Section II/ Quelle
régulation pour une industrie de réseau ?
L'introduction de la concurrence est au coeur des
nouvelles régulations des industries de réseau de service public
qui visent à améliorer l'efficacité productive et
innovatrice de ces industries. Contrairement à une idée
fréquemment rencontrée, la libéralisation des
réseaux n'est pas synonyme d'effacement de la réglementation, car
elle entraîne une recomposition de celle-ci. Elle implique
l'élargissement de la fonction réglementaire, centrée
jusqu'alors sur le contrôle du monopole, à la promotion et au
contrôle de la concurrence, tout en conservant le suivi d'objectifs
redistributifs ou d'intérêt général. De plus, elle
est généralement confiée à une autorité
spécialisée distincte de l'autorité de la concurrence.
Paragraphe I/ Du
monopole réglementé à l'ouverture à la
concurrence
Les monopoles de réseau ont été
soumis à une réglementation précise sur les tarifs, les
investissements et à des obligations de service public. Les instructions
créées pour sa mise en oeuvre on été d'autant plus
importantes que le secteur était laissé à l'initiative
privée, notamment aux Etats-Unis ou existent des autorités de
réglementations depuis le début du XX° siècle. Mais
la propriété publique, qui a été le monde principal
de régulation des monopoles de réseau dans beaucoup de pays,
n'appelle pas une réglementation aussi étroite des prix et des
obligations de service public qu'un monopole privé. Elle est un effet
supposé protéger l'intérêt collectif contre les
intérêts privés. L'opérateur public assume de telles
obligations en organisant les subventions croisées entre groupes de
consommateurs.
Le modèle d'organisation basé sur le monopole
réglementé a subi des assauts critiques de
« l'économie publique positive » avec la mise en
évidence des risques de capture du régulateur par les entreprises
régulées et des inefficacités du secteur public. En
parallèle, la théorie des incitations proposait des
améliorations de la réglementation des prix du monopole.
En se référant à l'hypothèse de
bienveillance du régulateur, l'approche principale- agent souligne que
les entreprises disposent de plus d'informations que le régulateur sur
leurs technologies, leurs coûts et leur demande. Dans ce contexte de
contrainte informationnelle on cherche le meilleur contrat qui maximise le
bien-être social. En situation d'aléa moral sur les variables de
choix du régulé, le contrat réglementaire à plafond
de prix en vue d'inciter le régulé à réduire ses
coûts génère des rentes informationnelles
élevées pour les agents efficaces, et donc des pertes pour le
régulateur. Au contraire les contrats à coût
remboursé, qui ne génèrent pas de rente, n'incitent
aucunement à l'efficacité. Le premier reste donc le plus
intéressant en ce qu'il incite le régulé à
révéler son information sur l'effort qu'il est en mesure de
faire, ce qui conduit à ajuster le contrat suivant en laissant toujours
une possibilité pour le régulé de dégager une rente
informationnelle. Mais il faut pour cela que le contrat proposé par le
principal soit suffisamment crédible aux yeux de l'agent dans son
engagement à verser ensuite une rente informationnelle. En Grande
Bretagne, pays pionnier de la réforme des industries de réseau,
le modèle de privatisation a été ainsi accompagné
de l'introduction d'une réglementation en plafond de prix avec
l'idée d'alléger la réglementation et de créer des
incitations à l'efficacité productive.
Au-delà de la variété des
situations technologiques des différentes industries, il existe quelques
principes communs de libéralisation qui montrent comment
libéralise- t -on une industrie de réseau. Le premier principe
est de séparer les activités d'infrastructures, qui sont les
seules à rendements croissants, des activités de services
où peut s'exercer la concurrence, en raison de leur interaction qui
donne un pouvoir de marché au détenteur de l'infrastructure
vis-à-vis de ses concurrents. Le deuxième principe est le
changement de structures industrielles, soit par découpage horizontal de
l'opérateur historique et encouragement des entrées, soit par
interdiction à l'opérateur amont d'intervenir sur le
marché aval. Le troisième principe est l'introduction progressive
de la concurrence sur le marché aval. Une condition fondamentale est la
définition de conditions d'accès équitables aux
infrastructures en termes de prix auquel le premier principe doit contribuer.
La concurrence aval amène à la suppression de la
réglementation des prix de vente. Un quatrième principe est de
codifier les obligations de service public (service universel ou autre) qui
seront imposées aux acteurs en concurrence et d'organiser leur
financement de façon équitable pour que la concurrence n'en soit
pas affectée. Autrefois, le contenu et l'ampleur de ces missions
étaient définis de façon discrétionnaire par le
ministère de tutelle en négociant directement avec les
entreprises réglementées. Elles étaient financées
par subventions croisées, mécanisme attrayant pour un
gouvernement car opaque et à faible coût politique. Avec
l'introduction de la concurrence, les compétiteurs qui ont à
supporter ces obligations ne doivent pas être pénalisés par
les coûts liés à ces obligations.
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