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Le Conseil constitutionnel sénégalais et la vie politique

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par Mamadou Gueye
Université Cheikh Anta DIOP de dakar - Doctorant en science politique et droit public 2011
  

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Paragraphe I : Une protection imparfaite des droits fondamentaux

Il semblerait hasardeux, voir osé de remettre en cause la capacité du Conseil à protéger les droits fondamentaux si l'on sait que Mounirou Sy a soutenu une thèse codirigée par le professeur Babacar Kanté, ancien vice président du Conseil constitutionnel et le professeur Henry Roussillon dont l'autorité scientifique n'est plus à démontrer. Toutefois les études menées sur le terrain à travers des entretiens que nous ont accordés certains observateurs avertis130(*) de la vie politique sénégalaise nous font penser le contraire.

Tout d'abord la nature des compétences du Conseil n'offre pas les moyens de garantir une protection efficace des droits fondamentaux. Ajouté à cela que le Conseil adopte une conception minimaliste en matière de compétence131(*). En effet le Conseil Constitutionnel sénégalais n'est pas entièrement entré dans l'évolution de la matière constitutionnelle. Avec l'ère du constitutionnalisme moderne instaurant le contrôle constitutionnel exercé par une juridiction instituée pour cette raison, les droits de l'homme recouvre les droits de tout individu en dehors de tout contexte particulier (géographique, social, économique). Ainsi sont considérés comme droits fondamentaux l'ensemble des droits et libertés qui sont mentionnés, proclamés et garantis par un texte constitutionnel, et comme tels, protégés par la juridiction constitutionnelle.132(*) Aujourd'hui la constitution n'est plus seulement la « détermination de la séparation des pouvoirs ». Les constituants considéraient cette protection comme la conséquence nécessaire d'une limitation du pouvoir obtenue par sa division. Tout serait perdu pour la liberté écrivait en ce sens Montesquieu « si le même homme ou le même corps des principaux ou des nobles, ou du peuple, exerçait ces trois pouvoirs, celui de faire des lois, celui d'exécuter les résolutions publiques et celui de juger les crimes ou les différends des partis ».133(*) Aujourd'hui, la Constitution, c'est la garantie des droits. Assurer la liberté politique des citoyens passe, non par une réflexion sur la meilleure organisation des pouvoirs, mais par l'élaboration d'une charte des libertés dont les citoyens pourront imposer le respect aux gouvernants ; renforcer la démocratie implique que le texte constitutionnel s'intéresse davantage aux droits des gouvernés qu'au statue des gouvernants, parte parle et davantage du citoyen que des pouvoirs publics. Telle est bien aujourd'hui la réalité constitutionnelle. La constitution au sens moderne du terme, c'est pour une part stable mais qui proportionnellement se réduit, l'organisation de l'Etat, et pour une part, considérable et qui s'accroit sans cesse par le travail du Conseil par : la protection et l'énoncé des principes constitutionnels relatifs aux droits et libertés des citoyens. En effet celui qui incarne l'Etat de droit et qui le constitue pleinement comme Etat démocratique respectueux des droits fondamentaux des citoyens, c'est en principe le Conseil constitutionnel, qui a le pouvoir de soumettre le législateur comme tous les organes de l'Etat au respect des principes et des règles de valeurs constitutionnelles, et dont les décisions s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles. En effet « le Conseil est le gardien de toutes les exigences constitutionnelles »134(*). Le Conseil constitutionnel sénégalais a failli à cette noble mission. Nos propos sont soutenus dans une certaine mesure par le professeur Ismaila Madior Fall qui affirme qu' « il est possible de formuler à l'endroit du Conseil bien des griefs dans la prise en charge de son rôle implicite de régulateur des pouvoirs publics et de l'Etat de droit »135(*). Plusieurs exemples nous permettent de défendre ce point de vue.

Il ya d'abord la mise en accusation du Premier ministre Idrissa Seck, devant la Haute Cour de Justice. Dans ce cas particulier, la mise en accusation ne peut être faite que par l'Assemblée Nationale, statuant par un vote au scrutin secret, « à la majorité des trois cinquièmes des membres la composant », c'est-à-dire le nombre de 72 députés. Cependant du fait que certain députés devaient être membres de la haute cour de justice et donc ne pouvant pas prendre part au vote. Il s'est posé la question de savoir si le nombre de députés constitutifs de la majorité qualifiée nécessaire à la validité du vote de mise en accusation était susceptible de variations. Finalement lors du vote de la mise en accusation de l'ancien Premier Ministre, la majorité exigée pour la validité de la mise en accusation est une majorité qualifiée prédéfinie par le constituant et non susceptible de variation arithmétique contingente, n'a pas été respectée. Pour le professeur Ismaila Madior Fall, un précédent dangereux venait d'être posé, en ce sens que, désormais une majorité étriqué de 62 députés peut traduire même le Président de la République pour haute trahison devant la Haute Cour de Justice. Devant cette violation flagrante de la Constitution portant atteinte à un droit fondamental d'une haute personnalité de la République n'a pas été sanctionné par le Conseil.

Il ya également le cas de l'exclusion de certains députés au niveau de l'Assemblée nationale136(*). Les raisons évoquées par le Président du groupe parlementaire libéral et démocratique sont injustifiées. En conférence de presse dans les locaux de l'Assemblée nationale, le président du groupe parlementaire Libéral et démocratique, Doudou Wade, a tenté d'expliquer maladroitement les fondements de sa démarche. Pour lui, les députés exclus sont frappés par les dispositions de l'Article 7, alinéa 2 du Règlement intérieur de l'Assemblée. «Ce texte, qui reprend la première phrase de l'article 60 de la Constitution, est ainsi rédigée : «Tout député qui démissionne de son parti en cours de législature est automatiquement déchu de son mandat.» C'est vrai que les députés Lô et Ndiaye, respectivement élu à Darou Mousty et aux Parcelles Assainies, n'ont jamais démissionné du Pds. Mais, Doudou Wade est convaincu que «le droit constitutionnel et le droit parlementaire ont vocation à régir des situations, des pratiques et des comportements politiques». Et, croit-il savoir, «au cours de plusieurs cérémonies publiques, dans des déclarations relayées par la presse et confirmées par les intéressés, MM. Lô et Ndiaye ont soutenu qu'ils n'adhèrent plus aux idéaux du Pds et ont rejoint le camp de ses adversaires. Par leur comportement politique, ils se sont placés hors du Pds». Estimant que le règlement intérieur de l'Assemblée nationale prévoit deux cas de pertes de mandat, à savoir la déchéance et la démission, le président du groupe parlementaire considère que la loi est applicable aux mis en cause, même s'ils n'ont pas démissionné. «Ici, la déchéance est la sanction du non-respect d'une des conditions d'exercice du mandat de député : la loyauté et la fidélité vis-à-vis du parti qui investit», interprète-t-il. Ainsi, pour M. Wade, la déchéance est constatée par le Pds qui a investit. De plus, l'Article 5 des statuts du Pds retient que «l'adhésion en droit ou en fait à une formation politique nationale concurrente entraîne ipso facto la perte de la qualité de membre du Pds, constatée souverainement par les instances». Ainsi il remplace le député de Darou Mousty par Amadou Fall et Lamine Dia va prendre la place de Mbaye Ndiaye137(*).

Le Conseil en tant que gardien de la Constitution, est resté insensible face à cette atteinte grave des droits des députés exclus.138(*) En effet « c'est l'article 60 de la Constitution qui définit les conditions dans lesquelles peut prendre fin, en cours de législature, le mandat d'un député ». En vertu de cette disposition « mandat du député est libre, intégral, irrévocable, souverain et protégé ». Chacun de ces qualificatifs est tiré d'une disposition de la Constitution. Et de surcroit le mandat du député est représentatif, libre et non impératif. Par ailleurs le moyen tiré de la démission évoqué par président du groupe parlementaire libéral et démocratique et inopérant dans la mesure où la démission est un acte libre, lucide, volontaire et non équivoque ; il n'existe pas de démission de fait de la part d'un député, ni dans la Constitution, ni dans le Règlement intérieur de l'Assemblée nationale. Par conséquent les exigences de l'Etat de droit et la défense de l'institution parlementaire exige le rejet de toute tentative d'y imposer l'application de la discipline spécifique d'un parti à la place des dispositions légales qui régissent les députés de la nation.

Il se pose à chaque fois que la volonté générale ou plutôt la majorité parlementaire n'est pas respectueuse des libertés et des droits. Le doyen Hauriou avait écrit avec une belle formule sous la IIIème République sur l'héritage libéral incontestable. Selon lui, « on a mis du temps à se rendre compte que le pouvoir législatif est plus dangereux encore pour les libertés individuelles que le pouvoir administratif ».139(*)

Il ne s'agit pas ici d'arguer du fait que le Conseil n'a pas de pouvoir d'auto saisine, encore moins de diagnostiquer ses failles. Mais surtout de montrer ce que la classe politique et l'ensemble de la population attendent de lui c'est-à-dire d'être au premier plan dans la construction d'un Etat démocratique modèle. Dans notre système juridictionnel, il y a énormément de niches d'impunités, de dénis de Justice, qui veulent que, des fois, l'Assemblée peut, en toute impunité, violer la Constitution, sans qu'on reconnaisse la possibilité pour un citoyen, un député ou une victime d'attaquer cette décision.

Le constat général qui se dégage est que le Conseil est en réalité très effacé de la vie politique, sa présence est évanescente, et ses absences se font largement ressentir.

* 130 Entretien avec le journaliste Abdou Latif Coulibaly, le professeur El hadj Mbodj.....

* 131 Le professeur Ismaila Madior Fall, résume parfaitement cette attitude du Conseil en matière de compétence : lorsqu'une affaire lui est soumise, le Conseil se réfère, pour se déclarer compétent ou non, à son code de compétence dont la substance transcrite à l'article premier de la loi organique sur le Conseil constitutionnel, est la suivante : le Conseil constitutionnel se prononce sur la constitutionnalité des lois, sur le caractère réglementaire des dispositions de forme législative, sur la constitutionnalité des lois organiques, sur la recevabilité des propositions et amendements d'origine parlementaire, sur les exceptions d'inconstitutionnalité soulevées devant le Conseil d'Etat et la Cour de Cassation et entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif.

Deux hypothèses sont à envisager. Soit le Conseil se déclare compétent, statue au fond du recours et rend une décision.....soit l'objet de l'affaire pour laquelle il est saisi ne figure pas sur la liste de ses attributions, le Conseil se déclare alors, de façon implacable incompétent avec le prononcé de la formule connue de beaucoup de requérant : « Considérant que le Conseil est une juridiction d'attribution dont la compétence est strictement limité par les textes qui le régissent et qu'il ne saurait se prononcer que sur des cas expressément prévus par ces textes ».

* 132 Voir P. Esplugas « Protection des droits et libertés », Ellipses, 2002, p.89

* 133 Montesquieu, De l'Esprit des Lois, livre XI, chap. 6, PUF, 1984

* 134 Dominique Rousseau, Droit du contentieux constitutionnel, Paris, 8ème édition Montchrestien, 2008, p. 208

* 135 Ismaila Madior Fall, Evolution constitutionnelle du Sénégal, de la veille de l'indépendance aux élections de 2007, Dakar, CREDILA, 2007, p. 76 et 77

* 136 L'intention déclarée du PDS d'exclure 12 députés de l'Assemblée nationale et de les faire remplacer par des suppléants, communiqué de l'Agence Presse Sénégalaise du1er juin 2005

* 137 Toutefois il faut noter que le Cadre permanent de concertation des partis de l'opposition (Cpc), le G10 et la Ld/Mpt réaffirment leur décision de s'opposer à l'exclusion de l'Assemblée nationale des députés dits « frondeurs ».En considérant que cette « affaire » devient celle de l'Assemblée nationale, l'opposition s'est dit prête à s'opposer à ce qui, pour elle, a les allures « d'un coup de force, une violation de la Constitution et du Règlement intérieur de l'Assemblée nationale ». Dans son optique, cela ne passera pas puisque Amath Dansokho, Abdoulaye Bathily et tous leurs camarades sont décidés à développer une série d'initiatives et de mobilisation populaire. On retient, entre autres, une campagne de sensibilisation du corps diplomatique accrédité à Dakar, des institutions et de toutes autres structures concernées par la démocratie dans le monde. Le Soleil, 27 mai 2005

* 138 La situation est d'autant plus arbitraire avec le cas de Fada. Interrogé, Doudou Wade n'a pas voulu se prononcer sur le cas du député Modou Diagne Fada qui se trouve presque dans les mêmes situations que Moustapha Cissé Lô et Mbaye Ndiaye. En effet, M. Fada a été investit par la Coalition Waar wi qu'il a abandonnée par la suite. Mieux, M. Fada s'affiche partout avec la Coalition Sopi 2007 qu'il a combattue aux Législatives, tout comme les députés exclus s'affichent avec l'Apr/Yaakaar qui vient de naître

* 139 M. Hauriou, Principes de droit public, 2ème éd, Paris, Sirey, 1916, p. 34 et s

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry