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Conséquence de l'évolution du lien substantiel entre Etat du pavillon et navire au sein de la marine marchande Fr. et des équipages

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par Yann Collin
ESC Bretgane Brest - Master 2008
  

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Résumé

Le lien substantiel est la traduction des systèmes organisationnels, humains et structurels par lesquels un Etat exerce ou entretient l'image de son autorité sur un navire battant son pavillon. Le lien substantiel n'a jamais été clairement défini par les réglementations internationales alors que son obligation a été posée par la Convention de Montego Bay en 1982 faisant suite à la convention de Genève de 1958. L'Etat du pavillon est libre quand aux modalités d'exercice de ce lien substantiel, ce qui se traduit principalement dans les conditions d'immatriculations du navire et dans son contrôle.

Depuis la fin de la seconde guerre mondiale la situation de la marine de commerce française n'a cessé d'évoluer vers une libéralisation du système. Alors que suite à l'épisode des Liberty Ships, le gouvernement se posait la question de la Nationalisation de la flotte, la fin de la colonisation, l'apparition des conférences d'armateurs face aux nouveaux pays maritimes, va renforcer la position des armateurs privés dans l'exercice de leur métier en voyant la fin des dernières grandes compagnies d'économie mixte. Au début des années 1980, les premiers pavillons de complaisance, à l'instigation des armateurs américains font leurs apparitions et vont déclencher un dépavillonnement massif vers ces registres de non-droits, non-obligations et non-lien. Permettant de fait à ces mêmes pays de voir leur importance grandir au sein de l'OM/ (Organisation Maritime /nternationale).

Les États à traditions maritimes, telles la France, qui cherchaient à préserver et encadrer de manière stricte l'accès à leur pavillons ont fini par céder sous le poids de la globalisation maritime. L'apparition des pavillons de complaisance à l'orée des années 1980, sous l'impulsion des armateurs américains a permis un accroissement de la concurrence, déjà bien développée à la suite

de l'effondrement du système colonial par l'entée de nouveaux Etats maritimes tel Panama, les Bahamas, le Libéria, la Mongolie (pays côtier ??). Ces nouveaux pavillons présentent l'avantage de ne reconnaître que peu de droits sociaux et font échecs dans la pratique comme en droit aux actions collectives, en s'appuyant et favorisant l'enregistrement des navires sous couvert de société écrans. Les Etats traditionnellement maritimes cherchèrent tout d'abord à se préserver de ce phénomène en s'appuyant sur les syndicats nationaux pour lutter contre cette concurrence. Puis devant le manque de succès flagrant de cette méthode, ils adoptèrent la création de pavillon bis puis plus récemment de registres internationaux, les premiers permettant de favoriser l'emploi d'une main d'oeuvre nationale et offrant aux équipages internationaux un « droit social » encore à l'état embryonnaire pour raison d'inactivité, issu d'un territoire doté d'une autonomie juridique (Mata Utu, îles Kerguelen pour la France). Cette mesure fit tomber la population de marins français à 1500 environs.

C'est dans ce cadre que le lien substantiel a connu la plus forte évolution. L'Etat se concentrant de plus en plus sur un pragmatisme économique et stratégique et les armateurs cherchant autant que faire ce peu à diminuer leurs postes de dépenses et faisant face à une demande croissance de la part de la clientèle de diminuer les couts ont permis la dérive du lien substantiel vers une notion beaucoup plus floue ou la reconnaissance du rôle de l'Etat du pavillon s'est transposée à une pseudo responsabilisation des armateurs puis des affréteurs.

Parallèlement l'évolution des concepts de sécurités civiles ont favorisé une hyper-responsabilisation des équipages contrevenant à la notion maintenant presque désuète de la fortune de mer permettant aux armements et affréteurs de se dédouaner peu à peu sur les Commandants et marins, sur les sociétés de classification, sur les états du port.

Les impératifs commerciaux issus des politiques en flux tendu des systèmes logistiques mondiaux ont engendré une massification des navires comme des terminaux portuaires et des structures adjacentes, et augmenté les contraintes liées à la compétition pour l'obtention des marchés par les armateurs. De ce fait la situation des marins et leurs relations avec les armateurs se sont trouvées modifiées, avec l'exemple extrême du Commandant perdant la quasi-totalité de ses prérogatives commerciales et maritimes.

L'évolution du lien substantiel n'est pas anodine, et ses conséquences sont lourdes à la fois d'un point de vue économique, mais également écologique et humain. La marine de commerce est l'épine dorsale des échanges commerciaux mondiaux, mais les principaux acteurs refusent de voir le cancer qui l'atteint.

La conquête de la haute mer a donné à l'Europe sa primauté universelle au regard de l'histoire, lui permettant de redécouvrir le monde, s'appuyant d'ailleurs bien plus sur les populations autochtones que sur ses propres hommes, et d'en tirer les richesses autant par le biais du commerce que du colonialisme. Cet essor de la navigation hauturière marque réellement l'explosion du pouvoir occidental sur le monde et reste une asymétrie qui, de nos jours encore, laisse des traces. Bien que l'Islam et la Chine aient été les détenteurs d'un savoir maritime nettement en avance sur l'Europe, telle la boussole et la voile triangulaire pour celui-là ou la voile carrée à lattes de bambous et le gouvernail d'étambot qui permet de remonter au plus près du vent pour celui-ci, l'Europe, une fois ces techniques apprises, connue une véritable rénovation à partir du XIIIe siècle. Ces progrès décisifs permirent, en 1297, le premier voyage commerçant de navires de la flotte génoise, les Naves (et il ne s'agit pas encore de découvrir. Deux mille ans auparavant la flotte phénicienne passait Bonne espérance sur les ordres de Pharaon, il s'agissait de navigation côtière 1 seulement, il est vrai...).

1 La navigation côtière s'oppose à la navigation hauturière par l'utilisation continue de la côte comme système de repérage (amers) et comme source d'approvisionnement. La navigation hauturière autorise la perte de vue des côtes grâce à l'utilisation des astres comme système de positionnement.

Cet essor de la marine de commerce comme de la marine militaire (les uns comme les autres étant armés et transportant des marchandises), a permis, outre l'essor des citées d'escale telle Lisbonne au XIIIe siècle, le développement d'un nouveau champ de prospective relative à l'import et à l'export, ce qui a également eu un impact décisif sur la vie terrestre. Apportant de nouvelles denrées rares telles les épices ou le sucre, le café ou le cacao, ainsi que le thé qui fit, avec les soieries indiennes, la fortune de la compagnie des Indes, la marine marchande devint un élément d'importance dans la vie des Européens des classes sociales supérieures, et ensuite de toute la population, comme vecteur de nouveautés et de modes2. Ainsi, l'invasion du café qui arriva à Venise en 1615 puis à Paris en 1643, devint un véritable phénomène de société à partir de 1669 grâce, entre autre, à l'appui de médecins publiant la liste de ses vertus supposées. D'autre part, n'oublions pas que la découverte des Amériques et l'exploitation des mines d'or, d'argent et de cuivre de l'Amérique du Sud rendirent possible la pérennité d'une économie basée sur la stabilité du cours de ces matériaux, et par suite, la redécouverte des moyens de paiement tel que le billet, le chèque, et le crédit.3

D'autre part, la découverte des Terra Incognita et leurs revendications par les Commandants des navires découvreurs « au nom du Roi » furent à l'origine de la mise en place du lien presque sacré entre Etat et navire. N'oublions pas la lettre de course restée célèbre car permettant l'exercice de la flibuste (piraterie) sous la protection de Sa Majesté et évitant, à l'équipage du navire pris, la pendaison.

Ces deux derniers exemples montrent bien l'importance accordée au navire par les gouvernements. Quand Colbert, ministre du Roi Louis XIV, dans le cadre de sa politique d'interventionnisme encourage la construction navale en faisant planter la forêt de Tronçay permettant la construction de 276 navires de guerre, abolit le système de presse à l'Anglaise pour adopter le recrutement maritime et l'enregistrement des marins, et crée la première caisse de sécurité sociale destinée aux invalides de la Marine4, le lien entre l'Etat et le navire est d'autant plus évident qu'il existe dans le cadre d'une politique expansionniste.

2 Nous ne saurions considérer le transport de bled en grain ou en farine comme d'importance au regard des quantités transportées par voie de terre, le rapport est inférieur à 1% avant l'apparition de la vapeur.

3 Ce texte est largement inspiré du livre de Fernand Braudel, Civilisation matérielle, économie et capitalisme, XVe -- XVIIIe, Les structures du quotidien, édition Le livre de poche Références, 1979

4 Elle deviendra l'actuelle ENIM, Etablissement National des Invalides de la Marine

Aujourd'hui, ce lien est en proie à une évolution rapide entamée avec la fin du colonialisme d'une part et l'apparition des pavillons de complaisance d'autre part (nous reviendrons sur ce terme ultérieurement). Les marins modernes, confrontés à une internationalisation des conditions de travail grâce à l'action de l'OIT et surtout à cause de l'extrême compétition régnant entre les compagnies maritimes au commerce, ont le sentiment de perdre de vue la relation qui les lie à leur Etat du pavillon. Que ce soit par le biais des équipages recrutés par marchand d'hommes, ou par l'affrètement de navire coque nue, ou tout autre système accepté par les Etats, les navires sont-ils encore à proprement parlé des portions de territoire National reconnu comme tel, ou des îlots de plus en plus affranchis de la tutelle nationale ? Il s'agit donc, pour nous, de nous interroger sur l'évolution du lien substantiel entre l'Etat du pavillon et le navire en France.

L'existence de ce lien substantiel, s'il est requis par les conventions internationales, n'est cependant ni explicitée ni normée. Chaque Etat signataire a, à sa charge, la mise en place de ce lien substantiel. Ainsi, en France, celui-ci se traduit à travers différents axes techniques, humains et organisationnels. Après avoir défini le concept de navire en terme juridique selon le droit français, nous verrons de quelle manière un navire est amené à arborer le pavillon national. Puis nous étudierons le lien social entre l'Etat et le marin, à travers les différents personnages de l'entreprise maritime, à savoir l'armateur, le Commandant et l'équipage ainsi qu'à travers le contrat d'engagement maritime. Nous montrerons tout au long des paragraphes dans quelle mesure le lien substantiel est affecté en France par les exigences du marché mondial et les réglementations internationales.

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand