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La permanence de la qualité d'associé

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par Inès KAMOUN
Faculté de Droit de Sfax - Mastère en droit des affaires 2006
  

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Paragraphe 2 : Le contrôle de l'exclusion quant au fond : le contrôle

des motifs d'exclusion 

Il appartient au juge, quand il en est saisi, de vérifier que l'exclusion n'est pas abusive500(*). Pour ce faire, il est amené à effectuer un contrôle sur la décision d'exclusion quant au fond qui porte sur les motifs pour lesquels ladite décision a été prononcée, c'est-à-dire les raisons pour lesquelles l'associé a été exclu de la société.

Le contrôle effectué par le juge sur les motifs d'exclusion consiste à vérifier tant leur existence que leur véracité. L'existence d'un motif d'exclusion est, en effet, une nécessité501(*) pour que ladite faculté ne s'apparente pas à une décision arbitraire proche d'une exclusion ad nutum, c'est-à-dire sans le moindre motif502(*). La jurisprudence française impose, d'ailleurs, l'obligation de motiver la décision d'exclusion503(*). Une fois l'existence d'un motif d'exclusion constatée, il revient au juge de vérifier sa véracité504(*).

L'étude du contrôle judiciaire des motifs d'exclusion conduit à analyser tant la teneur (A) que les caractères de ces motifs (B).

A- La teneur des motifs 

Lorsque l'exclusion est prévue par la loi, le motif d'exclusion est prévu par le législateur lui-même505(*). Lorsqu'elle est prévue par une clause, la détermination des évènements qui ouvrent droit à une telle faculté est une nécessité ; la clause ne sera valable que si elle prévoit les motifs de son prononcé506(*). A cet égard, les motifs d'exclusion se caractérisent par leur diversité, laquelle repose sur la liberté contractuelle507(*). Ainsi, l'exclusion peut-elle être stipulée pour des raisons tenant soit au comportement de l'associé508(*), soit à sa personne. Elle constitue, dans ces hypothèses, une conséquence de l'intuitus personae qui domine la société. Ceci se vérifie non seulement pour les sociétés de personnes mais aussi pour les sociétés de capitaux. En effet, « il est admis que même dans les sociétés de capitaux, l'intuitus personae peut être pris en considération »509(*) et les actionnaires gardent la faculté de prévoir des motifs d'exclusion en rapport510(*).

Ainsi, un associé peut-il être exclu lorsqu'il vient à perdre une qualité exigée par la société511(*). On trouve dans la jurisprudence française de nombreuses illustrations de cette règle. C'est ainsi que dans un arrêt rendu par la Cour d'appel de Rennes, la clause d'exclusion sanctionnait la perte par un actionnaire de sa qualité de commerçant512(*). Dans un arrêt du 12 avril 1996, la Cour de Paris a donné plein effet à une clause prévoyant que l'actionnaire qui perd la qualité de salarié de la société perd simultanément celle d'associé513(*).

Des statuts ont même pu prévoir que serait exclue « toute société dans laquelle interviendraient des modifications dans l'administration, la direction générale ou la gérance, susceptibles d'amener une prise de contrôle de ladite société par un groupe de personnes qui ne seraient pas susceptibles d'être agréées en tant que cessionnaires des actions de la présente société »514(*). En l'espèce, la Cour d'appel de Rouen515(*) a admis la validité de cette clause au motif que « reconnaître, comme le font une doctrine et une jurisprudence constantes, la valeur des clauses d'agrément est reconnaître qu'une société peut préserver ses intérêts en assurant une continuité de pensée et d'action par le refus qu'elle oppose à l'entrée dans son sein de nouveaux actionnaires qui ont des buts ou des conceptions autres ; que si la pérennité d'une société exige que l'introduction de nouveaux actionnaires soit soumise à agrément, il est incontestable qu'elle peut également exiger que la société puisse exclure les actionnaires dont la présence apporte, par suite d'une modification importante de leur situation juridique ou économique, un risque sérieux de voir la société détournée de son but ou placée dans l'incapacité de le poursuivre »516(*). Dans le même sens, un auteur affirme qu'« afin de renforcer le verrouillage de la société, les statuts peuvent stipuler que l'associé personne morale sera exclu s'il passe sous le contrôle d'un tiers, sans avoir obtenu l'agrément de ses co-associés »517(*). « Certes, il n'y a pas cessions de parts, puisque celles-ci continuent d'appartenir à la même personne morale. Mais il y a atteinte à l'« intuitus personae », ce qui justifie cet agrément au second degré »518(*). Dans le même ordre d'idées, d'autres auteurs considèrent que l'introduction dans les statuts d'une clause d'exclusion en cas de changement de contrôle d'une personne morale associée519(*) constitue un moyen de défense efficace contre les acquisitions indirectes de droits sociaux520(*). Lorsque l'agrément a été donné à une personne morale, le changement de contrôle postérieur de cet actionnaire permet, en effet, de faire entrer un étranger dans la société, et la clause d'agrément est inefficace521(*) puisque, formellement, l'actionnaire n'a pas changé522(*).

Les différents motifs susvisés peuvent être prévus par la clause d'exclusion. Mais s'ils sont de nature à justifier ladite mesure, encore faut-il qu'ils présentent certains caractères pour qu'ils soient valables.

* 500 V. en droit français Cass. com. 21 octobre 1997, préc. Sur l'abus en droit des sociétés, v. Ahmed OMRANE, La souveraineté de l'assemblée générale des actionnaires dans la société anonyme, art. préc., p. 76 et 77 ; Y. REINHARD, L'abus de droit dans le contrat de société, Cahiers de droit de l'entreprise n° 6, 21 juin 1998, p. 8. Il est à noter qu' « il ne s'agit pas d'un abus du droit au sens civiliste de l'expression » parce que l'exclusion d'un associé est plus un pouvoir qu'un droit reconnu à la société. V. en ce sens B. PETIT et Y. REINHARD, note sous Cass., 21 octobre 1997, préc., p. 170.

* 501 V. en ce sens Michel GERMAIN, La renonciation aux droits propres des associés : illustrations, art. préc., p. 412 et 413 ; Laetitia TOMASINI, Les clauses d'exclusion dans les sociétés non cotées, article préc. Cet auteur considère que concernant le contenu de la clause d'exclusion, « la plus grande précaution doit être de mise lors de sa rédaction. Doivent ainsi être clairement précisés les motifs susceptibles d'entraîner l'exclusion de l'associé, chaque associé devant connaître le risque social qu'il court ».

* 502 Laurent GODON, Les obligations des associés, op. cit., p. 241, n° 372 ; Jean-Jacques DAIGRE, La perte de la qualité d'actionnaire, art. préc., p. 547. Selon cet auteur, « l'exclusion ne peut être, en l'absence de texte, abandonnée au bon vouloir des actionnaires ou du juge. Autrement dit, elle ne peut être ad nutum... les cas d'exclusion doivent être définis par avance avec précision si le fondement en est une clause statutaire ».

* 503 Voir en droit français Com. 26 janvier 1981, RTD com. 1981, p. 318, note ALFANDARI et JEANTIN ; Civ. 8 novembre 1976, Rev. soc. 1977, p. 285, note ATIAS ; 16 juin 1993, Rev. soc. 1994, p. 295, note Y. CHARTIER ; Com. 21 octobre 1997, J.C.P. 1998, II, 10047, note D. VELARDOCCHIO ; RTD com. 1998, p. 169, note B. PETIT et Y. REINHARD ; D. 1998, sommaires commentés, 400, note J.-C. HALLOUIN ; Dr. soc. janvier 1998, p. 10, note BONNEAU.

