WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Liberté de la presse et droits fondamentaux en France et en Ecosse: influence de la CEDH

( Télécharger le fichier original )
par Abderrahman BENYAHYA
Université d'Auvergne Clermont I - DU Etudes Juridiques et Politiques Comparées 2007
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Paragraphe 2 : La variété des réactions quant à l'outrage a la religion

Si la France et l'Écosse disposent d'une législation sensiblement semblable quant à la diffamation et à l'injure sur le fondement religieux, la dernière a préféré la politique de l'apaisement sociale (B) au profit d'un débat public et juridique intense connu en Hexagone (A).

A- La France : La mise en forme d'un débat public

La publication de 12 caricatures89(*) représentant le prophète de l'Islam par le journal danois Jyllands-Posten en Septembre 2005 a provoqué de vives réactions et une indignation mondiale au sein de la population musulmane qui s'est sentie injuriée. Dans le même temps, des intellectuels et journalistes ont refusé que la liberté de la presse soit restreinte au nom d'une religion. C'est dans ce contexte que le débat a surgi en France après la reprise par certains journaux de ces caricatures90(*). Une proposition de loi a même été déposée par le député M. Jean-Marc Roubaud91(*) pour interdire « tout discours, cri, menace, écrit, imprimé, dessin ou affiche outrageant, portant atteinte volontairement aux fondements des religions ». Les associations musulmanes Union des Organisations Islamiques de France, la LigueIislamique mondiale et la Grande Mosquée de Paris ont engagé une procédure pénale devant le tribunal correctionnel de Paris contre le quotidien Charlie Hebdo pour « injure publique à l'égard d'un groupe de personnes à raison de leur religion » inscrite à l'article 33 de la loi de 1881. Parmi les caricatures, trois sont visées par les plaignants: celle de Cabu représentant le prophète déclarant : "c'est dur d'être aimé par des cons", les deux autres dessins repris du journal danois Jyllands-Posten, le représentent portant un turban en forme de bombe et refoulant des kamikazes au paradis avec la légende : "Arrêtez, arrêtez, nous n'avons plus de vierges". Cette affaire a suscité une grande agitation dépassant le cadre du procès: de nombreuses personnalités politiques ont été citées comme témoins par la défense transformant ce procès en véritable tribune politique. Le tribunal correctionnel de Paris a jugé que les caricatures publiées par Charlie Hebdo n'étaient pas offensantes pour les musulmans car ne s'en prenant pas à l'Islam mais aux intégristes.92(*) Toutefois, la décision précise que la caricature représentant le prophète affublé d'une bombe dans son turban « laissait clairement entendre que la violence terroriste serait inhérente à la communauté musulmane » et que ce dessein « par sa portée était de nature à outrager l'ensemble des musulmans ». Mais du fait de l'absence chez le journal d'intention de blesser, il n'a pas été condamné.

Cette décision n'est pas en soi une innovation juridique et, il semble bien qu'au regard des précédents, l'affaire des caricatures ait été surexploitée de part et d'autres pour faire valoir une supposée liberté d'expression absolue ou un respect absolu des croyances. Sont en réalité en jeu deux droits fondamentaux protégés aussi bien par les droits national et européen: la liberté de croyance et sa protection contre les injures et l'outrage et la liberté de la presse. En droit interne, la Cour de cassation a déjà eu à se prononcer sur ce genre d'espèces, même s'il est vrai qu'il est rare qu'elle reconnaisse que la restriction à la liberté d'expression soit justifiée. En effet, les termes utilisés doivent entrer dans les catégories de la diffamation ou de l'injure ou de la provocation et ce contre un groupe particulier ou un individu a raison de sa religion, et le simple fait que la publication puisse heurter n'est pas suffisant: il faut qu'elle dépasse les limites admissibles de la liberté d'expression93(*). Ainsi a-t-elle décidé dans un arrêt récent que « la seule parodie de la forme donnée à la représentation de la Cène qui n'avait pas pour objectif d'outrager les fidèles de confession catholique, ni de les atteindre dans leur considération en raison de leur obédience, ne constitue pas l'injure, attaque personnelle et directe dirigée contre un groupe de personnes en raison de leur appartenance religieuse »94(*). Mais il existe des cas dans lesquels, les propos ont un caractère manifestement illicite car ils mettent en cause une communauté particulière à raison de sa religion.95(*) Au niveau européen, le fait de se sentir outragé dans sa croyance est considéré par la Cour de Strasbourg comme une justification de l'atteinte à la liberté de la presse: « dans le contexte des croyances religieuses, peut légitimement figurer l'obligation d'éviter autant que faire se peut des expressions qui sont gratuitement offensantes pour autrui et profanatrices »96(*) et, la restriction de la liberté d'expression peut se justifier comme nécessaire dans une société démocratique au sens de l'article 10 par. 2.

Nous pouvons conclure que l'émergence de ce débat n'est pas tant dû aux implications juridiques qu'au contexte international mêlant risque de confrontation des civilisations et montée des extrémismes religieux et antireligieux. Cette tension qui s'est transposée au niveau national à une mesure moindre a été évitée dans le contexte anglo-saxon plus en recherche de faire cohabiter les différentes religions dans une société multiculturelle pacifiée.

* 89 La plus controversée montrait le prophète avec une bombe dans son turban, une autre, le prophète avec une apparence ambiguë d'ange ou de démon

* 90 France soir le 1er Février 2006, Charlie Hebdo 8 Février.

* 91 Proposition de loi N° 2895 visant à interdire les propos et les actes injurieux contre toutes les religions.

* 92 Voir Le Monde, `caricatures de Mahomet : le directeur de « Charlie Hebdo » relaxé`, 22 Mars 2007.

* 93 Cass.Crim., 14 Février 2006, N° de pourvoi : 05-81932.

* 94 Crim., 14 Novembre 2006, N° de pourvoi : 05-15822.

* 95 Crim., 16 Février 2007, N° de pourvoi : 06-81785.

* 96 CEDH, Wingrove préc.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci