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Les obstacles d'ordre juridiques et économiques à l'exploitation en agriculture biologique

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par Benoit d'Humières
Institut des hautes études de droit rural et d'économie agricole - IHEDREA 2007
  

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3. Réadapter la réglementation biologique à la nouvelle situation.

En effet, les études montrent que le succès de l'agriculture biologique est dû pour la plus grande part à l'image d'aliments naturels, sûrs et sains que véhiculent ses produits, beaucoup plus qu'à la communication sur le respect de l'environnement assuré par ses pratiques culturales, et elle tient à garder sa place parmi les signes de qualité. Or la Commission européenne a indiqué, dans sa recommandation en matière de coexistence des filières publiée en juillet 200379(*), qu'en l'absence de seuil spécifique pour cette filière, le seuil de présence fortuite défini pour la filière dite conventionnelle s'applique également à la filière de l'agriculture biologique. En conséquence, selon la Commission, un produit biologique ne peut être élaboré volontairement avec des OGM mais peut en revanche contenir des traces de façon fortuite jusqu'à 0,9% (cas d'une contamination au champ par exemple). Il en est de même pour les aliments pour animaux biologiques. Une telle décision ne manquera pas d'entraîner une crise de confiance majeure chez les consommateurs habitués aux produits biologiques, car elle véhicule l'idée que les produits biologiques n'offrent pas plus de garanties en matière de contamination OGM que les produits conventionnels. Or la profession est unanime pour rejeter le risque d'une telle perte de crédibilité

La situation est tout à fait favorable à une adaptation de la réglementation biologique au contexte de coexistence avec les OGM, puisque la Commission européenne a sorti en décembre une première proposition pour un nouveau règlement européen de l'agriculture biologique, afin de remplacer l'actuel règlement CE n°2092/91. La proposition est en cours de discussion, et est sévèrement critiquée par l'interprofession biologique car elle comporte selon eux moins de garanties que la précédente réglementation. Cependant elle reste l'occasion d'affirmer l'attachement des professionnels de la filière à une agriculture totalement exempte d'OGM. Se pose alors la question de la définition ou non de seuils particuliers de contamination pour l'agriculture biologique.

Dans le cadre de la réglementation actuelle, la fixation de seuils spécifiques à l'agriculture biologique reste la dernière garantie possible pour leur préservation de celle-ci. Mais elle est lourde de conséquences économiques.

Rappelons les deux niveaux de seuils habituellement distingués, à savoir :

- En aval, le taux de contamination d'un produit fini à la vente, au-dessus duquel l'étiquetage OGM est obligatoire; actuellement, d'après le droit communautaire ce seuil est de 0,9 % ; il est précisé également dans le nouveau projet de règlement que l'appellation biologique et l'étiquetage OGM sont incompatibles, ce qui, curieusement, n'était pas mentionnée dans la précédente réglementation ; au-dessus de 0,9 %, la qualité biologique est donc remise en cause.

- En amont, le taux de contamination au-dessus duquel une semence ne pourra plus être considéré comme biologique avant ou après sa mise en culture. Ce seuil n'est pas encore défini au niveau communautaire comme au niveau national. La commission recueille actuellement les avis de scientifiques afin de le déterminer.

Cette distinction est, en fait, assez arbitraire, surtout en agriculture biologique ou les récoltes sont susceptibles de devenir aussi bien des produits finis que des semences pour l'année suivante. Or accepter la contamination des semences contiendrait en germe, on peut le dire, la contamination généralisée de la récolte et l'incertitude par voie de conséquence de respecter le second seuil. Ce risque est bien sûr extrêmement aggravé par l'utilisation de semences de ferme, courante chez les agriculteurs biologiques. Comment prévenir alors une contamination générale de la récolte, si ce n'est par des contrôles lourds et répétés entre chaque semis chez chaque paysan ? Comment être sûr d'ailleurs que les échantillons prélevés soient suffisamment représentatifs pour conclure à l'absence d'OGM, alors que quelques graines suffisent à contaminer toute la récolte au fil des années, et que, pour détecter un OGM, il faut savoir lequel on cherche ? A terme le risque serait grand de devoir déclasser de plus en plus de récoltes biologiques.

La profession exige donc le seuil de détection pour les semences en agriculture biologique. Nécessairement, elle souhaite le même seuil pour les semences conventionnelles, parce que les agriculteurs biologiques utilisent encore beaucoup de semences venant du conventionnel, et qu'une tolérance accordée à celles-ci se traduirait par l'impossibilité d'être garanti de l'absence totale d'OGM lors d'un achat, sans compter la contamination naturelle entre champs voisins dont il ne serait pas possible d'être averti. Si ce point ne devait pas être accordé au niveau européen, la FNAB demande "qu'il n'y ait pas, comme le demande la Commission et les semenciers, une tolérance quelconque sans étiquetage informatif. " Ce point est capital, et s'il n'était pas reconnu, le développement des cultures transgéniques risque de réduire à néant celui de l'agriculture biologique en Europe.

À partir du moment donc, où les semences sont totalement exemptes d'OGM, le respect du second seuil ne devrait plus poser trop de problèmes. La FNAB souhaite "pas de seuil autre que celui de détection fiable, de la semence au produit fini". Théoriquement cependant, il paraît évident que le taux de contamination du produit fini peut être défini de manière plus souple que le précédent. En effet, le pourcentage d'ingrédients contaminés par les OGM autorisés pourrait être ici recouvert par le pourcentage d'ingrédients non biologiques autorisés pour la préparation des produits finis (5 %), dans lesquels des traces d'OGM pourraient être retrouvées, cette tolérance permettant d'éviter un déclassement du produit. Mais il risquerait d'annihiler aux yeux du consommateur les efforts faits par la filière pour préserver les semences des contaminations. Celui-ci doit pouvoir garder confiance dans un étiquetage "sans OGM", et il conviendrait donc que la réglementation européenne prenne en compte le souhait de la filière agrobiologique d'être entièrement préservée de la contamination par les OGM.

Ainsi, en plus de la problématique liée aux inévitables risques de déclassement des cultures, l'autorisation de mise en culture des OGM en milieu ouvert place l'agriculture biologique européenne et française dans un inconfortable dilemme : accepter un seuil de contamination des produits biologiques par les OGM risque d'entraîner une perte de confiance majeure du consommateur dans ce mode de production ; refuser ce seuil, c'est s'obliger à mettre en place un système de contrôle particulièrement lourd qui ne pourra de toute évidence reposer sur les seules épaules des acteurs de la filière transgénique. Dans un cas comme dans l'autre, et les exemples ne manquent pas pour le prouver, l'agriculture biologique pâtira de cette décision.

La problématique de la coexistence, induite par l'introduction des OGM dans le paysage agricole français, oriente inexorablement l'agriculture biologique vers une obligation de résultat. Interrogé sur cette question, M. SADDIER avait dit que l'agriculture biologique ne couperait pas à cette exigence qui sera de plus en plus exigée par les consommateurs. Dans un environnement de moins en moins "naturel" à leurs yeux, ceux-ci réclameront de plus en plus de garanties, d'autant que, nous l'avons déjà précisé, la qualité des produits demeure l'élément moteur pour la clientèle biologique. L'évolution de la situation semble lui donner raison : si la présence des OGM se généralise, cette obligation de résultat deviendra incontournable.

* *

*

* 79 Recommandation de la Commission du 23 juillet 2003 établissant des lignes directrices pour l'élaboration de stratégies nationales et de meilleures pratiques visant à assurer la coexistence des cultures génétiquement modifiées, conventionnelles et biologiques, Journal officiel n° L 189 du 29/07/2003 p. 0036 - 0047,-

http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:32003H0556:FR:HTML

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