copine. La position de la fille semble plus délicate que dans le spot de Ketchup ; la jeune femme pourrait être la mère de l'homme qui fait un caprice. Elle semble connaître par coeur son compagnon, comme une mère connaît son enfant. Elle ne prête pas plus attention aux envies subites de son mari, elle lui tend ses céréales comme une mère comblerait le caprice de son gamin.

Dans ces cinq pubs, un des personnages reste donc exclu du plaisir alimentaire. Cette personne motive le désir sexuel et permet à son rival d'accéder à la jouissance alimentaire essentiellement.

La mise en scène de la sexualité reste donc un moyen d'intensifier le plaisir alimentaire, en attirant l'attention du spectateur sur des ébats sexuels ou du moins la connotation de ces ébats par des représentations symboliques. Le contexte de sexualité s'avère au final être un prétexte à la mise en scène du produit et justifie l'orgasme que peut connaître les protagonistes vis-à-vis du produit. Se pose alors la question de la consommation. Est-ce qu'une publicité à connotation sexuelle a plus de chance ou non de faire acheter le potentiel consommateur ? La cible en est le témoin par excellence. Si la plupart des interviewés se dit plus attirée par un spot publicitaire à connotations sexuelles, tous ne vont pas forcément acheter le produit par la suite. Toutefois, les téléspectateurs restent conscients des intentions de la marque et

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raisonnent donc en termes de ces intentions. Si la consommation n'est pas spontanée, les images restent dans la tête des prospects et joueront peut-être leur rôle sous-jacent.33

De belles images et une mise en avant positive du produit par des représentations qui parlent ont bien plus de chances de pousser à la consommation qu'une publicité plus classique se noyant dans la masse de spots existants. Une publicité comme Céréales Lion qui parle au téléspectateur, avec des visuels plutôt colorés, connotant le désir dès le départ et attisant la curiosité, incitera plus à acheter que le spot de Ketchup moins drôle et d'autant plus ragoûtant quand on sait que le Ketchup est à la base un produit destiné en priorité aux enfants...34

Le sexe et l'aliment sont mariés depuis longtemps dans les spots publicitaires. Leur alliance est pertinente dans la mesure où les deux éléments ont les capacités de susciter des émotions fortes. Si les consommateurs sont davantage attirés par des illustrations mêlant ces deux grandes sphères, ils n'iront pas forcément acheter le produit, mais avouent majoritairement que ce genre de publicité a effectivement plus de chances de pousser à la consommation. Encore faut-il que la mise en scène de la sexualité ne soit pas gratuite, mais justifiée et bien amenée, avec une réflexion et une originalité dans son utilisation.

C'est sur ce dernier point que va se jouer l'efficacité du spot du point de vue de la réception. La représentation de la sensualité ou de la sexualité est essentielle pour attirer le regard et retenir l'attention du futur consommateur. Mais, la surexploitation de ce registre amène parfois à se demander si la mise en scène de la sexualité n'a pas été banalisée du fait de son implantation massive dans la publicité. Aujourd'hui, tout et n'importe quel produit est vendu via le sexe. Même non exposée concrètement, la symbolisation, la représentation d'objet rappelant le sexe masculin notamment est perçue par les consommateurs. Des émotions plus ou moins intenses (tout dépend de la sensibilité de chacun) apparaissent et par un jeu d'identification, de fantasme, les situations parlent et s'inscrivent dans la mémoire des téléspectateurs.

Cependant, les réactions des témoins de l'efficacité du message varient. Mon étude comparée sur deux générations de cible le reflète.

33 Entretien Thibaut Ferraro : en annexe

34 Entretien Isabelle Torre : en annexe

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon