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Les obstacles d'ordre juridiques et économiques à l'exploitation en agriculture biologique

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par Benoit d'Humières
Institut des hautes études de droit rural et d'économie agricole - IHEDREA 2007
  

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II. Semences et agriculture biologique : un cadre réglementaire à aménager

A) Présentation des difficultés 14(*)

« En Asie, il existait 100 000 variétés de riz cultivées et développées par l'homme depuis des millénaires. En une quarantaine d'années, le chiffre est tombé à 50 ! En Europe, 98 % des variétés potagères traditionnelles ont disparu en l'espace d'un siècle. D'un point de vue écologique, c'est une catastrophe irréversible. »15(*)

Les premières difficultés apparaissent déjà à la base de l'acte de production : l'utilisation des semences.

La question des semences en agriculture biologique est un vaste chantier qui se subdivise en plusieurs points distincts.

Tout d'abord, il convient d'énoncer la problématique générale. Le constat technique est le suivant : l'agriculture biologique souffre actuellement d'un manque de disponibilité de semences issues de l'agriculture biologique et surtout adaptées à ses méthodes.

Ce problème n'est pas nouveau. Les pouvoirs publics ont déjà au fil du temps fait l'effort d'améliorer la situation de l'agriculture biologique en la matière. Le but de ce chapitre est de faire le bilan sur le chemin parcouru et le travail juridique restant à faire. En effet, la recherche des causes des difficultés actuelles fait apparaître que certaines modifications de la réglementation applicable à l'agriculture en général pourraient favoriser une amélioration de la situation.

Chronologiquement, deux nécessités ont rendu nécessaire un travail sur la réglementation en matière de semences pour permettre aux agriculteurs de cultiver selon les principes de la méthode biologique :

- la première était la nécessité de pouvoir disposer de semences issues de l'agriculture biologique ;

- dans un second temps s'est fait ressentir le besoin de cultiver des semences adaptées à celle-ci

Ces deux points constituant deux étapes chronologiques vers une plus grande reconnaissance, il convient de les analyser successivement.

1. Disponibilité en semences biologiques : des évolutions positives mais insuffisantes.

Le règlement européen 2092/91 oblige par son article 6 à ce que toute production qui entende bénéficier de l'appellation biologique soit issue d'une semence répondant en tout point à la réglementation générale concernant les semences et à ce que « la plante mère et la ou les plantes parentales aient été produites selon le mode de l'agriculture biologique pendant au moins une génération, ou, s'il s'agit de cultures pérennes, deux périodes de végétation. » Afin de faire face au manque initial de semences et pour permettre à la filière des semences biologiques de se créer, les producteurs biologiques avaient le droit par dérogation jusqu'au 31 décembre 2003 d'utiliser des semences conventionnelles non traitées sous réserve de justifier qu'ils n'avaient pu trouver de semences biologiques de la variété recherchée.

Mais depuis le 1er janvier 2004, le système de dérogation a été maintenu par le règlement CE n° 1452/2003 du 14 août 2003 en ce qui concerne les plants et les semences qui n'étaient toujours pas disponibles à cette date. Celui-ci précise en effet dans ses considérants:

« Il est clair que, pour un certain nombre d'espèces cultivées dans la Communauté, les quantités de semences et de matériels de reproduction végétative issus de l'agriculture biologique disponibles après le 31 décembre 2003 seront insuffisantes. »

Le règlement prévoit dans une annexe les semences et plants qui pourront encore faire l'objet d'une dérogation. D'autre part, afin de permettre une meilleure adaptation entre l'offre et la demande pour les semences et les plants (de pomme de terre seulement) produits selon les règles de l'agriculture biologique, les fournisseurs sont invités à enregistrer dans une base de données informatisée nationale les espèces et variétés pour lesquelles ils ont des disponibilités en "Bio". Ces semences et plants de pommes de terre issus du mode de production biologique doivent être utilisés obligatoirement, quand ils sont disponibles dans le département, par les agriculteurs biologiques avant toute demande de dérogation.

Le ministère de l'agriculture a confié au GNIS (Groupement national interprofessionnel des semences et plants, organisme de contrôle officiel) la gestion de cette banque de données sur Internet. L'adresse du site est : www.semences-biologiques.org.

Cette innovation est un réel progrès dans l'organisation de la filière biologique, dans la mesure où elle permet une circulation optimale de l'information en ce qui concerne la disponibilité des semences. Mais elle met en relief un problème de fond beaucoup plus important qui représente un vaste travail réglementaire pour l'avenir.

En effet, si la commission européenne a décidé de prolonger la durée de la dérogation, c'est parce que les grands semenciers font très peu de semences biologiques, pour la bonne et simple raison que ce marché est trop réduit pour les intéresser. Par exemple, seule une entreprise semencière propose des semences biologiques de betterave ; aucune ne propose de maïs doux. Quant aux semenciers biologiques, tels que BIAUGERME, GERMINANCE ou ESSEM'BIO, ce ne sont que de petites entreprises artisanales qui ne peuvent encore couvrir tous les besoins et affichent des tarifs élevés. Cette situation est due pour partie à la réglementation sur les semences qui empêchent ces entreprises de commercialiser des semences adaptées à l'agriculture biologique. Ce point fera l'objet de développements ultérieurs.

