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Liberté de la presse et droits fondamentaux en France et en Ecosse: influence de la CEDH

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par Abderrahman BENYAHYA
Université d'Auvergne Clermont I - DU Etudes Juridiques et Politiques Comparées 2007
  

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Section 2: Le droit de la diffamation et le droit à la critique

La protection de la réputation d'autrui dans le cadre du droit de la presse constitue une limitation au droit non seulement à l'information mais aussi à l'expression d'opinion: les assertions diffamatoires qui sont l'expression de jugements de valeur s'appuient généralement sur l'imputation de faits. Si la Cour européenne reconnaît la légitimité de la protection de la réputation d'autrui (paragraphe 1), la marge d'appréciation qu'elle reconnaît aux États est restreinte ce qui lui permet d'influencer profondément les droits nationaux pour promouvoir les valeurs inhérentes à la société démocratique (paragraphe 2)

Paragraphe 1: Étendue de la protection de la réputation des personnes

La jurisprudence de la Cour Européenne, si elle reconnaît la protection de la réputation d'autrui comme un but légitime de restriction de la liberté de la presse (A) , rappelle que les auteurs d'assertions diffamatoires doivent pouvoir s'exonérer de leur responsabilité en établissant leur bonne foi et, s'agissant d'assertions de faits, en prouvant la véracité de ceux-ci221(*) . En outre, l'impossibilité de faire jouer cette exception constitue, selon elle, une mesure excessive pour protéger la réputation et les droits d'une personne222(*). Les deux systèmes juridiques écossais et français convergent en ce domaine (B).

A- L'interdiction des propos calomnieux et diffamatoires

La presse est tenue de respecter la réputation d'autrui selon la Convention ce qui implique l'interdiction des propos calomnieux: l'objectif est de protéger les individus contre les allégations mensongères dont le but est de porter atteinte à leur honneur.223(*)

Dans ce domaine, le droit écossais (et plus généralement britannique) connaît une législation spécifique bien avant l'incorporation réalisée avec l'HRA mais critiquée car elle ne fournissait pas une protection adéquate aux individus victimes de l'ingérence des médias dans leur vie privée, et, le processus pour l'obtention de dommages-intérêt a été décrit comme trop long et coûteux. La Common Law toutefois met en avant le droit à la réputation lorsqu'il est confronté à la liberté d'expression car, selon la Court of Appeal dans un arrêt Kiam v Neil « l'histoire nous montre de nombreux exemples qui prouvent que l'atteinte à la réputation des opposants à un pouvoir arbitraire ou à un régime oppressif a été utilisée comme une arme par les despotes »224(*). Cette emphase mise sur la réputation a pour effet l'absence dispositions spéciales qui protègent la presse. Cette dernière est donc sujette aux mêmes règles juridiques qui s'appliquent aux individus. Selon une définition classique donnée en Common Law une expression est diffamatoire si elle tend à rabaisser le demandeur dans l'estime portée par les membres de la société225(*) en l'exposant par exemple à haine, au mépris et au ridicule226(*) ; il n'est pas nécessaire que l'énoncé ait produit des effets actuels sur la réputation mais les cours prennent aussi en compte les effets potentiels:227(*) le demandeur n'a pas à prouver la présence d'un dommage. Il appartient au juge de décider non seulement à partir du texte des affirmations mais aussi du contexte entourant l'affaire si les expressions utilisées sont susceptibles de porter atteinte à la réputation.228(*). Sous une forme permanente (par exemple écrite), l'expression diffamatoire est qualifiée de `libel` tandis que dite oralement, le `slander` ne constituera un délit civil que si des dommages actuels peuvent être prouvés.229(*)

Toutefois une protection absolue a été accordée dans certains cas pour éviter que la liberté d'expression ne devienne une menace pour un débat public et ouvert, au parlement et au cours d'affaires judiciaires230(*)

Pour ce qui est des rapports parlementaires ou d'affaires judiciaires, le privilège accordé est qualifié c'est à dire qu'ils disposent d'une protection renforcée contre d'éventuels recours lorsqu'ils sont de bonne foi et contiennent des informations exactes231(*). La Chambre des Lords dans une fameuse jurisprudence Reynolds v Times Newspapers Ltd a refusé d'accorder une telle protection à la presse d'information politique car la création d'une nouvelle catégorie de privilège empêchera de fournir une protection adéquate de la réputation des individus232(*). De plus, dans ce cas, un journal qui couvrirait les nouvelles politiques pourrait en toute impunité publier des affirmations mensongères et; les lecteurs ne pourraient pas distinguer entre vérité et fiction. Toutefois, la Chambre ajoute qu'un privilège qualifié peut jouer si le média en question arrive à établir l'existence d'un `droit de savoir` et, comme l'affirme Lord Hope, il est plus facile de satisfaire à cette exigence lorsque les politiciens sont impliqués.233(*) Lorsqu'est établit le privilège qualifié, le demandeur peut la faire échouer s'il prouve que la publication a été faite par malveillance explicite: le défendeur avait des motifs illégitimes tels que le fait de blesser volontairement le demandeur et la connaissance du caractère inexact des affirmations.234(*)

En ce qui concerne les domaines non couvert par les privilèges, l'approche suivie par les cours se reflète dans la jurisprudence établie Bonnard v Perryman où il est affirmé qu' « aussi longtemps qu'aucune action illicite n'est commise et à moins que la prétendue calomnie soit infondée, aucun délit n'est commis »235(*) Ainsi, les actions en diffamation n'aboutiront que très rarement: une cour a refusé de lever une injonction même lorsque le défendeur a cherché à soustraire au demandeur de l'argent sous la menace de la publication d'allégations certes dommageables mais vraies.236(*) Pour trouver à s'appliquer, la législation prohibant la calomnie exige de la publication qu'elle soit `sous une forme permanente et les mots [utilisés] doivent tendre à avilir la personne et provoquer haine, mépris et le ridicule`237(*). Mais même en ce cas, la calomnie doit être suffisamment grave et non constituée d'insignifiantes allégations. Ainsi par exemple, la Cour d'appel a refusé de considérer comme diffamant la publication d'un article décrivant un comédien comme étant `affreusement laid` et commentant son apparence en le comparant à Frankenstein, car, les mots s'attaquaient plus à son apparence physique qu'à sa réputation !238(*). Pourtant pour déterminer si l'affirmation est diffamatoire, les juridictions écossaises utilisent le critère in abstracto `de bon père de famille` c'est-à-dire que l'évaluation de la faute est déterminée par la compréhension qu'en aurait un individu ordinaire dans les circonstances de l'espèce (lecteur ordinaire, raisonnable et d'intelligence moyenne). Pour cela, les juridictions font usage en affaires civiles du jury qui va avoir en charge de déterminer le sens exactes des affirmations.

Pour ce qui est de la France, l'article 29 de la loi de 1881 dispose que « toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation ». La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l'identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés. Il est intéressant de noter que les peines seront plus lourdes lorsque l'infraction vise des corps constitués239(*) et les fonctionnaires et autres acteurs publics dans l'exercice de leur profession240(*) que dans le cas de simples particuliers241(*). Pour être caractérisée, la diffamation doit être constituée d'allégation « sous la forme d'une articulation précise de faits de nature a être sans difficulté l'objet d'une preuve et d'un débat contradictoire »242(*) de nature à porter atteinte à l'honneur et à la dignité de la personne visée, qui doit être identifiable même si son nom ne figure pas dans la publication243(*) Comme l'intention coupable est présumée244(*), il n'est pas nécessaire d'en apporter la preuve. Par ailleurs, comme en écosse, il existe des immunités de la défense pour les discours tenus dans les assemblées parlementaires245(*) et les discours et écris d'audience et compte rendus judiciaires246(*).

La protection accordée demande en France et en Écosse que les propos incriminés soient précis et porte effectivement à l'honneur ou à la considération de façon évidente. Si ces éléments sont réunis, l'ingérence dans la liberté de la presse se trouve justifiée en l'absence de faits exonératoires (l'exception de vérité et la bonne foi).

* 221 CEDH, Castells c/ Espagne du 23 avril 1992, série A no 236, § 48; voir aussi l'arrêt Mamère c/ France, 7 novembre 2006, par. 23

* 222 CEDH, Colombani et autres c. France du 25 juin 2002, no 51279/99, CEDH 2002-V, § 66 CEDH

* 223 C Ashton et V. Finch, Opus cité, 8-09 p243-245

* 224 The Law of Human Rights 15.24 p1014

* 225 Lord Atkin dans Sim v Strecht [1936] 2 All ER 1237 voir aussi Report of the Committee on Defamation, Cmnd 5909, 1975 Para 65

* 226 Parmiter v Coupland [1840] 6 M et W 105, p108.

* 227 Hough v London Express Newspapers Ltd [1940] 2KB 507, 515

* 228 Gillik v BBC [1996] EMLR 267

* 229 S Spilsbury, Media Law, Cavendish Publishing Ltd London (2000), p76

* 230 SA 1998, s41 Bill of Rights 1689

* 231 Defamation Act 1996, s15

* 232 Reynolds v Times Newspapers Ltd [1999] 3 WLR 1010, 1017F-G

* 233 Ibid Lord Hope

* 234 Horrocks v Lowe [1975] AC 135

* 235 Bonnard v Perryman (1891) 2 Ch 269

* 236 Holley v Smyth (1998) QB 726

* 237 Goldsmith v Pressdram (1977) QB 83, 87

* 238 Berkoff v Burchill [1996] 4 All ER 1010

* 239 Article 30

* 240 Article 31

* 241 Article 32

* 242 Cass. crim., 3 Déc. 1963, N° de pourvoi : 62-93121 Bulletin criminel 1963 N° 345

* 243 Cass. Crim 22 Mars 1966, Bulletin Criminel Cour de Cassation Chambre criminelle N. 108

* 244 35bis Loi de 1881

* 245 Article 41§1 et §2

* 246 Article 41§3

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus