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L'utilité des peines de prison pour les criminels

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par Paul-Roger GONTARD
Université d'Avignon et des Pays de Vaucluse - Maitrise de droit privé, option Carrières Judiciaires 2007
  

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Section 2 : Discipliner pour éduquer

La mission de sécurité de la prison se décline pour les prisonniers dont elle s'occupe mais aussi pour ceux qui, à l'extérieur, pourraient le devenir. C'est la fonction dissuasive de la peine de prison. Pour ceux qui sont déjà dans ses murs, l'enjeu de la prison est dans un premier temps de les empêcher de commettre des infractions dans la prison, et d'utiliser ses efforts pour qu'ils servent, dans un second temps, à prévenir la récidive. Ces missions feront l'objet de notre premier paragraphe. La portée exemplaire de la peine de prison sera quant à elle étudiée dans un deuxième paragraphe.

§ 1 Rendre plus sûr le prisonnier

Concentrer en un lieu unique des individus aux tendances criminelles, ayant succombé au moins une fois à ces tendances, crée de facto un risque pour tout ceux qui auront à travailler dans cet environnement. Il faut donc sécuriser le détenu. Exercer sur lui les contraintes nécessaires pour créer chez lui un comportement adapté aux soucis sécuritaires de la prison. La prison doit donc dans un premier temps neutraliser les tendances transgressives du criminel pouvant s'exprimer dans la prison (A/). Cependant, la discipline a ses revers, la rendant parfois contre-productive (B/).

A/ La discipline pénitentiaire et les comportements du criminel

Pour le bon fonctionnement de la prison et l'accomplissement de ses missions de sécurité, l'établissement pénitentiaire impose au criminel emprisonné toute une succession de règles auxquelles il doit se plier. Michel FOUCAULT, pour en donner une définition succincte, qualifie même la prison d'institution disciplinaire. Lorsqu'un détenu transgresse une règle, plusieurs sanctions lui sont applicables. Tout d'abord, les dispositions du code pénal sont toujours en vigueur à l'intérieur de la prison, et le prisonnier peut avoir à répondre de ses actes devant la justice criminelle. Mais au-delà, le prisonnier peut être sanctionné pour une transgression du règlement intérieur. Il sera alors soumis à une justice disciplinaire interne à l'établissement. C'est le décret n° 96-287 du 2 avril 1996, relatif au régime disciplinaire des détenus, qui réglemente la commission de discipline et les sanctions disciplinaires.

La discipline de la prison et les règles qui la compose s'organisent d'abord autour du règlement intérieur de la prison. Il « reprend les grandes lignes fixées par le Code de la procédure pénale sur la vie en détention et détermine les règles spécifiques à l'établissement en ce qui concerne l'organisation de la vie quotidienne. Il comporte en général une dizaine de rubriques : un préambule (rappelant les fonctions du document), l'emploi du temps de l'établissement pénitentiaire, notamment les heures du lever et du coucher, des repas, de la promenade et des activités, les relations autorisées des détenus avec l'extérieur, les procédures d'orientation et de transfert, les règles concernant les quartiers disciplinaires et d'isolement, la gestion du compte nominatif, etc. Très souvent, le règlement intérieur prévoit également des « fiches techniques » qui reprennent et précisent certains aspects de la réglementation, comme les visites, l'entrée et la sortie d'objets, l'aménagement de la cellule, etc. »13(*).

Parmi ces règles, nous pouvons en distinguer deux grandes catégories : celles qui sont de l'ordre des règles de vie commune et celles qui s'adressent plus particulièrement au détenu. Les premières constituent les bases de l'institution totale carcérale. Eving GOFFMAN définit la notion d'Institution totale comme un « lieu de résidence ou de travail où un grand nombre d'individus, placés dans une même situation, coupés du monde extérieur pour une période relativement longue, mènent ensemble une vie recluse dont les modalités sont explicitement et rigoureusement réglées »14(*). La prison, comme toute autre institution totale, entraîne une destruction progressive de l'individu. En le désocialisant et en détruisant peu à peu son individualité, l'institution cherche à le soumettre à des règles strictes d'organisation. Une soumission que le prisonnier accepte d'abord par contrainte, par résignation ensuite et par intérêt enfin. Le prisonnier va dans un premier temps lutter pour garder son identité face aux agressions qui lui sont portées, notamment à son libre arbitre. Puis, fatigué de lutter, résigné face à l'inéluctable succès par la force de l'institution carcérale, il acceptera son sort. Enfin, après un apprentissage des règles de l'institution et leur assimilation, le prisonnier les utilisera pour en tirer tous les privilèges qu'il peut espérer. Ces privilèges devenant un outil de la machine disciplinaire puisqu'ils peuvent être retirés par l'institution lorsqu'elle le désire.

Le meilleur exemple de privilège aliénant pour le prisonnier est le principe du capital de remise de peine dont jouit chaque détenu (article 729 et suivants du code de procédure pénale). Chaque condamné bénéficie d'un crédit de réduction de peine calculé sur la durée de la condamnation prononcée à hauteur de : 3 mois pour la première année, 2 mois pour les années suivantes et 7 jours par mois. Le mode de calcul du crédit de réduction de peine est le suivant :


· Condamné à un an et plus :

crédit de réduction de peine = 3 mois + (2 mois par années suivantes) + 7 jours x nombre de mois de la condamnation

Exemple : (Mois = M. : Jours = J. : Années Suivantes = A.S.)

? Condamné à 16 mois d'emprisonnement : 3 M. + (2 M.x 1 A.S.) + (7 J.x 16 M.) = 8 mois et 22 jours de crédit de réduction de peine

? Condamné à 60 mois d'emprisonnement : 3 M. + (2 M.x 4 A.S.) + (7 J. x 60 M.) = 25 mois de crédit de réduction de peine

Ce capital pourra être réduit chaque fois que le condamné aura été jugé en infraction avec le règlement intérieur de la prison, ou se sera rendu coupable d'actes réprimés par le code pénal. La carotte et le bâton font aussi leur oeuvre dans nos prisons. Toutefois, tous les détenus ne sont pas fongibles dans ce modèle, ou le sont-ils plus ou moins en fonction de leur caractère et de leur expérience passée. Ces détenus, nous le verrons plus tard mettent directement en péril ce modèle d'organisation de l'institution.

D'autre part, et très progressivement, le principe totalisant15(*) de l'institution carcérale est ébréché par de nouvelles libertés offertes aux détenus. Nous assistons à une détotalisation des prisons. L'uniforme du détenu (le Droguet) n'est plus de mise, les règlements intérieurs se renouvellent, la cantine se diversifie, le montant des mandats n'est plus limité, les règles de la vie quotidienne s'assouplissent dans certains établissements, le système de soins tend à se normaliser, etc.

Cette détotalisation associée aux réfractaires du modèle « institution totale » des prisons dessinent les limites à cette discipline carcérale, pourtant fondement de la sécurité des prisons.

* 13 Organisation Internationale des Prisons, GUIDE DU PRISONNIER, § 176

* 14 E. GOFFMAN dans ASILES, ÉTUDES SUR LA CONDITION SOCIALE DES MALADES MENTAUX ET AUTRES RECLUS ; les éditions de minuit ; p. 41

* 15 C'est volontairement que ce participe « totalisant » est préféré à l'adjectif « totalitaire » qui semble aujourd'hui trop connoté.

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