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La requalifiacation des contrats d'assurance vie

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par Michel Justancia ILOKI
Université du droit et de la santé Lille 2 - Master 2 professionnel Droit des assurances 2005
  

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Paragraphe II Le débat jurisprudentiel autour de l'aléa en assurance vie

L'évolution contemporaine des contrats d'assurance sur la vie qui a permis leur développement actuel en donnant aux assurés une sécurité nouvelle, notamment au regard des risques de dépréciation monétaire, a conduit les assureurs à faire appel à des techniques de gestion voisines des opérations de capitalisation. Il en est résulté un débat sur leur qualification juridique: devaient-ils être requalifiés en contrats de capitalisation comme le soutenaient le notariat et plusieurs auteurs au motif qu'en l'absence de risque de gain ou de perte pour chacune des parties ils ne comporteraient plus l'aléa caractéristique du contrat d'assurance ?

Il avait été soutenu (4(*)6) que la première chambre civile de la Cour de cassation, le 18 juillet 2000, dans l'arrêt Leroux, aurait tranché la question en faveur d'une requalification des contrats d'assurance vie en contrats de capitalisation, ou, tout au moins, que cet arrêt, déclaré ambigu, pourrait être interprété en ce sens. En réalité cet arrêt ne s'était nullement prononcé sur ce point (4(*)7), comme l'a précisé le rapport annuel de la Cour de cassation. Source des tumultes au sein de la jurisprudence, quant à la nature juridique des contrats d'assurance vie, l'arrêt Leroux paraît mieux être notre repère pour traiter du débat jurisprudentiel. De ce fait, notre étude portera sur la position jurisprudentielle sur la question avant l'arrêt Leroux (A) et de Leroux à la requalification (B).

A / Des tergiversations jurisprudentielles à l'arrêt Leroux

L'assurance vie sème le trouble dans le droit matrimonial, à moins que ce ne soit l'inverse. En tout cas leurs relations sont complexes, ainsi qu'en témoignent les hésitations de la Cour de cassation dans l'affaire Pelletier (4(*)8), les controverses nées de l'arrêt Praslicka (4(*)9), comme les discussions que ne manquera pas de susciter l'arrêt Daignan du 10 juillet 1996.

La jurisprudence d'avant Leroux ne pose pas la question de l'assurance vie en termes de l'existence de l'aléa, mais en termes des liens et des menaces que l'institution d'assurance vie fait peser sur les droits matrimonial et successoral en vertu de son caractère dérogatoire.

Nous savons que, lorsque le contrat d'assurance vie se dénoue par le décès de l'assuré, il déroge à certaines règles d'ordre public du droit successoral. Ainsi, la prestation versée par l'assureur est réputée n'avoir jamais fait partie du patrimoine de l'assuré (C. assur., art. L 132-12), en conséquence, les règles de la réserve ne lui sont pas applicables (C. assur., art. L 132-13), elle ne peut être appréhendée par les créanciers de l'assuré (C. assur., art. L 132-14) et constitue un propre pour le conjoint bénéficiaire commun en biens (C. assur., art. L 132-16). D'autre part, compte tenu des règles qui régissent la stipulation pour autrui, notamment le caractère personnel de la désignation bénéficiaire (C. assur., art. L 132-9), le contrat d'assurance vie ne peut pas être saisi par les créanciers du souscripteur, qui ne peuvent exercer le droit de rachat pour le compte de ce dernier.

Comment peut-on prétendre concilier la cohésion patrimoniale de la famille, notamment en termes de régimes matrimoniaux, et l'indépendance du souscripteur d'un contrat d'assurance qui peut en principe gérer seul le contrat, qu'il s'agisse de désigner un bénéficiaire, de le révoquer tant du moins que ce dernier n'a pas accepté le bénéfice de sa désignation, de décider d'un éventuel rachat ?

Deux décisions, souvent présentées comme contradictoires, ont déjà été rendues par la Cour de cassation en cette matière, bien entendu Pelletier et Praslicka. Les auteurs s'appuyant, tantôt sur l'un tantôt sur l'autre des arrêts ont conduit à des analyses qui aboutissent à des interprétations radicalement différentes.

Dans l'arrêt Pelletier, une décision justement célèbre, l'Assemblée plénière de la Cour de cassation avait jugé, contrairement à la première chambre civile saisie auparavant, que lorsqu'un époux avait souscrit seul un contrat d'assurance, en utilisant les deniers communs, il pouvait ensuite seul décider de la gestion future du contrat souscrit, demander par exemple une avance sur police équivalent à un rachat partiel, remettant en cause la désignation déjà réalisée du bénéficiaire. Le droit des régimes matrimoniaux était ici mis sur la touche au profit d'une reconnaissance de l'autonomie du droit des assurances. L'arrêt paraissait annoncer que la spécificité du contrat en cause entraînait l'application exclusive, quant à la détermination des conséquences de la souscription du contrat, de l'article L. 132-12 en même temps qu'étaient complètement écartées les articles 224 et 1422 du Code civil relatifs aux régimes matrimoniaux.

Les assureurs et les partisans de l'autonomie du contrat d'assurance se satisfirent pleinement de la solution, mais leur approbation de ce que semblait devoir annoncer la jurisprudence de la Cour de cassation fut sérieusement remise en cause par le second arrêt rendu par cette juridiction, l'arrêt Praslicka.

Dans cette seconde décision, la 1re chambre civile de la Cour de cassation a considéré que la souscription en cours de communauté d'un contrat d'assurance mixte par un époux commun en biens ne privait pas la communauté de la valeur du contrat au jour de la dissolution de cette dernière, lorsque la communauté n'avait pas été dissoute par le décès de l'époux souscripteur et que, par conséquent, la dissolution et le partage de la communauté intervenaient avant que le contrat d'assurance soit dénoué. L'arrêt reconnaissait donc que, sur le plan patrimonial, la communauté devait en quelque sorte être intéressée aux conséquences de la souscription d'un contrat par un époux agissant seul. S'il en résultait un appauvrissement significatif de la communauté, celle-ci devait avoir droit à la valeur du contrat, dès lors qu'il n'était pas dénoué, et l'on pouvait inférer de cette décision que le dénouement d'un contrat concomitant de la dissolution de la communauté rendrait une récompense exigible.

Nombres d'auteurs se sont affrontés sur la question de savoir comment on pouvait concilier les deux décisions et tous ou presque sont restés attachés à l'idée qu'il fallait défendre soit la primauté complète des règles de l'assurance, soit, au contraire, la primauté des règles des régimes matrimoniaux. Leurs conclusions sont, on peut s'en douter, diamétralement opposées.

Pour les tenants (5(*)0) de la thèse Pelletier, la souscription d'un contrat d'assurance permet d'échapper aux règles liquidatives du régime matrimonial. Le contrat d'assurance vie permettrait alors, d'utiliser les deniers communs au profit d'un tiers sans possibilité d'opposition du conjoint et sans que cette utilisation entraîne un règlement pécuniaire de compensation. La seule concession faite par les tenants de cette thèse à ceux qui sont partisans de la primauté des règles du régime matrimonial concernait l'hypothèse où la prime payée aurait été manifestement exagérée et serait alors de nature à justifier une éventuelle requalification du contrat.

Pour les tenants de la thèse qu'on pourrait appeler Praslicka, qui souhaitent voir reconnaître en ce domaine une primauté totale des règles du régime matrimonial, l'arrêt Pelletier serait en quelque sorte condamné par la jurisprudence Praslicka et toute souscription d'un contrat d'assurance devrait se soumettre aux règles du régime matrimonial. Les règles de la gestion concurrente, qui ont remplacé celles qui consacraient la primauté des prérogatives maritales en termes de gestion des biens communs, priveraient l'un des époux de la possibilité de soumettre une partie des capitaux dépendant de la communauté à des règles de gestion exclusive via la souscription d'un contrat d'assurance (5(*)1).

Jusqu'à ces arrêts la question de la requalification des contrats d'assurances n'est toujours pas soulevée au niveau de la Cour de cassation, mais qu'en a t-il été de l'arrêt Leroux ?

* (46) M. Giray, L'assurance vie hors succession: la mort d'une fiction?, Dr. et patr., 2001, p. 27.

* (47) Rapport Cour de cassation pour l'année 2000, p. 404.

* (48) Cass. Ass. plén., 12 déc. 1986: D, 1987, jurispr. p. 269, note J. Ghestin.

* (49) Cass.1re civ., 31 mars 1992: Resp.civ.et assur. 1992, comm. 246, RGAT, 1993, p. 136, note. Aubert

* (50) J. Bigot, JCP1993, éd. G, I, 3718

* (51) J-G. Raffray, De l'arrêt Pelletier à l'arrêt Praslicka: tentative de conciliation, Resp. civ. et assur., éd. du Juris-Classeur, octobre 1997, pp. 9-10

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