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Le droit à la présomption d'innocence face au droit à l'information

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par Ouaogarin Roger SANKARA
Université Ouaga 2 - Master de recherche en Droit Privé Fondamental 2015
  

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CHAPITRE 1 : LA REMISE EN CAUSE DU DROIT A L'INFORMATION PAR LE DROIT A LA PRESOMPTION D'INNOCENCE

Le droit à la présomption d'innocence est prévu à l'article 4 de la Constitution burkinabè. Ce texte édicte : « [...] Tout prévenu est présumé innocent jusqu'à ce que sa culpabilité soit établie [...] ».

Le droit à la présomption d'innocence se présente à la fois comme un droit subjectif et un principe essentiel du procès pénal. Sous l'angle du droit subjectif, il est un attribut de la personnalité. En tant que principe du procès pénal, il assure la sauvegarde des droits de la victime. Dans tous les cas, il protège la personne humaine.

Le droit à la présomption d'innocence s'entend comme une interdiction d'annoncer publiquement la culpabilité des personnes mises en cause par la justice à certaines étapes de la procédure. Cette interdiction somme toute légitime et compréhensible commande au journaliste un traitement méticuleux de l'information sur les affaires pénales. Le droit d'informer du journaliste sur ces affaires est maintenu. Autorisé à relayer les affaires pénales à condition de ne pas bafouer la présomption d'innocence des personnes mises en cause par la justice, le journaliste doit faire montre de délicatesse dans sa mission d'informer relative aux questions judiciaires (Section I).

Si le principe général de l'interdiction de présenter en tant que coupables les personnes poursuivies par la justice peut s'appréhender comme un simple gêne pour le droit à l'information, il y a que la présomption d'innocence a conduit le législateur a érigé de nombreuses interdictions de publier auxquelles les journalistes sont soumis (Section 2).

Section 1 : La délicatesse d'informer sur les affaires pénales

L'indélicatesse des journalistes est parfois relevée à l'occasion de la médiatisation des affaires pénales25(*).Tel a été le cas, par exemple, lors de l'affaire Gregory en France, dans laquelle des journalistes se sont immiscés, choisissant leurs propres coupables, jamais condamnés par la justice26(*).

Pourtant, le droit à la présomption d'innocence interdit au journaliste d'être le « bûcher des innocents27(*) ». Le journaliste doit respecter le droit à la présomption d'innocence comprise comme l'interdiction d'annoncer la culpabilité des personnes poursuivies par la justice (§1).

Cette interdiction ne prive pas le journaliste de son droit de traiter des affaires pénales. Seulement, le devoir de respecter l'innocence emporte une incidence gênante sur le droit d'informer du journaliste (§2).

§1. L'interdiction d'annoncer la culpabilité des personnes poursuivies

Le droit à la présomption d'innocence implique l'interdiction d'annoncer la culpabilité des personnes poursuivies par la justice, en l'absence de toute condamnation devenue définitive28(*). Cette interdiction s'impose aussi bien aux journalistes29(*) qu'aux juges et aux pouvoirs publics30(*).

L'essence même du droit à la présomption d'innocence est d'empêcher la déclaration de la culpabilité des personnes poursuivies par la justice alors qu'elles n'ont pas été condamnées par une décision devenue définitive, rendue par une juridiction compétente. Cette interdiction est légitime tant il serait insensé de déclarer la culpabilité d'une personne alors qu'aucune décision de justice ne la fixe pas. Il s'agit d'une interdiction d'annoncer la culpabilité de façon prématurée (A).

Il peut arriver que le rappel des faits produits depuis une certaine durée porte atteinte au droit à la présomption d'innocence. La violation de l'oubli est, dans cette hypothèse, attentatoire à la présomption d'innocence. Il pèse également sur les journalistes et autres diffuseurs l'interdiction de déclarer la culpabilité de façon tardive (B).

A. L'interdiction d'annoncer la culpabilité de façon prématurée

Le droit à la présomption d'innocence refuse qu'une personne mise en cause par la justice soit présentée, avant toute condamnation devenue définitive, comme coupable. Le journaliste doit se conformer à l'exigence d'une condamnation devenue définitive (1).

En outre, il doit tenir compte du fait que depuis la loi française du 15 juin 2000 ayant renforcé la présomption d'innocence, la personne poursuivie peut demander protection, même si elle a été présentée comme coupable en l'absence d'acte spécifique de procédure (2).

1. L'exigence d'une condamnation définitive

L'article 9-1 du Code civil français, dans sa rédaction antérieure à la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence31(*), interdisait que soit présentée publiquement comme coupable, avant toute condamnation, les personnes visées par des actes de poursuites.  L'interdiction porte sur l'annonce de la culpabilité « avant toute condamnation ». Le texte dans sa version actuelle contient toujours cette exigence d'une condamnation définitive.

