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Les obstacles d'ordre juridiques et économiques à l'exploitation en agriculture biologique

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par Benoit d'Humières
Institut des hautes études de droit rural et d'économie agricole - IHEDREA 2007
  

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B) En France : le manque de produits phytosanitaires homologués en agriculture biologique42(*)

1. Interaction des exigences et coût dissuasif.

Il est aisé maintenant de comprendre que, du fait de la double exigence d'inscription au règlement communautaire et d'autorisation nationale de mise sur le marché, il ne subsiste au final que peu de produits disponibles pour les agriculteurs biologiques français. Cette compréhension est encore facilitée lorsque l'on conjugue à cette situation un troisième facteur qui est le plus important, à savoir, le fait que peu de laboratoires se lancent dans une procédure d'homologation pour un produit phytopharmaceutique spécifique à l'agriculture biologique, étant donné que ce marché est encore trop réduit pour les intéresser. Plusieurs cas de figure peuvent alors se présenter :

- une substance active est inscrite au cahier des charges communautaires, mais aucune spécialité commerciale est autorisée en France. C'est notamment le cas de l'azadirachtine, de la gélatine, de certaines huiles végétales (huiles essentielles), du quassia, de l'orthophosphate de fer et du sel de potassium ; (Cf. Tableau en annexe 2)

- des spécialités commerciales sont autorisées en France, mais le cahier des charges communautaire ne les prévoit pas. L'exemple le plus flagrant est celui du cuivre utilisable en France pour lutter contre des maladies fongiques et des maladies bactériennes de certaines cultures et réduit en agriculture biologique uniquement aux usages fongicides par le cahier des charges européen ;

- des spécialités commerciales sont autorisées en France mais sont composées de plusieurs substances dont certaines, bien que d'origine naturelle, ne sont pas inscrites dans l'annexe européenne. C'est l'exemple des spécialités contenant de la cire d'abeille et d'autres substances comme le poix ou des résines.

Cette situation est à l'origine de véritables distorsions de concurrence avec nos voisins européens. En effet, certains états membres ont favorisé l'homologation de produits naturels et d'autres non, comme la France. Diverses mesures peuvent être prises à cet effet. S'il est vrai que la procédure d'homologation est lourde en France, notre propos ne sera certes pas de proposer un allégement qui enlève des garanties quant à l'innocuité des substances homologuées ; le problème principal vient du coût exorbitant d'un dossier d'homologation qui dissuade les fabricants de produits phytopharmaceutiques d'investir dans un secteur de niche comme l'agriculture biologique si le produit ne correspond pas également à un besoin en agriculture conventionnelle. Ce coût peut varier de 100 000 € (pour le purin d'ortie), 220 000 € pour le pyrèthre à 2 000 000 € pour un biopesticide (insectes, virus, micro-organismes, champignons...).43(*)

Mais les difficultés ne s'arrêtent pas là : en effet, avec la directive n° 91/41444(*), l'Union Européenne, face aux problèmes de pollution agricole, avait lancé en 1991 l'évaluation de toutes les substances actives autorisées sur le sol européen. Avec l'échec de l'application de ce programme, le parlement européen a adopté une résolution visant à mettre en place un programme de réévaluation de toutes les substances actives le 25 avril 2002.45(*)

Les substances réévaluées sont inscrites à l'annexe I de cette directive. À la fin du programme de réévaluation, prévue pour décembre 2008, toutes les substances qui ne seront pas inscrites à l'annexe I seront interdites d'emploi sur le territoire européen.

La Commission européenne a créé quatre listes correspondants à quatre degrés de dangerosité des produits et quatre échéances de réévaluation échelonnées dans le temps. De manière légitime, compte tenu des problèmes de santé publique et d'impact environnemental que posent les produits phytopharmaceutiques chimiques, la priorité a été donnée aux substances les plus utilisées et aussi les plus nocives. Mais la conséquence est que la majorité des substances actives utilisables en agriculture biologique font ainsi partie de la dernière liste d'examen, dont la date limite d'examen est fixée au 31 décembre 2008.

Pour qu'un agriculteur puisse utiliser un produit phytosanitaire, il sera donc nécessaire que ce produit réponde aux trois conditions suivantes :

- être inscrit à l'annexe I de la directive 91/414 ;

- être inscrit à l'annexe II B du règlement 2092/91 ;

- avoir fait l'objet d'une autorisation de mise sur le marché français en bonne et due forme.

Tout ceci crée une situation extrêmement délicate. En effet, la réévaluation des substances est une chose judicieuse et nécessaire, mais l'addition de tous ces facteurs réduit à bien peu de choses les produits phytosanitaires disponibles en agriculture biologique. Les substances actives autorisées en agriculture biologique ne craignent pas beaucoup en effet un classement toxicologique, encore que certaines comme la Roténone seront probablement concernées par celui-ci et peut-être interdites. Le problème vient surtout du fait que les sociétés fabricant les matières actives vont aller défendre à Bruxelles les produits qui ont pour elles une importance économique réelle. Ainsi, selon un courrier de la FNAB du 3 juillet 200646(*), il est précisé que plusieurs substances autorisées en bio ne sont pas actuellement soutenues officiellement et risque donc de ne plus être homologuées au niveau européen. Il s'agit de la lécithine, la gélatine, les huiles de paraffine, les huiles de pétrole et certaines huiles végétales.

Les agriculteurs biologiques français risquent de voir ainsi leurs moyens de lutte phytosanitaire considérablement réduits. Prenons un exemple, celui de la roténone. Cet extrait de racines de plantes exotiques est très utilisé en agriculture biologique, parce que c'est un des seuls insecticides autorisés. Or la commission des toxiques a émis récemment un avis défavorable à son autorisation. Pour la remplacer, il existe une alternative naturelle dans le cahier des charges européen : le pyrèthre. Celui-ci est d'ailleurs cité par les professionnels comme une alternative intéressante à la roténone pour la lutte contre la flavescence dorée47(*). Or il est en cours d'homologation, et la procédure est très longue.

* 42 Sources :

Hélène DEBERNARDI, « comprendre la réglementation des intrants en agriculture biologique », Alter Agri numéro 66, juillet/août 2004, page 27 à 31.

Hélène DEBERNARDI, « les matières fertilisantes et les produits phytosanitaires en production végétale biologique : état des lieux et propositions d'évolution » mémoire de fin d'études de l'École Nationale du Génie Rural, des Eaux et Forêts, publié le 25 juin 2004, disponible à l'adresse suivante : http://www.itab.asso.fr/fichiers_pdf/Rapport%20reglementation%20mat%20fertilisantes%20et%20prod%20phytosanitaires.pdf

Jean-Claude FARDEAU et Monique JONIS, « intrants destinés aux productions végétales : les exigences réglementaires actuelles », Alter Agri numéro 65, mai/juin 2004, pages 17 à 20.

Jean-Claude FARDEAU et Monique JONIS, « phytostimulant et éliciteur pour végétaux : propriétés et garanties réglementaires » Alter Agri numéro 65, mai/juin 2004, pages 21 à 24.

Yves MONNET, « point sur l'homologation des produits phytosanitaires utilisables en agriculture biologique », Alter Agri numéro 64, mars/avril 2004, page 25 à 28.

Caroline TROUVÉ, « antiparasitaires d'origine naturelle, pourquoi certains sont-ils interdits en France ? », Biofil numéro 26, janvier/février 2003, page 58.

C. R-F, « viticulture : priorité à la lutte contre la flavescence dorée », Biofil numéro 32, janvier/février 2004, page numéro 20.

Françoise FOUCHER, « phytothérapie : véritable prescription médicale ou simple conseil diététique ? », Biofil numéro 28, mai/juin 2003, pages 45 et 46.

Site du centre de recherche INRA de Versailles Grignon, la structure scientifique mixte, http://www.versailles.inra.fr/ssm/

* 43 Source: Hélène DEBERNARDI, « les matières fertilisantes et les produits phytosanitaires en production végétale biologique : état des lieux et propositions d'évolution », mémoire de fin d'études de l'École Nationale du Génie Rural, des Eaux et Forêts, publié le 25 juin 2004, disponible à l'adresse suivante : http://www.itab.asso.fr/fichiers_pdf/Rapport%20reglementation%20mat%20fertilisantes%20et%20prod%20phytosanitaires.pdf , page 29.

* 44 Directive 91/414/CEE du Conseil, du 15 juillet 1991, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, Journal officiel n° L 230 du 19/08/1991 p. 0001 - 0032, http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:31991L0414:FR:HTML

* 45 Résolution du Parlement européen sur le rapport de la Commission relatif à l'évaluation des substances actives des produits phytopharmaceutiques, http://www.europarl.europa.eu/omk/sipade3?L=FR&OBJID=3578&MODE=SIP&NAV=X&LSTDOC=N

* 46 message électronique du 3 juillet 2006 aimablement communiqué à l'auteur.

* 47 Maladie de la vigne.

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway