SECTION 2. LES PROCÉDURES COMPARÉES
L'étude comparative des procédures de
répression et des autorités compétentes en matière
de répression de la cybercriminalité entre le droit
français et le droit congolais à l'ère de l'ordonnance-loi
n° 023/10 du 13 mars 2023 portant Code Congolais du Numérique (CCN)
met en lumière des approches distinctes en termes de structure
judiciaire, de mécanismes d'enquête et de coopération
internationale. Cette analyse explore les différences et similitudes
entre les deux systèmes législatifs et leurs procédures de
répression.
§1. Contexte législatif et procédure
de répression 1.1. Le droit français
En France, la répression de la cybercriminalité
repose sur un système juridique structuré qui prévoit des
procédures spécifiques pour l'enquête et la
répression des infractions numériques. Les principales
procédures sont les suivantes:
1.1.1. La procédure pénale classique:
Les infractions de
cybercriminalité, comme l'accès frauduleux
à un système informatique, la fraude informatique, ou la
diffusion de virus, sont poursuivies dans le cadre de la procédure
pénale traditionnelle. Le Code de procédure pénale (CPP)
prévoit l'enquête et l'instruction, avec des mesures
adaptées aux particularités de la cybercriminalité.
1.1.2. Les enquêtes préliminaires et
judiciaires: Les cyber
enquêtes peuvent être menées par la
gendarmerie nationale ou la police nationale, qui disposent d'unités
spécialisées, telles que la police judiciaire numérique.
Ces unités ont des compétences particulières pour mener
des investigations techniques et recueillir des preuves numériques.
En cas de cybercriminalité grave, les affaires peuvent
être transmises à des juridictions spécialisées,
comme le Tribunal judiciaire ou, pour les affaires plus complexes, à la
Cour d'appel.
La coopération internationale: La France, en tant que
membre de l'Union européenne, d'Europol et d'Interpol, est fortement
impliquée dans la coopération internationale pour lutter contre
la cybercriminalité. Les autorités françaises peuvent
demander des informations ou des poursuites dans d'autres pays et participer
à des enquêtes transfrontalières.
1.2. Le droit congolais (RDC)
Le Code Congolais du Numérique (CCN), adopté par
l'ordonnance-loi n° 023/10 du 13 mars 2023, met en place un cadre
juridique pour la répression des infractions numériques en
République Démocratique du Congo. Toutefois, la procédure
de répression en RDC présente certaines
spécificités:
1.2.1. Procédures d'enquête et de
répression: En RDC, les
infractions numériques sont également
réprimées par la procédure pénale traditionnelle,
mais avec des adaptations spécifiques pour les crimes informatiques.
L'ordonnance-loi du 13 mars 2023 prévoit la mise en place de
procédures adaptées aux spécificités de la
cybercriminalité, mais leur mise en oeuvre demeure un défi en
raison des ressources limitées.
1.2.2. Les autorités
compétentes:
Les unités spécialisées de la Police
Nationale Congolaise (PNC) et du Renseignement militaire sont en charge des
enquêtes liées à la cybercriminalité. Cependant, la
capacité de ces unités à traiter les affaires complexes de
cybercriminalité reste limitée par des enjeux de formation,
d'équipement et de moyens.
En cas d'infractions graves, les autorités judiciaires
congolaises, notamment le Parquet général et les tribunaux
compétents, peuvent être saisies pour mener des enquêtes et
prononcer des sanctions. L'unité cybercriminalité pourrait aussi
intervenir si elle est mise en place.
La coopération internationale: Bien que la RDC soit
membre d'organisations internationales telles que Interpol et l'Union
africaine, la coopération transfrontalière reste encore
balbutiante. Les défis incluent le manque d'accords bilatéraux
pour la répression de la cybercriminalité et l'insuffisance des
mécanismes de collaboration intergouvernementaux en matière de
cybersécurité.
§2. Comparaison des autorités
compétentes
2.1. En France
Les autorités compétentes en matière de
répression de la cybercriminalité en France sont bien
établies et comprennent plusieurs acteurs, chacun ayant des rôles
spécifiques dans le processus judiciaire et administratif:
La police et la gendarmerie nationales : Ces forces de l'ordre
disposent de cellules spécialisées dans la
cybercriminalité. Elles sont responsables de l'enquête, de la
collecte de preuves et de la mise en oeuvre de mesures judiciaires comme les
perquisitions.
Les juridictions spécialisées : Selon la
gravité des infractions, les affaires peuvent être traitées
par les tribunaux de grande instance ou, dans le cadre des juridictions
spécialisées, par le Tribunal correctionnel ou la Cour d'appel.
