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Liberté de la presse et droits fondamentaux en France et en Ecosse: influence de la CEDH

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par Abderrahman BENYAHYA
Université d'Auvergne Clermont I - DU Etudes Juridiques et Politiques Comparées 2007
  

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Chapitre II: L'uniformisation des limites de la liberté de communication des informations.

Contrairement à l'expression pure d'opinions qui peuvent heurter les droits d'autrui, les informations dont la divulgation est susceptible de porter atteinte au droit de la personne sont confrontées à un contrôle renforcé de la Cour Européenne et bénéficient d'une marge d'appréciation restreinte: la presse en tant que «chien de garde» est tenue par une obligation de fournir des informations en particulier sur les questions débattues dans l'arène politique et tout secteur d'intérêt public179(*). Cet aspect de la liberté de la presse se trouve au coeur même de la notion de société démocratique ultime but du droit conventionnel: par conséquent, les limitations doivent avoir un caractère exceptionnel et le test de proportionnalité se déplace à la faveur de la liberté de la presse. Ainsi, aussi bien en Écosse qu'en France, la Convention Européenne et particulièrement la jurisprudence de la Cour Européenne ont apporté des évolutions juridiques qui ont rapproché les deux droits nationaux. Toutefois, contrairement au droit à un procès équitable (titre II) , l'influence européenne a été perçue très différemment en ce qui concerne la protection de la réputation et du droit de la vie privée du fait de législations nationales (titre I).

Titre I: Convergence des législations protectrices de la réputation et du droit a la vie privée

En Écosse comme c'est le cas dans de nombreux pays anglo-saxons, le droit au respect de la vie privée est moins protecteur que celui de la France: c'est pourquoi le développement du droit européen (plus protecteur de la vie privée) par incorporation a été perçu comme une menace à la liberté de la presse (section1). Quant à la protection de la réputation d'autrui, l'influence de la Cour Européenne s'est particulièrement faite ressentir en France pour ce qui est de la diffamation envers les personnages publics (section2)

Section 1: la protection de la vie privée: menace par ou sur la liberté de la presse?

Le droit au respect de la vie privée inscrit à l'article 8 de la Convention Européenne figure parmi les droits d'autrui qui justifient l'ingérence dans la liberté de la presse. Du fait de l'absence d'un réel droit au respect de la vie privée, l'incorporation de la Convention par les lois 'Human Rights Act et 'Scotland Act' a été perçue comme une menace pour la liberté de presse (paragraphe 1). Au contraire de la France pour qui l'influence de la Cour Européenne va apporter de nouvelles atténuations pour les hommes politiques et les débats d'intérêt public (paragraphe 2)

Paragraphe 1: L'Ecosse: des craintes suscitées par l'incorporation de la Convention sur la liberté de la presse

En effet, la question de l'impact de l'incorporation de la Convention dans le droit interne sur la liberté de la presse a soulevé une grande inquiétude parmi les parlementaires lors du vote de l'HRA180(*). Certains ont considéré qu'il y aurait un risque que les cours écossaises accordent par une approche activiste de l'interprétation de l'article 8, une protection exagérée au droit au respect de la vie privée au détriment de la liberté de la presse.181(*) Car, avec l'intégration de droit de la convention, l'exercice de la liberté de la presse se retrouve au même rang que celui du droit au respect de la vie privée et familiale, ce qui n 'était pas le cas antérieurement (A). Mais une analyse de la jurisprudence européenne et de celle des juridictions écossaises post-HRA amène à plus de circonspection (B) car s'il y a une évolution, elle demeure peu perceptible.

A- Raison de l'inquiétude: l'absence de législation sur la vie privée

L'écosse est connue, avant l'intégration, pour son incapacité judiciaire et son refus législatif de traiter de l'immixtion des médias dans la vie privée. Pour preuve, elle n'a pas réussit à mettre en place une législation générale régissant ce domaine: la jurisprudence reconnaît elle-même la non existence au Royaume Uni d'un droit spécifique au respect de la vie privée dans l'arrêt Kaye v Robertson 182(*)« il n'y a pas de recours possible contre la violation de la vie privée d'une personne » Elle a par ailleurs, une approche minimaliste de la protection du droit à la vie privée: les seules règles juridiques conditionnant ce domaine sont dispersées entre les législations sur les perquisitions policières, la violation de propriété privée, le droit d'auteur et le droit de la confidentialité et de la calomnie. Et, le droit a la vie privée est traditionnellement défini en Grande-Bretagne de façon très restrictive comme la protection contre « la publicité indésirable ». Concernant la liberté de la presse, la jurisprudence ne reconnaissait de limitation à la liberté de la presse que rarement lors d'une contradiction entre ces deux droits.

C'est pourquoi l'HRA 1998 exige dans la section 12 que les juridictions britanniques tiennent compte de l'importance de la liberté d'expression lors des affaires qu'elles traitent en établissant des règles de procédures plus strictes et en mettant l'accent sur l'intérêt public et sur tout code sur la vie privée.183(*) Ce dernier fait référence au `Press Complaints Commission's Code of Practice` qui demeure plus un code de conduite qu'une législation à proprement parler comme son nom l'indique. En effet il a été crée par l'industrie de la presse siégeant en Press Complaint Commission, autorité indépendante sans personnalité juridique et qui a pour vocation d'être « la pierre angulaire du système d'autorégulation que l'industrie s'est engagée à respecter ». Il contient ainsi des dispositions régissant le droit à la vie privée dans son rapport avec la liberté de la presse. Ainsi, dans sa clause 3, il dispose que « chacun à droit au respect de sa vie privée et familiale, son domicile, sa santé et sa correspondance » et ajoute qu'«est exigée d'une publication de justifier toute immixtion dans la vie privée d'un individu sans consentement ». Toutefois, cette limitation se trouve réduite par la présence à la clause 1 d'une disposition qui fournit des exceptions à cette obligation quand `l'intérêt public` peut être démontré. Certes, aucune de ces règles n'est très éloignée des exigences des articles 8 et 10 de la Convention. Mais, ce système est extrajudiciaire et ne peut satisfaire à l'exigence d'un recours effectif car la Commission n'a pas le pouvoir de sanction ni l'habilitation d'allouer des dommages-intérêts aux victimes de la violation du Code. 184(*)

L'intégration de la section 12 dans l'HRA avait aussi pour but de restreindre la capacité des juges de limiter la liberté de la presse par une lecture trop protectrice du droit à la vie privée. Le problème avec cette disposition c'est qu'elle ne suffit pas pour atteindre ce but car les juridictions sont dans l'obligation de se conformer non seulement à la Convention mais aussi à la jurisprudence de la cour de Strasbourg. Par ailleurs, comme l'a indiqué le Lord Chancellor à la Chambre des communes, la Press Complaints Commission devrait être considérée comme l'une des autorités publiques et devrait donc se conformer à l'article 6(3) qui exige d'elles la prise en compte dans leurs décisions de la jurisprudence de la Cour Européenne.185(*) Donc, l'intégration du droit européen devrait apporter malgré cette tentative, un changement conséquent à la situation en Écosse en poussant au développement constructif du droit à la vie privée contre la liberté de la presse.

Ainsi, la définition du droit à la vie privée dans l'arsenal juridique européen est bien plus vaste que celle connue au Royaume Uni (droit d'être protégé contre toute intrusion non désirée). Elle comprend non seulement les 4 piliers - vie privée, vie familiale, domicile et correspondance - mais, aussi un nombre de sujets aussi divers que l'orientation sexuelle186(*), la garde d'enfant et la correspondance des prisonniers. Dans un arrêt Niemietz, la Cour est allée jusqu'à refuser de donner une définition exhaustive et à affirmer que « le respect de la vie privée doit aussi englober, dans une certaine mesure, le droit pour l'individu de nouer et développer des relations avec ses semblables » et, elle a établi que la distinction entre les sphères privée et non-privée ne peut se fonder sur la distinction entre activités professionnelle ou commerciale et non professionnelle187(*). La Convention Européenne de plus, exige de l'État non seulement des obligations négatives de ne pas interférer avec le droit au respect de la vie privée, mais aussi des obligations positives pour s'assurer que la législation encourage et garantit un respect effectif. Par conséquent, un État peut être en infraction avec l'article 8 de Convention car il ne fournit pas les garanties légales suffisantes ou est incapable de faire respecter ce droit: il est évident que l'absence de législation globale régissant le droit à la vie privée et l'approche restrictive prise par la Grande-Bretagne pourraient être perçues lors d'une ingérence dans la vie privée par les médias comme une violation de l'obligation positive de l'article 8.

* 179 CEDH,Lingens c/ Autriche, préc.

* 180 R. Clayton et H. Tomlinson, The Law of Human Rights, oxford University press, 2000, 15-216 p1087

* 181 J. Murdoch, «Incorporation and interpretation of Guarantees for respect for private life: a threat to press freedom?», p55 in Human Rights, a modern agenda edited by A Miller, T and T Clark (Edinburgh), 2000, p51-65

* 182 Kaye v Robertson [1991] FSR 62 : «there is no right to privacy, and accordingly there is no right of action for breach of a person's privacy »

* 183 1) This section applies if a court is considering whether to grant any relief which, if granted, might affect the exercise of the Convention right to freedom of expression.

(2) If the person against whom the application for relief is made ("the respondent") is neither present nor represented, no such relief is to be granted unless the court is satisfied--

(a) that the applicant has taken all practicable steps to notify the respondent; or

(b) that there are compelling reasons why the respondent should not be notified.

(3) No such relief is to be granted so as to restrain publication before trial unless the court is satisfied that the applicant is likely to establish that publication should not be allowed.

(4) The court must have particular regard to the importance of the Convention right to freedom of expression and, where the proceedings relate to material which the respondent claims, or which appears to the court, to be journalistic, literary or artistic material (or to conduct connected with such material), to--

(a) the extent to which--

(i) the material has, or is about to, become available to the public; or

(ii) it is, or would be, in the public interest for the material to be published;

(b) any relevant privacy code.

(5) In this section--

"court" includes a tribunal; and

"relief" includes any remedy or order (other than in criminal proceedings).

* 184 S. Spilsbury, Opus cité, p 475

* 185 583 HL Deb 786 (24 Nov. 1997)

* 186 CEDH, X et Y c/ Pays-Bas, 26 Mars 1985, Série A91, para 22

* 187 Niemietz c/ Allemagne, 16 Décembre 1992 Série A251-B, para 29

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote