WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Le droit à la présomption d'innocence face au droit à l'information

( Télécharger le fichier original )
par Ouaogarin Roger SANKARA
Université Ouaga 2 - Master de recherche en Droit Privé Fondamental 2015
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy
B. L'interdiction d'annoncer la culpabilité de façon tardive

L'interdiction d'annoncer la culpabilité de façon tardive se confond avec le droit à l'oubli, un autre droit de la personnalité consistant à maintenir le silence sur des faits dont le rappel peut être nuisible à son titulaire35(*). « Certaines juridictions civiles36(*) ont localement retenu la notion de droit à l'oubli dans l'intérêt de la personne, dès lors que ce rappel de faits passés ne répond à aucune nécessité d'ordre éthique, historique ou scientifique 37(*)», ont écrit Thomas Arendt et autres.

Le rappel des faits de culpabilité, après l'écoulement d'un certain temps, est préjudiciable à l'individu qui a intérêt à ce que son innocence soit maintenue. Ainsi, même si la culpabilité avait été prononcée par une juridiction, après un certain délai elle ne peut plus être rappelée. Le journaliste se trouve face au droit à l'oubli légitime de la personne antérieurement poursuivie, voire condamnée.

Comme on le voit, l'oubli est un élément protecteur de la présomption d'innocence (1). Pour d'aucuns, le droit à l'oubli peut être source d'impunité. Ce qui a motivé une tentative non aboutie de sa levée (2).

1. L'oubli protecteur de l'innocence

L'oubli a essentiellement deux fonctions. Soit, il manifeste la clémence de la société à l'endroit d'un de ses membres. On parle d'oubli rédemption. Soit, il sanctionne le défaut de célérité ou la négligence dans l'exercice d'un droit. Il s'agit de l'oubli prescription ou sanction.

En matière criminelle, la grâce, l'amnistie, la réhabilitation38(*) et même l'exécution de la peine donnent droit à l'oubli. Les faits ayant fait l'objet de grâce, d'amnistie et de réhabilitation ne devraient pas figurer aux bulletins n°2 et 3 du casier judiciaire39(*). On parle d'oubli-rédemption.

Les personnes condamnées par la justice et graciées, amnistiées ou réhabilitées ont droit à ce que les faits ne soient pas rappelés. Selon la fiction juridique, elles n'ont rien commis et sont innocentes. Un rappel des faits peut s'analyser comme une déclaration tardive de la culpabilité. Lorsqu'elles ne bénéficiaient pas de grâce, d'amnistie ou de réhabilitation, leur culpabilité était sans équivoque, mais tel n'est plus le cas.

La loi donne une protection à la personne innocentée suite à une révision40(*) de son procès sous la forme d'un droit à l'oubli. Selon l'article 620 du CPP, elle peut demander des dommages intérêts payés par l'Etat. L'action peut être introduite par les héritiers en cas de décès du condamné innocenté. En outre, le condamné innocenté peut obtenir l'affichage de la décision dans la ville de la juridiction qui a statué, l'insertion de la décision au Journal officiel et la publication de ses extraits dans un journal choisi par la juridiction.

Selon l'article 90 du Code de procédure pénale, le bénéficiaire du non-lieu41(*) peut agir par le biais de la dénonciation calomnieuse ou demander des dommages intérêts au civil ou au pénal. Lorsque le prévenu innocenté choisit la voie pénale, il doit introduire son action par citation devant la chambre correctionnelle du TGI, dans les trois mois du jour où l'ordonnance est devenue définitive. S'il triomphe, il pourra obtenir la publication intégrale ou partielle du jugement dans un ou plusieurs journaux.

On peut aussi voir dans la répression de la diffamation les manifestations du droit à l'oubli et l'interdiction d'annoncer la culpabilité de façon tardive. Si accusé de diffamation, le journaliste est admis à invoquer la vérité du fait diffamatoire, l'exceptio veritatis, pour sa défense, cette exception est irrecevable lorsque « l'imputation diffamatoire se réfère à un fait constituant une infraction amnistiée ou prescrite, ou qui a donné lieu à une condamnation effacée par la réhabilitation ou la révision ».42(*) Les nouvelles lois sur la presse ne semblent plus proscrire le rappel des faits remontant à plus de dix ans.43(*)

Mais l'oubli peut consister en une sanction du titulaire de droit qui a manqué de l'exercer de façon prompte. En droit pénal, le droit à l'oubli se manifeste également par la prescription de l'action publique et des peines. On dit de la prescription qu'elle est la grande loi de l'oubli. Lorsqu'un certain temps44(*) se serait écoulé à compter de la réalisation de l'infraction, la personne mise en cause ne peut plus être poursuivie. Pareillement, lorsque la peine n'a pas été exécutée après l'écoulement d'un délai donné, son application devient impossible45(*).

Ainsi, lorsque des faits constitutifs d'infraction ne peuvent plus être poursuivis parce que frappés de prescription, on suppose que la victime a été sanctionnée par la société pour sa négligence à exercer ses droits. Par ricochet, l'auteur des faits prescrits se trouve protégé contre une menace permanente de devoir répondre indéfiniment de ses actes.

Le droit à l'oubli a connu des tentatives de levée, mais celles-ci n'ont pas abouti.

* 35 C. CHARRIERE-BOURNAZEL, « L'oubli, l'histoire et le droit », 24 sept 2005, disponible sur www.christian-charriere.com , consulté le 30 octobre 2016 à 15 heures 40 mn 05 s

* 36 TGI, Paris, 20 avril 1983, JCP, 1985, II, 20434 : « Toute personne qui s'est trouvée associée à un évènement public, même si elle en a été le protagoniste, est fondée à revendiquer un droit à l'oubli et à s'opposer au rappel d'un épisode de son existence. », cité par ARENDT Thomas et autres

* 37 T. ARENDT et autres, « Le droit et l'oubli », 1er juin 2011, disponible sur www.google.fr, consulté le 20 octobre 2016 à 15 heures.

* 38 La réhabilitation est régie en droit burkinabè par les articles 738 à 755 CPP.

* 39 Art. 725 à 733 du Code de procédure pénale burkinabè.

* 40 L'article 616 du Code de procédure pénale burkinabè dispose : «  La révision peut être demandée, quelle que soit la juridiction qui a statué, au bénéfice de toute personne condamnée pour crime ou délit : 1° lorsque, après une condamnation pour homicide, des pièces sont représentées propres à faire naître de suffisants indices sur l'existence de la prétendue victime de l'homicide ; 2° lorsque, après une condamnation pour crime ou délit, un nouvel arrêt ou jugement a condamné pour le même fait un autre accusé ou prévenu et que, les deux condamnations ne pouvant se concilier, leur contradiction est la preuve de l'innocence de l'un ou l'autre condamné; 3° lorsqu'un des témoins entendus a été postérieurement à la condamnation, poursuivi et condamné pour faux témoignage contre l'accusé ou le prévenu ; le témoin ainsi condamné ne peut pas être entendu dans les nouveaux débats ; 4° lorsque, après une condamnation, un fait vient à se produire ou à se révéler, ou lorsque des pièces inconnues lors des débats sont représentées, de nature à établir l'innocence du condamné ».

* 41 L'article 177 du Code de procédure pénale donne les cas dans le juge d'instruction prononce un non-lieu : les faits ne constituent ni crime, ni délit, ni contravention ; l'auteur est resté inconnu ; les charges ne sont pas suffisantes contre l'inculpé.

* 42 Cette formulation est issue de l'article 118 de la loi 057-2015/CNT portant régime juridique de la presse écrite au Burkina Faso. Les lois 058- 2015/CNT et 059-2015/CNT portant respectivement régime juridique de la presse en ligne et de la radiodiffusion sonore et télévisuelle au Burkina Faso comporte en leur article 94 et 138 des formulations identiques.

* 43 L'article 115 du Code de l'information de 1993 abrogé par les nouvelles lois de 2015 excluait la possibilité pour le journaliste de désengager sa responsabilité en apportant la preuve du fait diffamatoire lorsque celui-ci remontait à plus de dix ans.

* 44 Articles 7, 8 et 9 du Code de procédure pénale burkinabè fixe la prescription à 10 ans, 3 ans et 1 an selon que l'infraction est un crime, un délit ou une contravention.

* 45 Les articles 717 et suivants du Code de procédure pénale burkinabè fixe le délai de prescription des peines à 20 ans pour les crimes, 5 ans pour les délits et deux ans pour les contraventions.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle