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La protection du droit à la libre circulation des réfugiés dans la ville de Yaoundé au Cameroun: cas des centrafricainspar Oriane Murielle KENGNI MELI Université Catholique d’Afrique Centrale - Master en droit public option Droits de l’Homme et Action Humanitaire 2023 |
B. Marginalisation des réfugiés centrafricains par les populations de YaoundéLe Cameroun étant pourtant connu comme une terre d'accueil, de solidarité et d'hospitalité, il n'est pas rare d'assister à certaines situations faisant ressortir un caractère marginal des populations de la ville de Yaoundé. Les réfugiés centrafricains sont détestés et haïs à la limite, victimes d'injures et de mauvais traitements portant ainsi atteinte à leur intégrité physique et morale et présentant un véritable obstacle à leur droit de circuler librement. Malgré les nombreux instruments juridiques qui existent, la situation sur le terrain est déplorable ; à la faveur des entretiens avec de nombreux réfugiés urbains de la ville de Yaoundé, certains sujets de préoccupation relatifs à l'exercice de leurs droits fondamentaux ont retenu notre attention. Il s'agit principalement des violences notoires114(*) auxquelles ces derniers font face ; entre les violences et abus, les viols sur les jeunes filles et les femmes, les agressions et des fois la torture, les réfugiés ne parviennent pas à se sentir en sécurité, ils sont obligés de se refermer sur eux-mêmes ce qui restreint leurs mouvements dans la ville. La situation des réfugiés centrafricains mineurs ne cesse de s'aggraver depuis quelques années, entre l'absence d'identification, les mariages précoces, les rapts et enrôlements dans les groupes armés etc... les femmes et les jeunes filles sont victimes d'exploitation sexuelle et les jeunes garçons sont enrôlés dans les groupes armés ; cette catégorie de réfugiés sont des victimes spécifiques dont la situation nécessite une étude minutieuse et particulière. Le rejet social des populations locales dont ils sont victimes se traduit en une marginalisation sans précédent ; les autochtones les accusent de vol dans les quartiers, un pousseur nous affirmait « ils passent dans les quartiers voler les poulets, les matelas ; parfois tu laisses tes habits dehors, ils viennent les ramasser et partent avec. ». Relativement à cette affirmation, l'on peut souligner que, même si ces accusations sont avérées ou non, la plupart n'exerce aucune activité ; sans compter qu'il pourrait y avoir des exagérations dans la mesure où tout vol ou autre délit commis dans les quartiers leur sera directement attribué, comme quoi le « vol » serait devenu leur métier. Il est beaucoup plus facile pour les yaoundéens de tout mettre sur le dos des centrafricains, les considérant à cet effet comme des boucs émissaires sans défense ; c'est dans ce sens que de nombreuses accusations quotidiennes donnent l'ossature à ces rumeurs et récriminations courantes. Une riveraine nous disait encore « c'est presque chaque jour qu'on les attrape, c'est comme si on les envoie seulement, ils sont comme les sourisdu village, dès que tu négliges ta chose ils viennent seulement porter et fuient avec ! ». Toutes ces allégations, aussi bien vraies que fausses créent un réel climat de tension et un véritable déficit de coexistence convivial entre les deux types de populations. Aussi, l'augmentation des réfugiés crée la raréfaction des espaces provoquant une sorte de promiscuité ; les populations hôtes ont l'impression d'être délaissé à la faveur des réfugiés, ce qui conduit davantage à l'alimentation de la haine qu'ont les nationaux pour les ces derniers. Pour remédier à cela, nous pensons que les élites communales, les autorités traditionnelles et les présidents de communauté centrafricaine par arrondissement gagneraient considérablement à la mise en oeuvre du dialogue interculturel, des politiques d'intégration communautaire et de l'acceptation réciproque de tout un chacun sans réserve discriminatoire de coutume, de religion, de tradition ou de valeur sociale. * 114 Relativement à la question n°3 du guide d'entretien 1. |
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