* 504 La véracité ou réalité du motif d'exclusion signifie que le motif invoqué par la société pour exclure un associé coïncide avec celui prévu par le législateur ou par la clause d'exclusion. Sur la nécessité du contrôle de la véracité du motif d'exclusion, v. Didier MARTIN, L'exclusion d'un actionnaire, art. préc., p. 110. V. en jurisprudence française Cass. civ., 16 juin 1993, note Yves CHARTIER, préc., p. 297. Dans cet arrêt, la Cour de cassation française avait jugé que la Cour d'appel n'avait pas légalement justifié sa décision en se prononçant sans vérifier la réalité des fautes retenues par l'assemblée générale à l'appui de la mesure d'exclusion litigieuse. Par un autre arrêt du 8 novembre 1976, la Cour de cassation française avait déjà jugé qu'en présence d'une stipulation statutaire ne permettant d'exclure un associé que pour des raisons graves, il ne suffisait pas à la Cour d'appel « de rechercher si l'exclusion résultant d'une décision prise par les organes compétents était régulière en la forme, mais qu'elle était encore tenue de constater si, conformément au pacte social accepté par les parties et qui leur tenait lieu de loi, l'exclusion du demandeur procédait d'un motif grave légitimant la mesure disciplinaire prise contre lui », cité par Yves CHARTIER, note sous Cass. civ., 16 juin 1993, préc.

* 505 Cette question a déjà été analysée dans le cadre de la première partie de ce mémoire. V., à titre d'exemple, l'art. 325 du C.S.C. concernant l'inexécution par un actionnaire de l'obligation de libération de son apport. Il est à noter que s'agissant des sociétés à capital variable, le législateur prévoit la possibilité d'insérer dans les statuts une clause d'exclusion sans dresser une liste des motifs pouvant être invoqués à l'appui de ladite mesure.

* 506 V. en droit français Didier MARTIN, L'exclusion d'un actionnaire, art. préc., p. 108. V. aussi supra p. 91.

* 507 V. en ce sens, Marie-Christine MONSALLIER, L'aménagement contractuel du fonctionnement de la société anonyme, op. cit., p. 279, n° 667.

* 508 Il peut s'agir, par exemple, de l'inexécution par un associé d'une obligation imposée par les statuts. V. CA Orléans, 26 septembre 1989, Rev. soc. 1990, p. 644, note Y. GUYON. En l'espèce, une S.A.R.L. dont les statuts stipulaient qu'« aucun associé ne peut céder la part qu'il possède dans la société sans le consentement de la majorité des associés représentant au moins les trois quarts du capital social... » a pu prononcer l'exclusion d'un associé qui avait « décidé unilatéralement de son successeur ». Il peut s'agir aussi de l'hypothèse d'un abus de minorité. V. en ce sens Philippe MERLE, L'abus de minorité, art. préc., p. 88 et 92. Cet auteur avance l'exemple du refus abusif de prorogation de la société. Il considère qu'un tel comportement « peut être extrêmement fâcheux, en particulier si la société est prospère ; pour l'éviter, il convient de prévoir dans les statuts une clause obligeant les minoritaires opposants, en cas de désaccord sur la prorogation, à céder leurs parts, si les majoritaires ou la société le leur demandent ». V. également F.-X. LUCAS,  La réparation du préjudice causé par un abus de minorité en droit des sociétés, art. préc. Une réponse ministérielle avait aussi invité à sortir de la situation de blocage que pouvait créer un abus de minorité en stipulant dans les statuts une clause prévoyant la possibilité d'exclure les minoritaires auteurs de l'abus, Réponse ministérielle du 19 septembre 1985, Rev. soc. 1985, p. 891.

* 509 Khalifa KHARROUBI, Le renouveau de l'intuitus personae dans les sociétés par actions, R.T.D. 2000, p. 255 et s. V. en droit français CA Rouen, 8 février 1974, RTD com. 1974, p. 290, note HOUIN ; Rev. soc. 1974, p. 507, note RODIERE ; Isabelle PASCUAL, La prise en considération de la personne physique dans le droit des sociétés, art. préc., p. 276 ; S. HELOT, La place de l'intuitus personae dans la société de capitaux , D. 1991, Chronique 143 ; J. MOLIERAC, Dans quelles limites une société peut-elle interdire à un actionnaire de disposer librement de ses actions ?, Rev. soc. 1925, p. 441.

* 510 Didier MARTIN, L'exclusion d'un actionnaire, art. préc., p. 108.

* 511 V., dans le même sens, Michel GERMAIN, La renonciation aux droits propres des associés, illustrations, art. préc., p. 412. Cet auteur a écrit qu' « à côté du motif qui est une faute de l'associé, d'autres circonstances non fautives peuvent être retenues comme causes d'exclusion. Ainsi en irait-il de l'hypothèse où une clause statutaire imposerait une qualité particulière à l'associé. A défaut de celle-ci, les statuts pourraient prévoir l'exclusion ».

* 512 CA Rennes, 12 juillet 1912, Journal des sociétés 1913, p. 23, cité par Didier MARTIN, L'exclusion d'un actionnaire, art. préc., p. 108.

* 513 CA Paris, 12 avril 1996, Rev. soc. 1996, p. 596, note GUYON. V. également CA Poitiers, 12 novembre 2002, Dr. soc. juin 2003, p. 20, note H. HOVASSE. En l'espèce, les associés d'une société anonyme avaient conclu un pacte extrastatutaire qui créait un lien entre la qualité d'actionnaire et celle de salarié ou de dirigeant, de telle sorte que si l'un d'eux venait à perdre sa qualité de salarié ou de dirigeant, il devait céder ses actions. La Cour d'appel de Poitiers avait admis la validité de ce pacte en jugeant que les parties ont voulu contrôler le développement de la société fondé sur des changements importants de sa structure et qu'il n'est pas démontré que ce type de pacte viole la législation en vigueur.

* 514 Dans le même sens et sous l'empire de la loi du 24 juillet 1966, une proposition de loi prévoyait d'inclure dans ladite loi un nouvel article 276-1 rédigé de la manière suivante : « les statuts peuvent soumettre à l'accord de la société le maintien dans le capital d'une société actionnaire dont le contrôle au sens de l'article 355-1 de la loi viendrait à être modifié. En cas de refus d'agrément, la société actionnaire est tenue de céder les actions qu'elle détient à un prix déterminé dans les conditions prévues à l'article 1843-4 du Code civil. Les actions sont acquises en leur totalité par une ou plusieurs personnes désignées par la société », Journal Officiel du Sénat, 18 novembre 1991, p. 3814, citée par Sylvie DARIOSECQ et Nathalie METAIS, art. préc.

* 515 CA Rouen, 8 février 1974, préc.

* 516 M. VASSEUR considère que la solution retenue par la Cour de Rouen mérite d'être approuvée puisque la clause d'exclusion constitue, dans ce ces, « l'homologue de la clause d'agrément. En effet, la clause d'agrément est le moyen pour la société de ne pas permettre à quelqu'un d'entrer dans la société, si ce quelqu'un n'est pas désiré. Corrélativement, si quelqu'un est entré, qui cesse d'être désiré, il faut pouvoir l'exclure de la société », discussion suivant l'article de Didier MARTIN, L'exclusion d'un actionnaire, art. préc., p. 122.

* 517 Yves GUYON, Les sociétés, Aménagements statutaires et conventions entre associés, op. cit., p. 96.

* 518 Ibid.

* 519 La doctrine française utilise aussi l'expression de « clause de rachat » pour désigner une telle clause. V. Alain THEIMER, Les clauses d'agrément, J.C.P., éd. E, 2005, n° 1587, p. 1883 ; Ingeborg KRIMMER, La clause de rachat, art. préc. ; Laurent FAUGEROLAS, Les moyens de défense face à une acquisition indirecte d'actions, J.C.P., éd. E, 1995, I, 483.

* 520 Alain THEIMER, Les clauses d'agrément, art. préc., p. 1883 ; Ingeborg KRIMMER, La clause de rachat, art. préc. ; Laurent FAUGEROLAS, Les moyens de défense face à une acquisition indirecte d'actions, art. préc.

* 521 Ce contournement possible de la clause d'agrément est limité par l'hypothèse de fraude. Cependant, la Cour de cassation française a pu rappeler que la fraude ne se présume pas. La fraude n'est ainsi pas constituée par la seule « prise de participation, même majoritaire, dans le capital d'une ou plusieurs sociétés actionnaires d'une autre société », Cass. com., 13 décembre 1994, Rev. soc. 1995, p. 298, note RANDOUX ; J.C.P., éd. E, 1995, II, 705, note PACLOT.

* 522 Alain THEIMER, Les clauses d'agrément, art. préc., p. 1883.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille