b. Aux marges du finage, des
délits ruraux et forestiers difficiles à constater.
La dernière zone géographique du village, celle
que nous qualifions de «marge« est celle réservée
à la forêt, aux vignes, et aux chemins vicinaux. Cette zone est le
royaume du braconnage et du délit forestier. On observe ci-dessus la
part importante de la forêt entre Grand, Midrevaux, Sionne, Chermisey et
Avranville.
· Un lieu exempt de tout contrôle.
La forêt jouit d'une réputation sulfureuse,
Braudel écrit « que les guerres s'étant tellement
prolongées en Lorraine que les paysans trop longtemps exilés de
leur maisons s'ensauvagèrent et devinrent « les loups des
bois ». Ils détroussaient sans vergogne officiers et soldat du
roi386(*) ».
La partie boisée est l'endroit le plus éloigné du village
et implicitement celui le plus éloigné de l'autorité et
des règlements municipaux. Seuls 14,69 % des délits y sont
commis, alors que cette étendue correspond en moyenne à 33,26 %
du territoire des communes. La forêt n'est pas une zone déserte,
elle est utilisée pour circuler vers d'autre village, et pour son aspect
économique. Les bûcherons y élisent parfois domicile, les
villageois vont y chercher des compléments alimentaires, souvent en
braconnant, ou du bois pour se chauffer. Le risque d'y croiser un garde est peu
important, ce qui explique le faible nombre de délits qui y sont
constatés
· Des délits ruraux et forestiers nombreux.
Marie Renée Santucci donne la définition
suivante pour les délits ruraux et forestiers ;
« appropriation, utilisation, enlèvement du sol, ou des
produits naturels du sol situés dans les communaux ou dans les
forêts ainsi que les abus du droit d'usage387(*) ». Les biens
spoliés peuvent être de toutes nature. Dominique Henry à
Neufchâteau enlève de la terre dans un terrain appartenant
à autrui388(*) ». A Grand, il s'agit « d'un
tombereau de sable soustrait frauduleusement dans un héritage
appartenant à Philippe Grélot389(*) ».
La coupe de bois arrive en tête de ce type de
délit, à Morizecourt en 1812, des vignerons ramassent ainsi des
ételles laissées dans un chêne dans la forêt
communale390(*) ». Il s'agit des découpes
effectuées dans l'arbre pour mieux l'abattre, ces morceaux de bois
reviennent traditionnellement au bûcheron. Le glanage est
également interdit mais peu représenté. La plupart des
délits forestiers se commettent dans la partie ouest du canton,
correspondant aux neufs villages les plus délictueux, car ceux-ci sont
les plus boisés. Le caractère sylvestre de l'infraction rend le
délit par nature difficilement répréhensible, les
délinquants disposant de centaines d'hectares pour se fondre
littéralement dans la nature. Les plus malchanceux se feront cueillir en
lisière de forêt ou sur les chemins en rentrant, à moins
qu'ils ne décident de couper à travers champs.
· Le braconnage, une activité forestière,
d'hommes armés et parfois dangereux.
Le délit de chasse se commet également dans le
terroir où il est d'ailleurs plus représenté dans les
procès verbaux. Cependant on peut estimer à juste titre que la
forêt est un des lieux privilégié du braconnage de part sa
faune plus importante et plus diversifiée.
Les principales infractions constatées font suite
à la chasse sans permis. Le recueil des actes administratifs n°18,
précise la façon dont sont délivrés ces permis,
« nul individu ne peut chasser, sauf les exceptions
déterminées par l'article 2, s'il ne lui a pas été
délivré un permis de chasse, sur l'avis du maire et du
sous-préfet 391(*)».
La deuxième infraction la plus courante est le non
respect des dates d'ouverture. A Bréchainville en 1828,
François-Xavier Grojean, le maire de Grand, se fait prendre en chassant
en dehors de la période réglementaire de la chasse. De plus, il
opère sans permis de port d'armes et rentre chargé de gibier
« à travers les champs chargés de récolte en
grains 392(*)».
Les autres infractions les plus courantes concernent les
engins utilisés, les gardes parlent parfois d'arme de guerre pour des
fusils trop dangereux.
Le braconnage semble important, les gardes dans leurs
rapports parlent même de professionnels de la chasse. Dans un
procès verbal, Nicolas Baudot, garçon majeur de Tollaincourt, est
qualifié de « braconnier de profession393(*) ».
Au delà du délit de chasse pur et simple ce sont
les armes placées en de mauvaises mains qui font peur, on ne compte pas
les fermières aux champs qui reçoivent plus ou moins
accidentellement des gerbes plombs. « Tous les jeunes gens
s'imaginent avoir le droit de porter des fusils de chasse et faire acte de
chasse sur tout le finage [...] Il serait à désirer qu'on
désarme cet homme (Nicolas Baudot) qui est réellement
dangereux ».
La forêt est une zone reculée où le
délinquant peut opérer dans une totale impunité
* 386 ROTHIOT, P, ROTHIOT
J-P, Vie journalière et Révolution dans les Vosges, Vittel
Mirecourt et son bailliage 1788-1791, Charmes, Imprimerie du Capucin
s.a.r.l, 1990, p 185.
* 387 SANTUCCI, M, R op.
cit., p 168.
* 388 AD Vosges, 22u48.
* 389 AD Vosges, 22u75,
Grand, 1830.
* 390 AD Vosges, 22u48,
Morizecourt,
* 391 AD Vosges, 4M170,
Recueil des actes administratifs du département des Vosges.
* 392 AD Vosges, 22u69,
Bréchainville, 1828.
* 393 AD Vosges, 22u44,
Tollaincourt, 1811.
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