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Liberté de la presse et droits fondamentaux en France et en Ecosse: influence de la CEDH

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par Abderrahman BENYAHYA
Université d'Auvergne Clermont I - DU Etudes Juridiques et Politiques Comparées 2007
  

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Titre 2 : Propos racistes et négationnistes: traitement plus répressif en France

Conformément à la jurisprudence de la Cour européenne, la répression des publications à caractère raciste ou à l'encontre d'un groupe déterminé de la société constitue un but légitime de protection de la réputation et des droits d'autrui nécessaire dans une société démocratique 141(*) mais une affaire Jersild c/ Danemark est venue jeter le trouble sur cette dernière exigence bien qu'en réalité il s'agisse d'une apparence (Section I). Reste que comme le soulève le dernier rapport de RSF la prohibition des thèses négationnistes, sous marge d'appréciation des États, suscite des interrogations quant à l'existence d'un besoin social impérieux la justifiant. Bien que la Cour Européenne se soit prononcée en faveur de son maintien (Section II).

Section I : L'incitation à la haine raciale et à la discrimination

Le droit des autres de ne pas souffrir de la haine raciale et de la discrimination est une justification légitime de la limitation de la liberté de la presse dans le droit de la Convention Européenne si on relie l'article 10 avec l'article 14 qui interdit toute discrimination fondée « sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ». En outre, L'article 17 de la Convention Européenne qui condamne l'abus de droit justifie que l'article 10 ne peut être utilisé pour s'en prendre aux valeurs de pluralisme de tolérance et l'ouverture d'esprit sans lequel selon la Cour Européenne142(*) il n'est pas de "société démocratique". Ainsi, l'article 10 ne peut être utilisé pour protéger la littérature promouvant la haine raciale143(*) comme le prévoient les législations française et écossaise.(paragraphe 1). Toutefois, ce principe trouve sa limitation dans l'arrêt Jersild: la diffusion par les médias de propos racistes dans le cadre d'un reportage sur les groupes extrémistes n'est pas de nature à justifier une ingérence dans la liberté d'expression 144(*)(paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Étendue diversifiée de la protection de la personne

Avec la protection de la morale, la prohibition de la discrimination fait partie des notions à « double visage » au sens où on peut les entendre comme partie intégrante de la protection de l'intérêt public et, en même temps en tant que protection des droits de la personne. Si les deux systèmes reconnaissent cette particularité, il est notable qu'en ce qui concerne le délit de presse, la France a penché pour une approche plus « individualiste » avec l'utilisation de la législation relative à la diffamation et à l'injure (B), tandis que l'Écosse réprime les expressions racistes dans le cadre de la protection de l'ordre public (A). On pourrait analyser cette différence en notant que l'Écosse en tant que pays anglo-saxons a choisi le modèle du multiculturalisme ou elle reconnaît l'existence de minorités, alors que la France, forte de la laïcité et de l'indivisibilité de la Nation ne reconnaît, que des citoyens égaux devant la loi.

A- En Écosse: la protection dans le cadre de l'ordre public

En droit interne, le Public Order Act145(*) est la législation pertinente bien qu'elle ait trait à l'ordre public car, elle contient les règles générales concernant l'incitation à la haine raciale: ce texte dispose qu'il est interdit de s'exprimer ou d'agir dans un lieu public d'une manière susceptible d'encourager la haine raciale: le fait d'utiliser sciemment ou de diffuser sur papier des propos insultant, dangereux ou abusif qui développent la haine contre un groupe racial est un délit.146(*) Le groupe racial est défini comme tout groupe de personnes par référence à la couleur la race, la nationalité, l'ethnie ou les origines nationales.

La loi a été conçue de telle manière qu'elle ne puisse pas inclure parmi les personnes protégées les sionistes car c'est une appellation plus politique qu'ethnique ou nationale147(*), et, les musulmans protégés ailleurs par la loi sur les circonstances aggravantes des délits et des peines de 2003.148(*) Il faut noter que cette législation a été critiquée car elle n'apporte pas de solution concernant les manifestations et marches pacifiques à motivation raciste.149(*)

Ces limitations ne sont pas absolues et sont donc l'objet d'exceptions150(*) : il y a une exonération complète si l'élément moral est absent c'est-à-dire que l'auteur de la publication n'avait pas eu pour intention d'inciter à la haine raciale et qu'il ne pensait pas que les mots utilisés ou son comportement aient pu être menaçants, abusifs ou insultants. Par ailleurs, il a été pris en compte le fait que les comptes-rendus parlementaires ne puissent faire l'objet de poursuite151(*).

Cette législation est critiquée par Geoffrey Robertson et Andrew Nicol dans leur manuel Media Law: en effet, selon eux, « la législation sur la haine raciale peut potentiellement réprimer l'expression d'opinions politiques sincères bien que formulées en des termes vulgaires ou insultants ». Ils prennent en exemple l'affaire R. v. Malik dont laquelle la première personne visée par ces textes fut Michael X, condamné par un jury blanc en 1967 pour avoir tenu des propos de militant des Black Power. Ils soulignent que paradoxalement, celui-ci fut remplacé par un autre activiste interdit de séjour en Grande-Bretagne et qui sera 30 années plus tard salué pour avoir identifié un racisme institutionnel! Par ailleurs toujours selon les auteurs, condamner des idées racistes c'est en fait contribuer à leur faire de la publicité et transformer des coupables en martyrs.152(*) Toutefois, d'une part il semble inacceptable de justifier la tenue de propos racistes par le fait d'être victime d'un autre racisme: dans ce contexte, il n'y a plus de place pour la coexistence et la tolérance et, les revendications politiques des minorités oppressées ne peuvent que paraître déplacées du fait de cette position. En outre, la publicité qu'un procès entraîne peut s'analyser de façon tout à fait inverse: à savoir que la peine a une force dissuasive et montre la désapprobation de la société dans son entier. Il appairait clairement que la législation est justifiée même si les effets qu'elle engendre peuvent paraître inattendus.

Hormis cette législation, le parlement a voté une loi, le Sex Discrimination Act 153(*) qui rend illégale toute publicité discriminatoire fondée sur le sexe: même l'utilisation de termes connotés pour la description d'un emploi (`barman`, `sales girl`) contrevient à cette loi. L'Equal Opportunities Commission a été créée pour intenter des actions contre l'éditeur de telles publicité dans les six mois qui suivent la publication.

Cette législation fondée sur l'ordre public n'est pas toujours satisfaisante en soi car elle amène en quelque sorte à mettre tous les faits divers à caractère raciste au devant de la scène publique: il est parfois préférable d'identifier le problème dans son contexte à des fins uniques de protection des droits de la personne lésées comme c'est le cas en France.

* 141 CEDH, Jersild c/ Danemark, 23 Septembre 1994, Série A298, par.30.

* 142 CEDH, Handyside c/ Royaume Uni, par 49.

* 143 Voir Jersild c/ Danemark, 1995.

* 144 Ibid. Para 25-36.

* 145 Public Order Act 1986, Part III s.17.

* 146 Ibid s18.

* 147 Crown Suppliers v. Dawkins [1993] 1 All E.R. 306.

* 148 R v. DPP, ex p. Merton B.C[1999] C.O.D 1961.

* 149 The Law of human Rights, 15.122, p1052.

* 150 P Carey, Media Law, Sweet and Maxwell second edition (1999) P132-133.

* 151 Public Order Act, s25.

* 152 G. Robertson et A. Nicol, Media Law, 4th ed. Pinguin Books, Sweet et Maxwell (2002) p220-2221

* 153 Sex Discrimination Act 1975, s38

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