Les obstacles d'ordre juridiques et économiques à l'exploitation en agriculture biologique( Télécharger le fichier original )par Benoit d'Humières Institut des hautes études de droit rural et d'économie agricole - IHEDREA 2007 |
Deuxième Partie:DE L'UTILITE DE RECONSIDERER LA PLACE DE L'AGRICULTURE BIOLOGIQUE DANS LA POLITIQUE AGRICOLE ET ENVIRONNEMENTALEI) Les atouts de l'agriculture biologique pour l'agriculture de demainTrès décriée à ses débuts par les ténors de la "révolution verte", inexistante puis marginalisée dans les instances représentatives de la profession, l'agriculture biologique a eu beaucoup de mal à inspirer confiance, car elle était fondée sur une démarche empirique que l'on croyait périmée, dans un milieu imprégné de scientisme et fasciné par des innovations scientifiques pleines de promesses, comme la fertilisation chimique qui permit d'obtenir de fantastiques rendements jamais obtenus jusqu'alors. Elle était appréhendée comme un retour en arrière. Ainsi, l'ancien ministre de l'agriculture François GUILLAUME, qui fut un des pionniers, en tant que jeune syndicaliste du CNJA, de la modernisation de l'agriculture, tourne en dérision les agrobiologistes dans son livre "le pain de la liberté" 80(*), stigmatisant ces "doux rêveurs" qui "préparent la famine". Cette réflexion est révélatrice de l'état d'esprit ambiant. L'époque était en effet marquée du signe de la productivité et de la rentabilité tous azimuts, au sortir des années difficiles de la guerre. Cet impératif vira rapidement à l'idée fixe (il existe même encore aujourd'hui en France un " club des 100 quintaux" dont le but est l'augmentation indéfinie des rendements). Avec l'émergence des grandes structures de production et de transformation, le développement de la grande distribution et l'ouverture aux grands marchés internationaux, les agriculteurs furent rapidement acculés à une fuite en avant, dans un système qu'ils ne maîtrisaient plus, avec l'alternative de survivre en produisant plus et moins cher ou disparaître. Ce fut l'exode rural. Rapidement cependant, le modèle productiviste à outrance montra ses limites. Les premiers à tirer la sonnette d'alarme furent des scientifiques, qui commencèrent à soulever les vraies questions : le Dr DELBET, qui découvrit le pouvoir anti-infectieux du magnésium et son importance dans les aliments, André BIRRE, ingénieur aux Ponts et Chaussées, cofondateur de Nature & Progrès, qui écrivit dès 1959 une brochure intitulée "un grand problème humain : l'humus", Le Dr QUIQUANDON, vétérinaire en exercice à Buxy (Saône-et-Loire) en 1964, qui face à la grave crise sanitaire du cheptel bovin français, ose écrire : "l'animal a fait la preuve que les engrais sont nocifs". Quelques mois plus tard un autre de ses article précisait : "si les engrais sont chers, les utiliser coûte encore plus cher". En démontrant que l'utilisation d'engrais chimiques azotés était à l'origine de graves pathologies chez les bovins, son analyse confirmait ainsi les remarques du grand savant André VOISIN (1902-1964), diplômé de l'Ecole supérieure de physique et de chimie de Paris dont les ouvrages les plus célèbres restent "Sol, herbe et cancer" (1959) et "Tétanies d'herbage". Tous ces scientifiques, qui firent figure d'iconoclastes en leur temps, ont établi la relation entre différentes pathologies humaines ou animales et l'utilisation de produits phytosanitaires chimiques. C'est alors que l'agriculture biologique commença à intéresser la classe politique et la profession, parce qu'elle propose des solutions aux problèmes sanitaires et environnementaux qui commençaient à se faire sentir. Plébiscitée dès le début par les consommateurs, elle a au fil du temps gagné de plus en plus leur confiance notamment suite aux crises sanitaires comme celle de la vache folle et de la fièvre aphteuse, et continue aujourd'hui à en gagner à sa cause. A l'aube du troisième millénaire, la question se pose en effet de savoir quelle agriculture faut-il promouvoir, face aux nouveaux défis qui se posent à la profession et à la société dans son ensemble. L'objet de cette seconde partie est de montrer qu'un meilleur soutien, une meilleure connaissance et une meilleure utilisation de l'agriculture biologique par les pouvoirs politiques permettrait à la France et à l'Europe de prendre une bonne longueur d'avance dans la gestion des enjeux agricoles de demain. Il n'est pas dans le propos de cette étude de démontrer le bien fondé scientifique de la démarche biologique ; cependant, je crois qu'il est ici nécessaire de résumer rapidement les bienfaits et les solutions qu'elle pourrait apporter à l'agriculture française, et qui sont souvent méconnus. A) L'agriculture biologique : une réponse aux défis actuels1. Les atouts sanitaires et environnementaux de l'agriculture biologique.
Face à ces dommages écologiques aux conséquences difficiles encore à évaluer, l'agriculture biologique est une alternative qui protège et favorise même la biodiversité par le maintien de la diversité variétale des végétaux et leur adaptation au terroir et résistance naturelle aux maladies, par le maintien de la diversité des races, par l'exemption des phytosanitaires chimiques de synthèse, par l'utilisation de fumures organiques compostées, par la préservation des haies et l'utilisation de techniques culturales favorables. * 80 GUILLAUME François, le pain de la liberté, Lattès, Paris, 1984. * 81 Agence Française de sécurité sanitaire des aliments, « évaluation nutritionnelle et sanitaire des aliments issus de l'agriculture biologique », http://www.afssa.fr/ftp/afssa/basedoc/rapportagribio290703.pdf * 82 Je discutais récemment avec un cultivateur breton du Finistère exploitant en conventionnel, lui-même atteint d'une tumeur au cerveau, qui s'étonnait du nombre de ses connaissances qui décédaient du cancer depuis quelques années. Quand je lui demandais s'il avait une idée de la raison de cette recrudescence, il me répondit : "je pense qu'avant, on traitait moins les cultures."... * 83 de nombreuses études sur le sujet sont également disponibles à l'adresse suivante : http://www.pesticides-etudes.mdrgf.org/ * 84 Communiqué de presse du Mouvement pour le Droit et le Respect des Générations Futures, 1er juin 2006, http://www.pesticides-non-merci.com/pdf/CP060106_Residus_nouveauxChiffres.pdf * 85 Phénomène de croissance excédentaire des algues et plantes aquatiques, due à la présence excessive de nitrates dans l'eau, qui conduit à une absence d'oxygène dans l'eau entièrement utilisé par ces plantes et entraînant la mort des autres organismes aquatiques. * 86 Institut Français de l'ENvironnement, « les pesticides dans les eaux : données 2003 et 2004 » http://www.ifen.fr/publications/dossiers/PDF/dossier05.pdf |
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