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Le Conseil constitutionnel sénégalais et la vie politique

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par Mamadou Gueye
Université Cheikh Anta DIOP de dakar - Doctorant en science politique et droit public 2011
  

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Paragraphe II : Un souci de légitimité

Lorsqu'il s'agit de légitimité d'une institution, il est de coutume de l'analyser sous l'angle de la nécessité de sa création par rapport aux attentes populaires. Mais étant donné que le conseil sénégalais, dont il est question, même s'il est loisible de convenir avec Mounirou Sy, qu'il s'agit plus d'une « création » appréciée qu'une « créature » redoutée, la controverse de sa légitimité s'est très tôt estompée116(*). S'il est également vrai que l'existence d'un conseil constitutionnel sénégalais est politiquement et juridiquement acceptée. Il faut dire que c'est dans l'appréciation de son caractère utilitaire ou indispensable dans la régulation de la vie politique que se pose le problème de sa légitimité. Il ne s'agit pas de revenir sur la nécessité de sa création mais plutôt sur la fonction heuristique de l'institution qui est sans doute un gage de légitimité. Et qui fera de sorte qu'il n'apparait pas devant le citoyen comme un simple « habit constitutionnel »117(*) présentable aux yeux de l'opinion nationale et même internationale. Ou pour parler comme Bayart qu'il apparaisse comme` une institution créée pour « sauvegarder la façade démocratique »118(*) du régime. En cela on s'inscrirait directement dans même optique que le Doyen Rousseau qui considère que « la légitimité d'une institution repose sur la croyance collective en sa valeur sociale »119(*). Car à noter avec Madeleine Grawitz : « le principe de l'effectivité reste le meilleur baromètre pour apprécier le sens d'une idée ou d'une entreprise »120(*) Aujourd'hui on peut affirmer de façon péremptoire que le Conseil constitutionnel sénégalais, ne bénéficie pas de cette croyance, après une quinzaine d'année d'existence et au terme d'une jurisprudence très mal perçue par la majorité des sénégalais. Pourtant le conseil aurait pu facilement asseoir sa légitimité. Car comme l'a remarqué Ives Poirmeur « le Conseil trouverait sa légitimité à la fois dans la méfiance vis-à-vis des hommes politiques..... Et dans les dysfonctionnements de la démocratie génératrice de vide politique »121(*). Autrement dit la légitimité du conseil réside dans la nécessité de contrôler les Parlements parce que leur législation, mue par les passions électorales, est devenue une dangereuse menace pour l'avenir. Un parlement peut mal faire et en son sein, une majorité peut opprimer, surtout lorsqu'il n'y a plus de séparation des pouvoirs du fait du monolithisme du bloc Parlement-Gouvernement122(*). En vertu de la conjoncture politique actuelle la nécessité de définir des garde-fous aux pouvoirs publics sénégalais est devenue impérieuse. La raison en est que le régime politique sénégalais tel qu'il est, tend toujours vers la cristallisation d'un système dans lequel s'exerce un pouvoir exécutif sans limite123(*). En effet le Parlement n'est plus le lieu de discussion où débats et discours contribuent à la formation de la volonté générale ; il n'est plus le lieu de décision, mais celui où, de manière solennelle et dans le rituel des débats dont chacun sait qu'ils ne changeront pas l'issue, s'enregistrent pour parler comme Rousseau les décisions voulues et conçues ailleurs, autrement dit à l'Elysée ou à Matignon. Face à cette situation l'opposition comme le peuple de protection. Le Conseil constitutionnel dont il incombe cette mission, dans les appréciations de la presse, d'une bonne partie de l'opinion et même de certains leaders politique, a lamentablement failli à son rôle. Au point que son existence même est remise en question. En effet par une méfiance accrue à l'égard du Parlement, et plus encore des députés, dés lors il n'est pas surprenant que l'opinion reporte sa confiance sur des institutions qui, comme le Conseil constitutionnel, exerce un contrôle sur les activités de la classe politique à la sincérité de laquelle on ne croit plus. Le conseil est ainsi perçu dans une certaine mesure comme l'instrument de la société civile contre la société politique, perception qui, en l'affaissement de la croyance en la vertu du politique, participe à sa légitimation.

Ce manque de légitimité du conseil s'explique d'une part par les raisons que nous venons d'invoquer mais également par d'autres facteurs.

D'abord il faut noter la fréquence des déclarations d'incompétence rendu par le Conseil. Et dans une certaine mesure même s'il se déclare compétent et se prononce sur une question donnée, sa décision a la particularité de n'être d'aucun apport dans la résolution des conflits politiques. A en croire le professeur Demba Sy en ce qui concerne les déclarations d'incompétence « le conseil refuse de jouer le rôle d'arbitre qui lui sied. Il se déclare incompétent parce qu'il ne veut ni être accusé de pro-pouvoir ni pro-opposition »124(*). Cette posture supposée de neutralité est largement favorable à l'exécutif. En réalité l'exécutif est le principal bénéficiaire des déclarations répétitives d'incompétence, en l'occurrence le Président de la République qui voit ses pouvoirs hypertrophiés. Et à certains égards l'exécutif se ramène à lui même125(*).

Quant au tonitruant journaliste Abdou Latif Coulibaly, il estime que « le Conseil constitutionnel tel qu'il est actuellement n'a pas sa place dans le décor institutionnel sénégalais. Son rôle dans la régulation du jeu démocratique est évanescent voire inexistant. Il s'agit plutôt d'une institution budgétivore. Or le peuple a besoin d'un conseil crédible qui régule le jeu politique, qui prend ses responsabilités mais pas d'une institution qui se déclare toujours incompétent »126(*)

On peut dire actuellement le Conseil est supplanté dans sa mission de régulation du jeu politique et démocratique par le pouvoir religieux. En effet en s'inscrivant dans la meme optique que le professeur Mamadou Diouf « les hommes religieux ont fortement influencé le système politique. Ils ont joué un rôle important dans la stabilisation du pouvoir, dans les élections et dans les conflits au sein de la classe politique, au pouvoir comme dans l'opposition. Donald Cruise O'Brien, considère que les marabouts ont joué un rôle essentiel dans le « succès story » démocratique sénégalaise. Ils ont en quelque sorte, constitué une sorte de société civile capable de contre balancer le pouvoir politique »127(*). On pourrait illustrer par le conflit qui a opposé le Président de la République au président de l'Assemblée nationale128(*). Ce dernier pour « éviter » sa « destitution » à la tête de l'institution car des manipulations constitutionnelle était en cours visant à réduire le mandat du président de l'Assemblée nationale à une année, (ce qui dans une certaine mesure aurait obligé Macky Sall a quitté la présidence de l'Assemblée nationale) avait requis l'intervention du khalife général des mouride. L'intervention du marabout avait été mal vue par une certaine presse qui la considère comme une ingérence dans une affaire dont le règlement n'a d'autre référence que la constitution, dont le Conseil constitutionnel est le gardien.129(*)

Section II: Les absences marquées du Conseil dans la vie politiques

Dans partie cette nous mettrons l'accent d'abord sur le fait que le Conseil est très absent dans le contentieux de la protection des droits fondamentaux qui sont proclamés et consacrés dans la constitution. Ensuite nos développements tourneront autour l'attitude du Conseil dans la consolidation de la démocratie.

* 116 Mouhamadou Mounirou Sy, La Protection Constitutionnel des Droits Fondamentaux en Afrique : l'exemple du Sénégal, Edition Harmattan 2007, p 73

* 117 Dominique Rousseau, Droit du Contentieux constitutionnel, Paris, 8ème Edition, Montchrestien, 2008, p. 95

* 118 Cf., J.F. Bayart, L'Etat en Afrique, la politique du ventre, Paris, Fayard, 1989.

* 119 Ibid. p 82

* 120 Madeleine Grawitz, Méthodes des sciences sociales, 11ème Ed. Dalloz, 2001, p. 159

* 121 Ives Poirmeur, Droit et Politique, PUF, 1993, p. 32 et s

* 122 L'histoire politique et juridique du Sénégal a été dominée par la constance de cette solidarité entre Parlement et Gouvernement Senghor à Wade et quel que soit le gouvernement en place

* 123 Au regard de la jurisprudence constitutionnelle de l'ex-Cour Suprême et du Conseil constitutionnel, on se rend compte les autorités politiques (le Président de la République et les députés de l'Assemblée nationale) ne sont intéressés à la constitutionnalité des lois que sous couleur de leurs seuls intérêts politiques. Rappelons que le Sénégal n'a enregistré qu'une seule proposition de loi adoptée provenant des députés : ce fut la révision n°76.01 du 19 mars 1976 (Moussa Mbengue) accordant un statut spécial aux anciens Présidents de la République. Toutes les autres proviennent de projets présidentiels, et on voit mal le Président de la République lui-même les attaquer pour inconstitutionnalité, de même que les députés dont l'écrasante majorité appartenait ou appartient à la mouvance présidentielle

* 124 Entretien

* 125 Fara Mbodj, Les compétences du Conseil constitutionnel à l'épreuve des saisines. Quelques remarques sur le pouvoir jurisprudentiel du juge constitutionnel au Sénégal, EDJA, n°78, juillet-aout-septembre 2008, p. 7 et s

* 126 Entretien

* 127 Le Soleil, mardi 13 Avril, p. 5

* 128 En effet le président de l'Assemblée nationale Macky Sall avait convoqué le fils du Président à l'Assemblée nationale pour qu'il s'explique sur dépenses engagées dans le cadre

* 129 Sud Quotidien, Samedi 5-dimanche 6 Janvier 2008, n° 4417

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand