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LES EFFETS ATTENDUS
DE l'A89
Nous venons d'observer la situation actuelle des flux de
transports dans l'ouest lyonnais. La mise en place de l'A89 devrait engendrer
des modifications dans l'organisation des espaces, dans la répartition
des flux et des mobilités. Il est intéressant de se projeter dans
l'avenir pour estimer les effets que peut avoir l'autoroute sur l'ouest
lyonnais. Notre analyse prospective s'appuiera sur des réflexions issues
de la géographie des transports, en prenant en compte les
différents projets d'aménagement de l'ouest lyonnais. Nous
terminerons en évoquant les effets connus d'une autre section
autoroutière pour les comparer aux effets attendus de l'A89.
I - Réflexions sur l'aménagement du
territoire par
les transports
Les éléments de réflexion qui vont suivre
permettent de cadrer épistémologiquement l'étude
prospective des effets de l'A89. Ils sont issus des courants de pensée
actuels. Les citations d'auteurs, d'ordre général, apparaissent
en italique et les réflexions personnelles qu'elles ont suscitées
ont une police classique.
1- Les effets des transports
La notion d'effets a alimenté de nombreux
écrits. Parmi eux, nous retiendrons celui de Jean-Marc Offner : «
Les effets structurants du transport : mythe politique, mystification
scientifique » publié en 1993.
De nombreuses études mettent en doute la
réalité d'une causalité linéaire entre le
développement d'une offre nouvelle de transport et des transformations
spatiales, sociales ou économiques. Dire qu'il existe des effets
structurants de reviendrait à dire que l'on peut prévoir les
conséquences de l'implantation d'une autoroute, comme si ces
conséquences étaient mécaniques (donc
répétitives et prévisibles) (Offner, 1993, p.2).
Dans son article critique des effets structurants, Offner
prend l'exemple de l'extension du réseau de tramways à Los
Angeles à la fin du XIXème siècle. On constate que
l'étalement urbain de Los Angeles se fait simultanément à
l'extension du tramway. Il paraîtrait alors logique, a priori, de penser
que le tramway est à l'origine de l'extension de la ville, et qu'il a
« fait la ville ». On en déduit
alors les effets structurants des transports. Mais ce raisonnement est
infondé scientifiquement. La nouvelle organisation de la ville s
'inscrit dans une représentation de l'habitat qui apparaît au
milieu du XIXème siècle aux Etats-Unis (Offner, 1993, p.3) :
la possession d'une maison individuelle dans un cadre périurbain, voire
rural. Le tramway n'est pas la cause de l'étalement, il est simplement
une technique favorisant la volonté de desserrement et
d'éloignement des centres.
Il cite Plassard : La vision simpliste de
mécanismes de cause à effet ne peut être conservée
dès qu 'on étudie les relations entre autoroute et
développement régional (...). Il faut affirmer clairement que de
telles déclarations sur les bienfaits des autoroutes, nombreuses chez
les hommes politiques, ne reposent sur aucun fondement scientifique (...). L
'introduction de la notion de potentialité semble être une voie
efficace qui permette ce changement de conception. Il convient de s `affranchir
de toute vision déterministe dans la géographie des transports
(Plassard, 1977).
Il ajoute aussi une citation de Harmelle : la route, les
moyens de transport, ne sont ni au fondement ni les moteurs de l
'échange et de la bonne fortune mais au contraire, sur un espace
quelconque, quand pré existent des motifs d'échange, des
pôles de production, un désir du dehors (...), alors des routes
sont frayées, des techniciens innovent, des moyens de transport plus ou
moins adaptés voient le jour (Harmelle, 1982).
Enfin, il rappelle qu'Arthur Young, parcourant les routes de
la France avant 1789, s 'émerveille de leur qualité. Il dit
qu 'elles sont les plus belles d 'Europe, les mieux construites, les mieux
entretenues, les plus larges. Mais il les trouve
désespérément vides de trafic, alors que les chemins
boueux et incommodes de l 'Angleterre de la même époque sont
encombrés. (Offner, 1993, p.4).
Offner pense que : Une des erreurs commises pour analyser
les effets d'une autoroute est de comparer un `avant' et un `après' l
'autoroute, comme si la variable `transport' pouvait être
étudiée comme un élément isolé. Une vision
systémique (l 'infrastructure de transport est intégrée
dans un système géographique, économique, social...) du
changement vise à prendre en compte tous les facteurs d'évolution
de l 'espace. Cela permet de ne pas décontextualiser l 'autoroute du
contexte politique, économique, social qui a permis sa
réalisation. (Offner, 1993, p.5). L'étude que nous nous
sommes proposés de faire ici tentait d'inscrire les transports dans
l'espace auquel ils appartiennent. Des éléments
géographiques, économiques et sociaux ont été
abordés. Leur prise en compte sera indispensable à une analyse
des effets de l'A89 après sa construction.
De plus, une nouvelle offre de transport peut ne pas
modifier les comportements de déplacement si les usagers du
réseau actuel ne considèrent pas la nouvelle infrastructure comme
une aubaine à saisir (Offner, 1993, p.6).
A chaque espace, chaque activité, chaque
société correspond un moyen de transport optimal. Pour rendre
compte des relations entre transport et organisation de socio-économique
de l'espace. La notion de « congruence » est utilisée par
Offner pour décrire ces relations. La congruence permet de saisir
les tendances structurelles préexistantes dans lesquelles l
'infrastructure s 'intègre. On peut ainsi mieux comprendre l 'histoire
des transports et préparer plus scientifiquement l'avenir (Offner, 1993,
p. 7).Une infrastructure, pour qu'elle permette un
développement, doit s'intégrer au mieux dans la
société qui la construit et répondre à ses
objectifs. L'autoroute n'engendrera pas un type de développement, elle
permettra de mettre en place un projet de développement dans lequel elle
est intégrée. Nous étudierons par la suite les projets de
l'ouest lyonnais.
Pourtant, les effets d'une autoroute servent le discours
des politiques et alimentent la presse car ils permettent d'expliquer
clairement les choses et de présenter les intérêts da
réalisation (Offner, 1993, p.8). Les acteurs politiques du roannais
par exemple affirment publiquement que leur salut viendra de l'autoroute.
Ainsi, les défenseurs de l'autoroute créent une
mythification autour de ses effets structurants. Ce mythe
légitime leur action. Les discours politiques simplifient les recherches
scientifiques pour défendre leur projet. Le mythe politique a ses
limites, en raison d'une insuffisance conceptuelle. La géographie des
transports doit renouveler ses paradigmes pour pouvoir prendre en compte le
caractère dynamique et stratégique des interactions entre
transport et espace (Offner, 1993, p.10). Varlet confirme cela quelques
années plus tard : le fondement des recherches est bien passé
d'une simple logique d'effets à une logique d 'interactions
(Geocarrefour, 2002).
L'étude des effets de l'A89 ne devra pas être
fait dans une logique de tronçon mais dans une logique de réseau.
Les conséquences de la mise en service d'infrastructures vont
dépendre des stratégies qui seront mises en place par les divers
acteurs socio-politicoéconomiques. La nouvelle infrastructure produit
des effets de réseau qui influent sur les mobilités (choix de
l'itinéraire ou du mode de transport (Plassard, 2003). Avec l'A89,
les usagers entre Roanne et Lyon auront le choix entre la RN7 et l'A89 et entre
l'automobile et le
train. Les effets d'une autoroute dépendent et sont
fonction des stratégies d'acteurs qui l'accompagnent.
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