L'UDC de C. Blocher: l'extrême droite au coeur de la concordance helvétique?( Télécharger le fichier original )par Julien Vlassenbroek Université Libre de Bruxelles - Licence en sciences politiques 2004 |
4.2.1.1.3. Les eurocrates sont corrompus
Mais l'incompétence et l'éloignement du peuple ne sont pas les seules tares que prête l'UDC aux eurocrates. En effet, tout comme dans les dictatures communistes, les dirigeants européens seraient éminemment malhonnêtes : «où se situe donc l'éthique dans les quasi proverbiales corruptions de l'UE ?»269(*) s'interroge Blocher à l'occasion de son discours de l'Albisgüetli270(*) en 2001, en renchérissant que des «milliards d'impôts, par exemple du fonds agricole et de structure, disparaissent chaque année sans laisser de trace»271(*). La corruption dans les milieux européens serait donc proverbiale et ce n'est que normal dans la vision udécéenne des choses étant donné que le «socialisme en progression, les interactions internationales et l'impossibilité de contrôler les globalisations portent tous en eux les marques d'un accroissement de la corruption et de la mauvaise gestion. Les faits sont sans équivoque : la corruption et la mauvaise gestion sont beaucoup plus difficiles parmi des hommes libres et responsables qui doivent débourser de leur propre porte-monnaie que dans des Etats socialistes, dans des institutions internationales et dans des dictatures qui peuvent se servir de l'argent des autres. [...] dans les grandes choses réside la grande corruption! Plus les organisations sont grandes, internationales et complexes, plus elles seront exposées à la corruption et à la mauvaise gestion»272(*). Remarquez l'acrobatie discursive qui consiste à placer les Etats socialistes, les institutions internationales et les dictatures au sein d'une même énumération, sans idée de hiérarchie et donc sur un pied d'égalité, dans les types d'organisations politiques qui favorisent la corruption. 4.2.1.1.4. La «suissité» est incompatible avec le supranationalismeSi l'aversion udécéenne pour les institutions supranationales se concentre le plus souvent sur l'Union européenne, elle concerne bel et bien toutes les institutions supranationales. Ce rejet catégorique vise en effet aussi bien l'UE que l'OTAN ou l'ONU (à laquelle la Suisse a adhéré en septembre 2002273(*)), toutes ces organisations qui font que de «plus en plus souvent, des administrations et des fonctionnaires tentent de miner les droits démocratiques du peuple en soumettant la Suisse à une multitude de conventions internationales»274(*). Pour l'UDC, la démocratie directe ne serait pas la seule victime d'une adhésion à l'UE, ou à toute autre institution supra-étatique, puisque la Suisse serait condamnée à s'aligner sur les positions européennes et atlantiques emplies de «partialité» en politique étrangère. Une adhésion à l'UE signifierait irrémédiablement «la perte de liberté, de l'indépendance et de droits populaires ; le sacrifice de notre neutralité»275(*) et pourtant «hypnotisé par l'UE, le Conseil fédéral est prêt à céder à vil prix tout ce qui fait la force de la Suisse: l'autodétermination démocratique, la protection des frontières, une réglementation indépendante de l'immigration et de la naturalisation et maintenant même le secret protégeant les clients des banques»276(*). Comme on peut le constater ici, l'identité nationale suisse dans la vision udécéenne se construit autour d'éléments de nature hétérogène (indépendance, neutralité armée, secret bancaire, démocratie directe, ...) et présentés comme indissociables de la «suissité»277(*). Ces éléments, et donc cette suissité, seraient remis en cause par toute intégration du pays à des institutions internationales quelles qu'elles soient. Ainsi l'adhésion à l'Union européenne ou à l'OTAN serait synonyme de destruction de l' «essence» du pays et impliqueraient de «renoncer à la Suisse»278(*). * 269 C. BLOCHER, «Si tu cherches la guerre, elle te trouvera ! Point de la situation politique février 2001», op. cit., p. 8. * 270 L'Albisgüetli est une réunion politique annuelle très importante de l'UDC. Michel Folain, journaliste de solidaritéS, la décrit comme suit : «L'Albisgüetli n'est pas une manifestation politique comme les autres. Chaque année, depuis 13 ans, 1344 personnes se réunissent à Zurich pour un mélange politique et culinaire détonnant, un rendez-vous atypique dans le paysage politique suisse. Le succès est là: puisque chaque année l'UDC zurichoise refuse du monde et la qualité de la cuisine n'explique pas tout. Les dirigeants zurichois ont su mettre sur pied une rencontre politique entre membres et sympathisants du parti qui fait événement, une soirée qui se déroule, selon les propres termes de Christophe Blocher, `'en famille''» (solidaritéS n° 122, 21 février 2001, p. 20) * 271 Ibid. * 272 C. BLOCHER, «La politique au 21ème siècle. Réflexions à l'occasion de la 11ème session de l' `'Albisgüetli`', du 15 janvier 1999, de Monsieur le conseiller national Christoph Blocher», op.cit., p. 10 de 24 de la version imprimée ; url : www.blocher.ch/f/themen/albis99.htm * 273 Au sujet de l'adhésion de la Suisse à l'ONU, voir le site de la mission permanente de la Suisse auprès des Nations Unies, url : http://www.eda.admin.ch/geneva_miss/f/home/intorg/adh.html#0005 * 274 UDC, «Plate-forme électorale 2003 à 2007», publication du secrétariat général de l'UDC, Berne, 2003, p. 19. * 275 Id., p. 3. * 276 UDC, «Plate-forme électorale 2003 à 2007», op. cit., p. 18. * 277 Propos de C. Blocher cité par P. Niggli in P.-A. JOYE, «Le plan Blocher ? Intégrer l'extrême droite !», L'Hebdo, 21 octobre 1999, Lausanne, sur www.webdo.ch, url : www.webdo.ch/hebdo/hebdo_1999/hebdo_42/dossier_intro_42.htm * 278 C. BLOCHER, «Si tu cherches la guerre, elle te trouvera ! Point de la situation politique février 2001», op. cit., p. 2. |
|