En outre, ce système, s'il favorise la circulation de l'information, ne favorise pas le développement de la biodiversité. En effet, l'obligation contenue dans le règlement du 14 août 2003 d'utiliser obligatoirement, par préférence à d'autres sources d'approvisionnement, les semences disponibles dans le département concerné risque de limiter le marché des semences biologiques à quelques lignées issues de celles qui étaient disponibles en culture biologique au moment de l'entrée en vigueur de la réglementation. Or le principe de biodiversité est un principe fondamental de l'agriculture biologique, inscrit dans le règlement européen au 9ème considérant, et les représentants de la FNAB ont eu l'occasion de préciser qu'ils préféraient le principe de la biodiversité au principe de la culture de plantes issues de semences biologiques.

D'autre part, seconde réserve outre ce premier problème de biodiversité, utiliser les mêmes variétés en agriculture biologique qu'en agriculture conventionnelle n'est pas satisfaisant pour les agrobiologistes, car il s'est avéré que celles-ci sont mal adaptées aux exigences de la méthode biologique. La filière des semences biologiques ne pourra se développer que si la réglementation lui permet d'utiliser des semences plus adaptées à ses méthodes de culture, et le travail juridique à réaliser est encore très vaste sur ce sujet.

Plus concrètement, l'utilisation de semences conventionnelles pose en effet deux grands problèmes aux agriculteurs biologiques :

- elles obligent la plupart du temps à payer une redevance à l'obtenteur de la variété et ne permettent pas l'utilisation de semences de ferme (sauf pour le blé tendre) à partir de ces variétés car elles sont pour la quasi-totalité protégées, ce qui nuit au principe d'autonomie de l'exploitation auquel les agriculteurs biologiques sont très attachés. L'utilisation de semences de ferme, pratique courante en agriculture biologique qui consiste à réutiliser une partie des semences précédemment récoltées, est en outre nécessaire pour l'adaptation des variétés au terroir, ce qui fait partie des principes fondamentaux de la bio.

- elles sont sensibles aux attaques biologiques en l'absence de traitements chimiques ; les agriculteurs biologiques leur préfèrent sur ce point les semences issues de variétés anciennes, naturellement plus résistantes parce que plus adaptées aux terroirs, mais leur utilisation leur est aujourd'hui inaccessible en l'état de la réglementation.

* 14 Sources :

« Kokopelli cultive les semences du futur », Nature et Progrès n° 33, janvier/février 2002, pages 14 à 16.

« protection des semences de ferme : la mondialisation du danger ! » Nature & Progrès n° 37, septembre/octobre 2002, pages 20 à 22.

« la commercialisation des semences de variétés de conservation », Alter Agri n° 47, mai/juin 2001, pages 26 et 27.

« La réglementation sur les semences en agriculture biologique », Alter Agri n° 56, novembre/décembre 2002, pages 4 et 5.

« Bretagne, les semences paysannes dans la faille expérimentale » Biofil n° 39, mars/avril 2005, page 7.

« Population de céréales, un vivier à exploiter » Biofil n° 32, janvier/février 2004, page n° 29.

« SIVAL. Vers des variétés mieux adaptées à la bio » Biofil n°32, janvier/février 2004, page 13.

« A la recherche de blés riches en arôme pour le pain », Biofil n° 32, janvier/février 2004, page n° 31.

« maïs : revenir au temps sans hybrides » Biofil n° 32, janvier/février 2004, page n° 30.

« Semences fermières, un savoir-faire qui perdure », Biofil n° 28, mai/juin 2003, page 21.

« Les paysans boulangers », Nature & Progrès n° 42, juillet et août 2003, pages 27 à 29.

« Semences paysannes biologiques : l'espoir d'un réseau mondial ? » Nature & Progrès numéro 50, novembre/décembre 2004, page 35à 36.

RÈGLEMENT (CE) N° 1452/2003 DE LA COMMISSION du 14 août 2003 maintenant la dérogation prévue à l'article 6, paragraphe 3, point a), du règlement (CEE) no 2092/91 du Conseil, consultable sur http://www.semences-biologiques.org/pages/CE1452.pdf

MINISTERE DE L'AGRICULTURE - DPEI - NOTE D'INFORMATION AUX PRODUCTEURS :'-'-
Approvisionnement en semences et matériels de reproduction végétative en mode de production biologique

http://www.semences-biologiques.org/pages/information_producteurs.pdf

Hélène Zaharia - Réseau Semences Paysannes, "Sauvons les Semences Paysannes, premier maillon de la chaîne alimentaire", 18 janvier 2005. http://www.passerelleco.info/article.php3?id_article=191#top

GUILLET Dominique, "le Catalogue National: une nuisance agricole de plus". http://www.kokopelli.asso.fr/actu/new_news.cgi?id_news=59

* 15 Ces déclarations surprenantes et un peu alarmistes émanent d'un spécialiste de la question des semences anciennes, M. Dominique GUILLET, fondateur de l'association Kokopelli dont l'objectif est de conserver les semences de légumes anciens du monde entier et de les reproduire.

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