La France dispose également de tribunaux spécialisés
La direction des technologies et de l'innovation : Le
ministère de l'Innovation et des Nouvelles Technologies joue un
rôle dans la régulation
dans les affaires de sécurité nationale qui
peuvent traiter des questions complexes de cybercriminalité (ex. :
terrorisme numérique).
Le parquet et les juges d'instruction: Dans les cas de
cybercriminalité complexe, un juge d'instruction
spécialisé peut être désigné pour
enquêter et ordonner des perquisitions informatiques.
Les autorités administratives : Des agences comme
l'ANSSI (Agence nationale de la sécurité des systèmes
d'information) jouent un rôle crucial dans la prévention et la
réponse aux incidents de cybersécurité.
2.2. En République Démocratique du Congo
(RDC)
Les autorités compétentes en matière de
répression de la cybercriminalité en RDC sont moins
structurées que celles de la France, mais elles commencent à se
renforcer avec la promulgation du Code Congolais du Numérique:
La Police nationale congolaise (PNC) : Bien que la PNC dispose
d'unités spécialisées dans la cybercriminalité, ces
dernières ne sont pas encore aussi développées que celles
de la France. Les enquêtes sont souvent menées avec l'aide
d'experts en technologies de l'information ou de sociétés
privées de cybersécurité.
Le Ministère de la Justice : Les tribunaux de grande
instance et les cours d'appel sont compétents pour juger les affaires de
cybercriminalité. Les juges et procureurs congolais sont responsables de
l'instruction et de la poursuite des infractions numériques, bien qu'ils
manquent de ressources pour traiter efficacement des affaires complexes.
Le procureur de la République : Comme en France, le
procureur de la République est responsable de la direction des
enquêtes en matière de cybercriminalité et de l'engagement
des poursuites.
et la supervision des activités numériques, mais
son rôle dans la répression des infractions est encore en
développement.
§3. Procédure de répression :
Comparaison
a. La procédure en France
La procédure de répression de la
cybercriminalité en France repose sur un système d'enquêtes
rigoureuses, qui peuvent inclure des mesures spéciales comme:
> Les écoutes électroniques et les
interceptions de communications (par exemple, pour les infractions de piratage
ou de fraude en ligne).
> Les perquisitions informatiques et la saisie de
matériel informatique.
> Les enquêtes transfrontalières, rendues
possibles par les accords européens comme Eurojust et Europol,
facilitent l'investigation des crimes numériques qui dépassent
les frontières nationales.
b. La procédure en RDC
La procédure en RDC est en train de se structurer
autour du Code Congolais du Numérique. Cependant, plusieurs défis
existent:
> Absence de procédures spécialisées :
Les procédures de répression ne sont pas encore aussi
spécialisées qu'en France, et les autorités
compétentes manquent de formation et de ressources pour mener des
enquêtes numériques complexes.
> Des défis de coopération internationale:
Bien que la RDC soit membre d'Interpol, elle manque souvent d'accords
bilatéraux ou d'une coopération intergouvernementale
formalisée avec d'autres pays dans le domaine de la
cybersécurité, ce qui complique la gestion des cybercrimes
transnationaux.
En conclusion, bien que les deux pays partagent des objectifs
similaires en matière de répression de la
cybercriminalité, leurs systèmes diffèrent sensiblement en
termes de procédures et d'autorités compétentes. La France
bénéficie d'un cadre législatif et institutionnel
avancé, avec des autorités spécialisées et une
forte coopération
internationale. En revanche, la République
Démocratique du Congo est encore en phase de consolidation de son cadre
juridique et institutionnel pour faire face à la
cybercriminalité, mais le Code Congolais du Numérique de 2023
marque un pas important vers l'amélioration de cette situation.
Les défis de la RDC incluent un manque de ressources et
de formations spécifiques pour ses autorités, tandis que la
France dispose de structures adaptées et expérimentées
pour gérer les infractions numériques. Les deux pays devront
renforcer la coopération internationale et développer des
capacités locales pour traiter les cyber infractions de manière
plus efficace.
V' Unités spécialisées au sein des
forces de l'ordre: Comme en France avec les entités comme l'Office
Central de Lutte contre la
CHAPITRE 2. PERSPECTIVES POUR L'AMÉLIORATION DE
LA RÉPRESSION DE LA CYBERCRIMINALITÉ EN DROIT
CONGOLAIS
Pour l'amélioration de la répression de la
cybercriminalité en droit Congolais, nous allons faire ci-dessous des
propositions.
La répression efficace de la cybercriminalité en
République Démocratique du Congo (RDC) à l'ère du
Code numérique congolais nécessite une approche
multidimensionnelle. Il est crucial de s'inspirer de systèmes juridiques
plus développés, comme le droit français, tout en tenant
compte des particularités locales. Voici quelques recommandations pour
améliorer l'efficacité de la lutte contre la
cybercriminalité en RDC :
1. Renforcer le cadre législatif et
réglementaire
Le Code numérique congolais doit être complet et
aligné avec les standards internationaux en matière de
cybercriminalité. Il peut être utile de :
V' Compléter les lacunes dans la loi
concernant certaines infractions numériques qui ne sont pas
couvertes.
V' Introduire des sanctions dissuasives et
proportionnées aux crimes commis (comme en droit français avec
des peines graduées selon la gravité des infractions).
V' Harmoniser les textes législatifs avec les
conventions internationales pertinentes, telles que la Convention de Budapest
sur la cybercriminalité, pour renforcer la coopération
internationale.
2. Établir des autorités
spécialisées
La création de structures dédiées
à la lutte contre la cybercriminalité est essentielle :
Criminalité liée aux Technologies de
l'Information et de la Communication (OCLCTIC), la RDC devrait avoir des
unités de police formées spécifiquement à la
cybercriminalité.
V' Autorités de régulation
numérique: Une agence nationale dédiée à la
régulation des technologies de l'information, qui pourrait
également surveiller les infractions numériques et fournir un
appui technique aux autorités judiciaires.
3. Renforcer les capacités techniques et
humaines
V' Formation des magistrats et des forces de l'ordre: Il
est essentiel de former les juges, procureurs, policiers et autres
fonctionnaires à la spécificité des crimes
numériques. L'expérience française montre que la
compréhension des enjeux techniques est primordiale pour une
réponse judiciaire efficace.
V' Investir dans des outils technologiques: Il faut
doter les autorités de logiciels et d'équipements
spécialisés pour la détection, le traçage, et la
collecte de preuves dans les affaires de cybercriminalité.
4. Améliorer la coopération
internationale
La cybercriminalité étant souvent
transnationale, la RDC doit s'engager dans des accords de coopération
avec d'autres États et organisations internationales. S'inspirer des
pratiques françaises en matière de coopération judiciaire
via l'Interpol, l'Europol, ou la Convention de Budapest serait
bénéfique.
A ce niveau, la convention de Budapest n'étant pas
assortie de mesures contraignantes, pour la répression de la
cybercriminalité transnationale, nous proposons la création d'un
code pénal international ou cybercriminel international. Comme c`est le
cas avec le statut de Rome la Cour pénale internationale, ce code
pénal international que nous voulons cybercriminel doit
spécifiquement prévoir et punir toutes les infractions
numériques prévus par la convention de Budapest. Ce code
cybercriminel international sera donc appliqué par une juridiction
spécifique que nous voulons, la Cour cybercriminelle
internationale en suivant la procédure prévue par la convention
de Budapest.
5. Sensibilisation et prévention
V' Campagnes de sensibilisation: Informer les citoyens et les
entreprises des risques liés à la cybercriminalité et des
bonnes pratiques en matière de sécurité numérique.
Cela inclut la protection des données personnelles, la
sécurité des mots de passe, et la vigilance face aux tentatives
de phishing.
V' Programmes éducatifs: Introduire des cours sur la
cybersécurité dans les programmes scolaires et universitaires
pour former une nouvelle génération de citoyens conscients des
dangers du numérique.
6. Faciliter l'accès à la justice pour les
victimes
V' Canaux de plaintes simplifiés: Créer des
plateformes numériques où les victimes peuvent facilement
signaler des infractions en ligne.
V' Assistance juridique: Offrir une aide juridique aux
victimes de cybercrimes, en particulier pour les personnes les plus
vulnérables qui ne maîtrisent pas les technologies.
7. Mettre en place une cyber-surveillance
légale
Surveillance proactive: Comme le fait la France avec des
systèmes de surveillance des réseaux pour identifier les
activités suspectes, la RDC pourrait envisager la mise en place de
structures qui veillent à la sécurité nationale sur
Internet, tout en respectant les droits fondamentaux tels que la vie
privée.
8. Collaboration avec le secteur
privé
Les fournisseurs d'accès à Internet (FAI), les
entreprises technologiques et les opérateurs de
télécommunication doivent être impliqués dans la
lutte contre la cybercriminalité. Ils peuvent collaborer
en signalant les activités suspectes, en bloquant
l'accès à certains sites dangereux, et en aidant à
l'identification des cybercriminels.
Pour que la répression de la cybercriminalité en
RDC soit aussi efficace qu'en France, il est nécessaire de :
( Adopter une législation complète et
adaptée aux réalités numériques.
V' Créer des structures
spécialisées et former les professionnels du domaine.
V' Collaborer avec des acteurs internationaux et
locaux.
V' Sensibiliser le public aux dangers du cyberespace.
En s'inspirant des pratiques françaises tout en tenant
compte des spécificités locales, la RDC pourra significativement
améliorer sa capacité à lutter contre la
cybercriminalité.
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