Sur ce point, Jean Pradel attribue à Louis XVI une assertion considérée comme le fondement originel de la présomption d'innocence : « Le premier de tous les principes en matière criminelle... veut qu'un accusé, fut-il condamné en première instance, soit toujours réputé innocent aux yeux de la loi jusqu'à ce que la sentence soit confirmée en premier ressort ».

Bon nombre d'articles de presse faisant de la culpabilité de personnes poursuivies par la justice, avant une décision de condamnation, tombent sous le coup de la loi. En France, le Journal du Dimanche (JDD) s'est vu sanctionné parce qu'il s'est empressé de présenter à ses lecteurs « les enregistrements accablants » deux journalistes et montrant « comment ils ont fait chanter le roi  Mohammed VI»32(*).

La 17eChambre civile du TGI de Paris a estimé que le JDD a porté atteinte à la présomption d'innocence des deux journalistes mis en examen parce que l'article publié à leur propos « ne laisse planer aucun doute dans l'esprit du lecteur sur la culpabilité des journalistes33(*) ».

En France, l'information suivante a valu à ses auteurs une condamnation pour violation de la présomption d'innocence : "Une avocate toulousaine sous les verrous. Maître Agnès X... a été mise en examen et incarcérée à la maison d'arrêt de Versailles. Elle est soupçonnée d'avoir renseigné directement des trafiquants de drogue... C'est au cours d'une conversation téléphonique que l'avocate toulousaine aurait prodigué ses conseils. Le juge d'instruction chargé du dossier parle de complicité et c'est à ce titre que Maître X... a été mise en examen et écrouée. Cette affaire est unique, il faut remonter six années en arrière pour se souvenir d'avocats mis en examen et écroués : ils avaient passé des armes au parloir d'une prison parisienne34(*)". Le juge a estimé dans cette affaire que le journaliste ne laissait aucun doute sur la culpabilité de la personne, fortement suggérée.

Depuis la loi du 15 juin 2000 renfonçant la présomption d'innocence en France, la personne poursuivie n'a plus besoin qu'un acte spécifique de procédure soit pris à son encontre pour opposer son droit à la présomption d'innocence aux journalistes.

* 25A. PECHARD, « Police, justice, médias », consulté sur www.lepetitjuriste.fr, le 25 novembre 2016 à 10 heures 25 mn 10s

* 26 Voy. « L'affaire Gregory », consulté sur www.police_scientifique.com , le 10 août 2016 à 17 h 33 mn 10 s

* 27 Tel est le titre de l'ouvrage du journaliste Laurence LACOUR, reporter en 1984, de l'affaire Gregory

* 28 La version de l'article 9-1 du Code civil introduit en 1993 disposait : « Chacun a droit au respect de la présomption d'innocence. Lorsqu'une personne placée en garde à vue, mise en examen ou faisant l'objet d'une citation à comparaître en justice, d'un réquisitoire du procureur de la république ou d'une atteinte avec constitution de partie civile est, avant toute condamnation, présentée publiquement comme étant coupable de faits faisant l'objet de l'enquête ou de l'instruction judiciaire, le juge peut, même en référé, ordonner l'insertion dans la publication concernée d'un communiqué aux fins de faire cesser l'atteinte à la présomption d'innocence, sans préjudice d'une action en réparation des dommages subis et des autres mesures qui peuvent être prescrites en application du nouveau Code de procédure civile et ce, aux frais de la personne physique ou morale, responsable de l'atteinte à la présomption d'innocence ».

* 29 J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, Editions CUJAS, 17e édition, 2013, p. 326

* 30 A. SPEILMANN, note sous C.E.D.H, 10 février 1995, Allenet de Ribemont, RTDH 1995. La France a été condamnée dans l'affaire soumise à l'examen de la Cour. Celle-ci a retenu que certains des plus hauts responsables de la police française désignèrent M. Allenet de Ribemont, sans nuance ni réserve, comme l'un des instigateurs, et donc de complice d'un assassinat.

* 31Ibid.

* 32 Dans cette affaire, des journalistes français Eric LAURENT et Catherine GRACIET sont poursuivis pour « chantage et extorsion » sur la personne du roi Mohammed VI.

* 33 TGI, 17e Chambre civile, Paris, 17 février 2016, disponible sur www.yabiladi.com, consulté le 16 octobre 2016 à 17 heures 20 mn 10 s

* 34 Cass. Civ., 2e, 8 juillet 2004, Bull. n° 387, disponible sur www.cassation.fr. , consulté l le 25 novembre 2016 à 19h 25 mn 15 s

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