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La protection du droit à la libre circulation des réfugiés dans la ville de Yaoundé au Cameroun: cas des centrafricainspar Oriane Murielle KENGNI MELI Université Catholique d’Afrique Centrale - Master en droit public option Droits de l’Homme et Action Humanitaire 2023 |
Paragraphe 2 : Obstacles liés aux intimidations de la population localeAccueillir des étrangers au sein de son territoire n'est pas toujours vue d'un bon oeil par ses populations locales. Au Cameroun, depuis l'an 2013, nous ne pouvons pas dire avec certitude que les réfugiés centrafricains qui y ont été accueillis officiellement se sont véritablement senti épanouis ; entre les accusations à tort ou à raison des populations locales et les mauvais traitements dont la plupart sont victimes. Au regard du contexte socio-politique et économique du pays, les réfugiés urbains font face à la discrimination et la stigmatisation des populations locales (A) et à une marginalisation comme nulle autre pareille (B). A. Discrimination et stigmatisation des réfugiés centrafricains par les populations de la ville de YaoundéBien que consacré par le préambule de la Loi constitutionnelle camerounaise et par les autres instruments textuels internationaux ratifiés et internes, le droit à non-discrimination est le droit le plus violé vis-à-vis de tous les autres droits au Cameroun. Entre les réfugiés et les nationaux il existe constamment un véritable climat de tension lié des fois aux rapports personnels qu'ils entretiennent entre eux ou aux différentes histoires attribuées à tort ou à raison à leur nationalité. Au cours de nos entretiens, il en ressort que pour certains camerounais vivant à Yaoundé, les réfugiés centrafricains sont des anciens combattants ayant commis plusieurs exactions, venus au Cameroun pour se réfugier mais également pour continuer à commettre leurs forfaits sachant qu'ils seront protégés par les institutions mises en place pour protéger les droits humains. Pour d'autres, il se dit que des centrafricains qu'ils sont des agresseurs, des voleurs, des délinquants et toute sorte de qualificatif dénigrant leur personne humaine ; traités de tout et de rien, à la moindre situation dramatique ils sont les premiers à être indexés ; qu'ils soient accusés à tort ou à raison, les réfugiés centrafricains font face à une stigmatisation particulière de la part des « yaoudéens »111(*). Tous ces propos désobligeants à leur endroit limitent leur mobilité au sein de la ville pour la simple raison que ces idées se transmettent de bouches à oreilles et laissent croire à tous les camerounais que ces rumeurs au sujet des réfugiés centrafricains sont avérées ; ayant pour effet la peur de se déplacer pour ces derniers qui ne demandent qu'à être épanouis après les persécutions dont ils ont été victimes dans leur pays ou dans les pays à l'intérieur desquels ils avaient établi leur résidence. Toujours au cours de nos entretiens avec les réfugiés centrafricains de la ville de Yaoundé, certains nous ont révélé que ces rumeurs colportées à leur sujet ont eu à coûter la vie à certains de leurs frères, certains ont été victimes de violence de toutes sortes et se sont retrouvés alités sans jamais pouvoir se plaindre parce qu'à chaque fois qu'ils se rendaient dans les postes de police, les officiers ne les prenaient pas au sérieux et au lieu de leur porter secours, ils en profitaient pour les accuser et davantage les menacer de les envoyer au cachot ou de les rapatrier dans leur pays sans prendre en considération la déficit sécuritaire de la RCA. Toutes ces situations de vulnérabilité ont été pour plusieurs d'entre eux un énorme traumatisme. L'afflux des réfugiés fait plus souvent craindre le pire en termes d'insécurité, d'exportation du conflit au-delà des frontières et de la dégradation de l'environnement. Lors de nos investigations sur le terrain, nous avons eu à échanger avec les populations autochtones de l'arrondissement de Yaoundé 4ème sur leur avis relativement à la cohabitation avec les réfugiés centrafricains, plusieurs d'entre eux partageaient la même opinion en ceci que « les réfugiés centrafricains sont des étrangers venus s'accaparer de leurs terres, de leur patrimoine et de leur identité ; ils détruisent délibérément nos cultures, arrachent nos boutures de manioc, nos pieds de maïs, ou nos buttes d'ignames, ils dévastent entièrement nos plantations. Ils causent des dégâts volontaires et obéissent à un désir de vengeance comme si c'était de notre faute qu'ils ont traversés ces situations désastreuses ; nous souhaiterions sincèrement qu'ils retournent dans leurs pays car ils sont gênants. ». A partir de cette réflexion, il serait audacieux de croire que les réfugiés puissent véritablement se déplacer librement dans la ville de Yaoundé. L'afflux migratoire a fait naître un caractère xénophobe dans l'esprit des camerounais à tel point que certains préfèreraient voir rentrer les centrafricains en RCA, que la situation sécuritaire soit stable ou non112(*). Cette situation est vraiment déplorable, nous pensons que pour une cohabitation dans un esprit de fraternité, relativement à l'article 1 de la DUDH113(*), il serait judicieux de renforcer le dialogue entre les populations locales et les réfugiés. * 111 Camerounais résidant dans la ville de Yaoundé. * 112 José DONADONI MANGA, Stephen MFORTEH AMBE (dir's.), Réfugiés et déplacés internes au Cameroun. Fragilités, normes et pratiques de réhabilitation, 341p. * 113Art.1 DUDH : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité. » |
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