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Les obstacles d'ordre juridiques et économiques à l'exploitation en agriculture biologique

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par Benoit d'Humières
Institut des hautes études de droit rural et d'économie agricole - IHEDREA 2007
  

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IV) Les aides économiques : Revaloriser le soutien aux producteurs biologiques

Un véritable développement de l'agriculture biologique ne pourra se concrétiser que si ce type d'agriculture est véritablement soutenu par les pouvoirs publics. Une grande partie du retard pris par l'agriculture biologique française par rapport à ses voisins européens est en réalité dû à des distorsions de concurrence qui trouvent leur origine dans les différences de soutien financier entre les états membres. Certains ont véritablement misé sur ce mode de production, et d'autres moins, comme la France.

A) Faire évoluer les soutiens vers une aide au maintien

1. Un système d'aide à la conversion faiblissant

La conversion à l'agriculture biologique n'est pas une mince affaire pour un agriculteur. Celui-ci doit en effet assumer un certain nombre de contraintes qui ont tendance à précariser sa situation financière. La période de conversion des terres, comprise entre un et trois ans selon les cultures dans le règlement fondamental européen, l'oblige en effet à commercialiser sa récolte sans pouvoir prétendre à l'appellation biologique, et donc, à la majoration du prix, tandis qu'il est obligé de supporter les contraintes techniques spécifiques à ce mode de production, incluant perte de rendement, non-utilisation d'intrants chimiques de synthèse et accroissement du temps de travail.

La réforme de la politique agricole commune en 1992 a rendu obligatoire la mise en oeuvre de mesures agro-environnementales (MAE) par le règlement communautaire 2078/92. Parmi les applications de ce système, a été retenu au niveau national une aide à la conversion en agriculture biologique. En 1999, deux changements sont intervenus : d'une part, le règlement 2078/92 a été modifié et repris dans le règlement européen de développement rural n°1257/99 qui garde le caractère obligatoire d'application des MAE par les états membres, et d'autre part la Loi d'Orientation Agricole française, votée en juillet, a institué un nouvel outil juridique d'incitation à la prise en compte d'exigences environnementales, le Contrat Territorial d'Exploitation, par lequel seront désormais appliquées les mesures agro-environnementales. Son principe repose sur un engagement de l'agriculteur à mettre en place sur son exploitation des mesures favorables à l'environnement déterminé dans le contrat pour une période de cinq ans, en échange de quoi lui sont allouées des aides. Ce contrat a été un formidable outil de conversion à l'agriculture biologique, car le financement proposé était intéressant. Le tableau suivant, extrait du rapport de M. SADDIER124(*), établit clairement son avantage par rapport à l'ancien système :

Début octobre 2001, 12 500 CTE ont été signés sur les 16 500 demandes ayant reçu un avis favorable en Commission Départementale d'Orientation Agricole.

Mais suite à une demande d'audit par le nouveau ministre de l'Agriculture Hervé Gaymard, les CTE sont suspendus en août 2002. Le 29 novembre 2002, le ministre présente le nouvel outil qui succède au CTE : le Contrat d'Agriculture Durable (CAD). Si le principe de la démarche contractuelle sur 5 ans est conservé, les nouveautés concernent surtout le recentrage territorial du dispositif par la définition d'enjeux environnementaux prioritaires par territoire et la limitation du nombre de mesures agro-environnementales pouvant donner lieu à une contractualisation. Les aides allouées sont limitées à un plafond fixé à 27000 € pour la durée du contrat, et surtout, une enveloppe départementale est fixée dont le montant ne peut plus être dépassé.

La mise en place des CAD s'est traduite par un arrêt brutal des conversions, ainsi que le constate M. SADDIER :

« D'autre part, entre le 16 octobre 2002 et le 31 janvier 2003, vingt-six CTE bio ont été signés avec un montant moyen pour la CAB de 19.5 K€ par contrat. Cette forte baisse du nombre de contrats signés et du montant moyen par contrat coïncide avec l'instauration d'une moyenne départementale maximale de 27.000 € par contrat (cf. circulaire du 10 octobre 2002). »

En effet, outre la réduction de l'enveloppe accordée aux mesures agro-environnementales, la libération des crédits des CAD est intervenue près de deux ans après la suspension des CTE. De nombreux agriculteurs en conversion ont dû se passer des aides publiques, ce qui n'a pas manqué de dissuader bon nombre de candidats.

Le schéma suivant, extrait des chiffres de la Bio de 2005125(*) publiées par l'agence bio, mettent bien en évidence à la fois l'explosion des conversions dues au contrat territorial d'exploitation et le « creux » de 2004 :

Outre la baisse enregistrée en 2004, le schéma de droite met bien en évidence une diminution continue des conversions en 2004 et 2005, représentées en orange, malgré une légère hausse des surfaces et des exploitations en 2005. Ce phénomène est dû à la réduction constante des crédits accordés aux contrats d'agriculture durable, et donc à la conversion en agriculture biologique, depuis la fin des contrats de territoriaux d'exploitation.

Confronté à une crise budgétaire, le gouvernement a en effet décidé de réduire les montants accordés aux mesures agro-environnementales.

Ainsi en 2002 et 2003, plus de 280 millions d'euros étaient disponibles126(*) pour le financement des contrats territoriaux d'exploitation. Le résultat immédiat fut la conclusion de 44 100 contrats en 2002.

En 2004 et 2005, seuls 8000 à 10 000 CAD étaient finançables, et 644 CAD de conversion en agriculture biologique furent signés.

En 2006, le financement fut ramené à 100 millions d'euros en vue de financer 6000 contrats d'agriculture durable.

Le 9 mai de cette année, lors d'un débat au Sénat, Monsieur le sénateur VASSEUR se plaignait au ministre de l'agriculture de cette réduction drastique et avançait qu'en réalité seuls 2000 contrats était réellement finançables, ce que le ministre n'a pas contesté127(*). Ce désengagement de l'État est d'autant plus préjudiciable aux agriculteurs que les aides européennes et régionales en matière agro-environnementales sont indexées sur les aides de l'État.

Cependant, il faut reconnaître que l'agriculture biologique n'a pas été complètement abandonnée dans le nouveau dispositif. En effet, parmi les trois priorités maintenues pour la conclusion des CAD figure la conversion à l'agriculture biologique aux côtés du maintien des pâturages extensifs et du soutien à la filière ovine. Le nouveau ministre de l'agriculture M. Dominique BUSSEREAU a cependant indiqué qu'une enveloppe de seulement 20 millions d'euros lui était réservée128(*), ce qui signifie qu'elle demeure le parent pauvre du système, puisque les deux autres priorités bénéficient du double. Et cela ne correspond pas à l'objectif avancé par l'ancien ministre Hervé Gaymard suite au rapport de M. SADDIER dans ses « mesures en faveur de l'agriculture biologique » en 2004, qui prévoyait une affectation de 50 millions d'euros en faveur de la conversion en AB129(*).

Le ministère de l'agriculture travaille actuellement à la définition d'une nouvelle forme de soutien à la conversion en agriculture biologique. Il est en effet hautement souhaitable que les aides publiques soient renforcées sur ce point, car la corrélation entre aides et conversions est étroite, comme le montre le schéma de l'Agence bio.

* 124 Martial SADDIER, « Rapport au premier ministre Jean-Pierre Raffarin : l'agriculture biologique en France Vers la reconquête d'une première place européenne », juin 2003, page 32, http://www.frablr.asso.fr/telechargements/RapportSaddier.pdf

* 125 Agence bio, « les chiffres de la bio 2005 », http://www.agencebio.fr/upload/actu/fichier/dossier_presse_2005.pdf

* 126 Ancien site du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, « Contrats d'agriculture durable et contrats territoriaux d'exploitation agricole », page consultée le 25 août 2006, http://alize.finances.gouv.fr/budget/plf2004/verts/03/vert03a-29.htm  

* 127 Site officiel du Sénat, compte-rendu de séance du 9 mai 2006, contrats d'agriculture durable, http://www.senat.fr/cra/s20060509/s20060509H9.html

* 128 Site officiel du sénateur du Haut-Rhin Jean-Marie Bockel, « Crédits relatifs aux contrats d'agriculture durable : le ministère répond », publication du 3 juillet 2006, http://www.jm-bockel.com/Les-dossiers-de-votre-Elu/Les-dossiers-de-votre-Elu/Reduction-des-credits-relatifs-aux-contrats-d-ag''

* 129 Ministère de l'agriculture, « mesures en faveur du développement de l'agriculture biologique », 2 février 2004,   http://www.agriculture.gouv.fr/spip/IMG/pdf/mesures_bio_fev04.pdf

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