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Liberté de la presse et droits fondamentaux en France et en Ecosse: influence de la CEDH

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par Abderrahman BENYAHYA
Université d'Auvergne Clermont I - DU Etudes Juridiques et Politiques Comparées 2007
  

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Paragraphe 2: La protection de la jeunesse

En France, la disparition de l'outrage aux bonnes moeurs n'a pas seulement donné naissance à la profusion du principe de respect de la dignité de la personne humaine, mais a aussi renforcé la législation sur les publications destinées à la jeunesse. Mais contrairement à l'Écosse où la législation générale sur l'obscénité s'est peu à peu restreinte aux publications visant la jeunesse (A), la France a vu sa législation spécifique être détournée de son but aux dépends de la liberté de la presse (B)

A- La jeunesse comme une cible à protéger des influences démoralisantes et violentes

1. Écosse : L'évolution du délit d'obscénité à des fins de protection de l'enfant

Le philosophe grec Platon avait déjà exprimé son inquiétude au sujet de l'influence des poèmes dramatiques sur les « esprits impressionnables » des jeunes personnes. Depuis les différentes formes que prennent les médias ont été considérées comme source de dépravation de la jeunesse : au dix neuvième siècle, il s'agissait de la littérature romantique, aux vingtième siècle les films, les bandes dessinées ainsi que les 'mangas' qui ont été la cibles d'attaques du fait de la violence de leur scène qui s'insinue dans l'esprit du public jeune: la délinquance juvénile a pour partie été expliquée par la profusion dans les médias de ce type de productions. 133(*)

Concernant la Common Law, le crime d'outrage aux bonnes moeurs requiert de la publication qu'elle ait un « effet pernicieux » sur la personne destinataire c'est-à-dire qu'elle mène à un « dévoiement moral »134(*). L'interprétation requiert une appréciation in abstracto selon le critère du «bon père de famille » : ainsi le fait qu'une publication provoque une réponse sexuelle normale chez un public adulte ne suffit pas à remplir la condition de l'effet pernicieux.135(*) Dans cette affaire le sheriff a observé que « dans les conditions modernes, cela doit signifier qu'on exige plus que le simple fait de stimuler les désirs sexuels normaux chez les adultes » et ajoute que « l'opinion publique actuelle garde encore en vue le fait qu'une activité sexuelle avec la participation d'enfants soit de la perversité ». Par l'utilisation de la technique de l'instrument vivant, la Common Law a restreint l'infraction d'outrage aux bonnes moeurs aux enfants et adolescents.

Elle a été complétée par des Statuts: la protection dès lors n'est pas seulement garantie contre le risque de la publication obscène mais, le législateur a aussi prévu la punition d'une mise en scène sexuelle de l'enfant. Pour ce qui est du premier volet de la protection de l'enfance, l'Indecent Displays Act reconnaît parmi les dérogations à l'interdiction d'exposer du matériel impudique quand les personnes de moins de 18 ans ne sont pas autorisées. 1.le fait que l'accès du lieu soit payant sur le fondement du caractère indécent de la publication, 2.l'accès à la boutique qui vend de tels produits soit signalé d'un avertissement adéquat.

Afin de combattre la pédophilie, la législation sur la protection de l'enfance interdit de prendre une photographie indécente d'un enfant (personne de moins de 16 ans), au surplus il est prohibé de la distribuer, montrer, posséder avec l'intention de distribution et d'en faire la publicité. L'article 160 du Criminal Justice Act de 1988 dispose en outre que : « la possession de photographies indécentes ou de pseudo-photographies d'un enfant est une infraction grave punissable d'une peine de maximale de six mois  d'emprisonnement». Cette disposition a été utilisée avec succès dans de nombreuses condamnation pour possession de photographie de pornographie infantile.

2. France: la persistance du régime préventif au nom de la protection de l'enfant

La loi du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse a la particularité de mettre en place un régime répressif exorbitant du droit commun: elle met en place un système préventif qui met en péril le caractère fondamental de la liberté de la presse tel que définie par le Conseil Constitutionnel dans la décision précité `Entreprise de presse`. C'est donc une arme dangereuse qui peut réhabiliter la censure connue avant la loi de 1881.

La loi de 1849 est entrée en vigueur avec la publication d'un décret du 1er Février 1950: elle est destinée à restreindre la liberté d'expression pour les publications principalement destinées à la jeunesse sur le fondement de la protection de la moralité. Ainsi l'article 2 dispose que les publications « ne doivent comporter aucune illustration, aucun récit, aucune chronique, aucune rubrique, aucune insertion présentant sous un jour favorable le banditisme, le mensonge, le vol, la paresse, la lâcheté, la haine, la débauche ou tous actes qualifiés crimes ou délits ou de nature à démoraliser l'enfance ou la jeunesse, ou à inspirer ou entretenir des préjugés ethniques » et ne « doivent comporter aucune publicité ou annonce pour des publications de nature à démoraliser l'enfance ou la jeunesse ». Pour veiller à l'application de ces mesures, une commission est instituée au ministère de la justice à l'article 3 pour signaler aux autorités compétentes les infractions à la loi. En outre, l'article 14 de cette loi donne la compétence au ministère de l'intérieur d'interdire la diffusion, la vente, l'exposition en public et la publicité à des mineurs de moins de 18 ans de publications à caractère licencieux et protection de la jeunesse pornographique ou qui présentent un danger du fait « de la place faite au crime ou à la violence, à la discrimination ou à la haine raciale, à l'incitation, à l'usage, à la détention ou au trafic de stupéfiants ». Ce régime juridique quoique autoritaire (interdiction préalable) a été considéré conforme à l'article 10 de la convention européenne par le Conseil d'Etat dans son arrêt du 19 Janvier 1990136(*) et confirmé postérieurement.137(*)

Ainsi cette loi a été utilisée par le ministre de l'intérieur dans une série d'affaires du fait du caractère pornographique138(*) et du prosélytisme envers la pédophile des publications139(*). Récemment le ministre s'est prévalu de cette législation pour interdire par arrêté à la revue BRUT d'être proposée, donnée, vendue aux mineurs et exposée par les éditions de presse : il reprochait à cette publication « la place faite à la violence dans cette revue », ainsi que « le danger qu'elle représente pour les mineurs qui pourraient l'acquérir ». Le Conseil d'Etat a refusé l'annulation d'une telle décision qui trouve sa justification du fait « de nombreuses photographies de cadavres mutilés, à la suite d'agressions ou d'accidents destinés à choquer le lecteur par leur caractère violent ainsi que des photographies pornographiques ». Par ailleurs, le moyen tiré de la violation de l'article 10 est inopérant dans la mesure où l'atteinte apportée à la liberté d'expression entre dans le champ d'application de l'article 10 (2) et n'est pas disproportionnée.

* 133 G. Sutter, 'nothing new under the sun': old fears and New Media', International Journal of Law and IT, 1 September 2000, 2000 8 (338).

* 134 Tudhope v Barlow préc., 94.

* 135 Lockhart v Stephen 1982 SCCR 642 p 645-646.

* 136 CE, 19 Janv. 1990, Société Française de revues, AJDA 1990, p124.

* 137 CE, 28 Juillet 1995, Association Alexandre ; du même jour voir aussi Association "les Dioscures" et Association "les amis de gaie France magazine" ; CE, 30 décembre 1998, S.A.R.L. BROADWAY ; CE. Sect., 13 septembre 2006, Société de presse.

* 138 CE, 30/12/1998, 10 / 7 SSR, 198125, Inédit au Recueil Lebon .

* 139 CE, 28/07/1995, Association «Les amis de gaie France magazine»

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