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La protection du droit à la libre circulation des réfugiés dans la ville de Yaoundé au Cameroun: cas des centrafricainspar Oriane Murielle KENGNI MELI Université Catholique d’Afrique Centrale - Master en droit public option Droits de l’Homme et Action Humanitaire 2023 |
Paragraphe 2 :Limitations d'accès aux autres services sociaux de baseLes réfugiés et les demandeurs d'asile politiques sont des personnes vulnérables qui cherchent à se faire accepter par les pays d'accueil en faisant prévaloir les risques qu'ils encourent pour leur sécurité dans leur pays d'origine. Ils vivent d'une prise en charge par les pays hôtes, mais juste suffisante pour leur survie. Ils sont dans une angoisse perpétuelle car ne sachant pas s'ils vont être acceptés par les populations hôtes ; cette peur d'être rejetés empiète véritablement leur droit de circuler librement. Au regard de tout ce qui précède, nous pouvons dire que la situation des personnes reconnues comme « réfugiés » n'est pas toujours florissante au Cameroun, entre les agissements des FMO et la stigmatisation des populations locales vis-à-vis d'elles, ces intimidations des nationaux altèrent de manière considérable leur droit à la libre circulation au sein du territoire. Cette violation du droit fondamental de la liberté de mouvement mine gravement la jouissance de tous les autres droits ; notamment le droit à l'éducation et à un niveau de vie suffisant (A) et les difficultés d'accès aux services hospitaliers (B). A. Impact de la violation du droit à la libre circulation sur le droit à l'éducation et à un niveau de vie suffisant des réfugiés centrafricainsAu vue du contexte socio-politique et économique du Cameroun depuis l'an 2015, l'on assistait déjà à l'accès précaire aux services essentiels, qui s'est davantage détérioré avec l'afflux migratoire des réfugiés sur le territoire camerounais. Il serait hypocrite de dire que cette précarité est uniquement orientée vers les réfugiés, car elle touche également les nationaux qui vivent dans des conditions assez difficiles liées à l'inflation et aux crises sécuritaires qui touchent nos différentes régions. Il est nécessaire de préciser que le droit à la libre circulation s'entend comme la faculté qu'ont les individus à aller et venir au sein d'un territoire, sans contraintes ni restrictions particulières125(*), de cette appréhension nous comprenons que la liberté de circuler est un droit capital qui facilite ou favorise la jouissance des autres droits fondamentaux. Au Cameroun, les réfugiés font face à des difficultés dans pratiquement tous les domaines, la violation du droit à la libre circulation a un réel impact sur leur droit à l'éducation et à un niveau de vie suffisant. C'est dans cette optique que lors de nos entretiens avec les Présidents de communauté centrafricaine par arrondissement, notamment les arrondissements de Yaoundé 4ème(Kondengui), Yaoundé 6ème(Biyem-Assi) et Yaoundé 1er (Nlongkak), il en est ressortit plusieurs problèmes rattachés aux atteintes à ces prérogatives. Au sujet de l'éducation, les réfugiés se plaignent de ce que leurs enfants sont moqués, humiliés et discriminés dans les établissements publics, ils subissent des frustrations quotidiennes de la part de certains enseignants et de leurs camarades qui se laissent mettre des idées en tête par leurs parents ou tuteurs légaux.D'aucuns s'indignaient du fait que les parents développent un esprit de haine et de xénophobie à des enfants d'un si jeune âge « comment peut-on justifier le fait que des enfants en classe de CE2-CM1 âgés à peine de 07 ans puissent établir une différence entre les étrangers et les camerounais ? comment justifier les propos racistes et haineux que tiennent des enfants du primaire à l'égard d'autres enfants comme eux et ce devant les enseignants ? c'est tout simplement honteux et malheureux de voir à quel point certains parents inculquent de mauvaises valeurs à leurs enfants. Au Cameroun, le réfugié n'a pas de valeur, des fois nous pensons qu'il aurait été préférable pour nous de mourir dans notre pays au lieu de venir être traité comme des parias ou des animaux au Cameroun. » ; cette manière de procéder va totalement à l'encontre de ce que dispose l'article 13(1) du PIDESC, qui stipule que les parties prenantes doivent reconnaître à tous la capacité de jouir du droit à l'éducation dans le respect de leur dignité et du plein épanouissement de leur personnalité humaine. Ne se rapportant pas forcément à la violation du droit à la libre circulation, les réfugiés déplorent le fait de ne pas véritablement être assistés comme ils le souhaiteraient par le HCR du point de vue éducationnel de leurs enfants. En effet, plusieurs déplorent le fait qu'ils soient délaissés par le HCR, qui ne leur permet pas d'être indépendants dans la prise de décision relative à la question de l'éducation des enfants. Le Président de la communauté de Yaoundé 4èmenous affirmait que, « il n'existe pas réellement une assistance sociale pour les réfugiés à Yaoundé ; il y'a un problème de financement des établissements publics primaires et secondaires. Le financement du HCR est conditionné, les enfants qui vont dans les écoles publiques doivent obligatoirement réussir au premier trimestre pour bénéficier de ce financement, faute de quoi le HCR se détache de nous assister. Et ce n'est pas tout, les réfugiés sont incompris, leurs points de vue ne comptent pas, certains parents font souvent face à certaines difficultés dans la mesure où les enseignements dans les écoles publiques n'étant pas toujours adéquates et efficaces, d'aucuns désirent inscrire leurs progénitures au privé, mais leurs espoirs tournent au dérisoire lorsqu'ils se rendent au HCR pour demander leur aide, pas la totalité mais une partie de la scolarité. Le responsable qui les reçoit leur dit clairement que l'assistance sociale n'est valable que pour les enfants inscrits dans les écoles publiques. Nous réfugiés faisons face à une désolidarisation marquante du HCR lorsque nous voulons un tant soit peu faire valoir les droits qui nous sont reconnus. ». Relativement à ces propos, les réfugiés n'ont pas la possibilité de choisir où inscrire leurs enfants, ils sont dans l'obligation de se plier aux conditions du HCR aussi strictes soient elles, or le PIDESC reconnait aux parents le libre choix de l'établissement126(*) dans lequel ils voudraient inscrire leur progéniture. A propos des atteintes au droit à un niveau de vie suffisant garanti par l'article 11127(*) du PIDESC qui reconnaît à toute personne le droit d'être à l'abri du besoin ainsi que sa famille. Il nous est difficile d'affirmer avec exactitude que les réfugiés urbains de Yaoundé vivent à l'abri du besoin ; les descentes sur le terrain nous ont permis de faire face à certaines réalités auxquelles ceux-ci sont exposées, que ce soit en matière de logement, d'alimentation, d'habillement ou de travail, les réfugiés urbains vivent un véritable calvaire. Déjà que trouver un travail n'est pas évident pour eux, mais quand c'est le cas, ils sont abusés et exploités, ils font des travaux qui portent atteinte à leur intégrité physique en s'exposant à des dangers (gardiennage illégal, sans contrat de travail, des propriétés reculées de la zone urbaine ; exploitation des jeunes enfants, on les retrouve au bord de la route à faire de la mendicité s'exposant à des dangers tels que la mort ou des kidnapping) ... En effet, le fait que leur mobilité soit restreinte, les réfugiés ont un accès limité à des opportunités d'emploi décent quand bien même ils en auraient ; un accès limité aux services sociaux essentiels et à des conditions de vie décentes, les rendant ainsi vulnérable à la pauvreté, à l'exploitation et compromettant leur capacité à subvenir à leurs besoins et ceux de leurs familles. Le gouvernement en collaboration avec les Organisations Internationales partenaires devraient prendre des mesures adéquates pour pallier à cette situation, soit par la mise sur pied des Activités régénératrices de revenues exclusivement reconnues aux réfugiés, soit par l'apport des principaux moyens de subsistance en fonction des besoins. * 125 Achille SOMMO PENDE, « L'intégration sous régionale en CEMAC à l'épreuve de la liberté de circulation des biens et des personnes », UCAC-Master en Gouvernance et politiques publiques, 2010, www.mémoireonline.com, consulté le 11 juillet 2024. * 126 Art. 13(3), PIDESC 1966. www.right-to-education.org, consulté le 11 juillet 2024 * 127 Art. 11(1), Idem. |
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