WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Liberté de la presse et droits fondamentaux en France et en Ecosse: influence de la CEDH

( Télécharger le fichier original )
par Abderrahman BENYAHYA
Université d'Auvergne Clermont I - DU Etudes Juridiques et Politiques Comparées 2007
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Paragraphe 2 : Les risques inhérents aux lois mémorielles

Elles ont été critiquées non seulement par Reporters Sans Frontière, mais il existe aussi un mouvement d'historiens qui craignent l'instauration d'une vérité historique (B) malgré les limites posées par la Cour Européenne dans son arrêt Lehideux c/ France (A).

A- Les limites juridiques dans l'affaire Lehideux

Dans cette affaire, la France a été sanctionnée pour violation de l'article 10 pour avoir condamné la parution d'un article dans Le Monde pour apologie des crimes ou délits de collaboration avec l'ennemi inscrit aux articles 23 et 24 de la loi de 1881 .Cet article avait pour titre «Français, vous avez la mémoire courte» et se donnait pour ambition de réhabiliter le maréchal Pétain aussi bien pour les actions militaires que politiques présentées comme salutaires pour le peuple français (sur la période 1940-1945). Ainsi la cour de cassation avait retenu la condamnation car « en présentant comme digne d'éloge une personne condamnée pour intelligence avec l'ennemi, l'écrit a magnifié son crime et, ainsi, fait l'apologie dudit crime » et, par ailleurs, elle a rejeté le moyen selon lequel cette sanction méconnaîtrait l'article 10 de la Convention Européenne. Cette décision nous intéresse bien qu'elle ne soit pas directement reliée au délit de contestation de crimes contre l'humanité: elle met en balance la liberté de la presse avec l'expression d'opinions hétérodoxe sur l'histoire.

En effet, le gouvernement a invoqué devant la Cour Européenne l'incompatibilité de cette expression avec les dispositions de la Convention en vertu de son article 17 pour justifier de l'absence de violation de l'article 10. En effet, selon lui, la publication du texte incriminé avait pour but inacceptable la révision de la condamnation de Philippe Pétain et aurait au surplus présenté de façon éronnée certains évènements historiques soit en déformant la réalité ou en omettant de souligner une partie comme la collaboration du régime de Vichy avec les nazis172(*). La Cour Européenne se refuse toutefois d'arbitrer la question historique car elle relève « d'un débat toujours en cours entre historiens sur le déroulement et l'interprétation des événements dont il s'agit ». Elle la différentie ainsi de la contestation des « faits historiques clairement établis - tel l'Holocauste - » soustraite à la protection de l'article 10 par l'article 17. En l'espèce, ce n'était pas le cas mais les requérants ont soutenu la thèse dite du « double jeu » ou de la politique « suprêmement habile » de Philippe Pétain. La Cour a dû se prononcer sur le caractère unilatéral de la publication et le silence sur des événements qui participent directement de l'Holocauste s'ils justifient de l'ingérence.

La Cour retient que si la justification d'une politique nazie ne saurait bénéficier de la protection de l'article 10, la publication incriminée s'est démarquée des « atrocités » et des « persécutions nazies » ainsi que de la « toute-puissance allemande et [de] sa barbarie ». Toutefois le silence gardé sur la contribution et la responsabilité de Philippe Pétain dans la commission de ces crimes contre l'humanité quoique condamnable moralement n'est pas en soi suffisant pour justifier de la condamnation pénale jugée disproportionnée par rapport aux buts poursuivis. Elle affirme un principe fondamental:

Même si des propos tels que ceux des requérant sont toujours de nature à ranimer la controverse et à raviver des souffrances dans la population, le recul du temps entraîne qu'il ne conviendrait pas, quarante ans après, de leur appliquer la même sévérité que dix ou vingt ans auparavant. Cela participe des efforts que tout pays est appelé à fournir pour débattre ouvertement et sereinement de sa propre histoire. (...) la liberté d'expression vaut non seulement pour les « informations » ou « idées » accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent : ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et l'esprit d'ouverture sans lesquels il n'est pas de « société démocratique ».

Ainsi, en refusant de reconnaître l'application de l'article 17 à cette affaire, la Cour Européenne pose les garanties essentielles pour empêcher l'imposition d'une histoire officielle en élargissant la pénalisation des thèses négationnistes aux opinions controversées sur les faits historiques ne faisant pas l'objet de consensus. Ce garde-fou indispensable ne semble pourtant pas suffisant car, c'est l'existence même du délit de contestation de crimes contre l'humanité qui est critiquée d'autant qu'il y a tentative d'élargir le champ d'application des lois mémorielles à d'autres génocides et à d'autres évènements historiques.

* 172 Selon la Cour d'appel: « l'éloge sans réserve de [la] politique [de Montoire] qui n'est autre que celle de la collaboration »

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery