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Quel role et quelle place pour le juge constitutionnel espagnol dans un Etat dit "semi fédéral", autonomique ?

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par Caroline Poulard
Université de Nantes et Saragosse - Licence 3 2006
  

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B L' « Etat des autonomies » ; une construction jurisprudentielle du Tribunal Constitutionnel. Le monopole du juge constitutionnel espagnol, comme interprète suprême de la Constitution de 1978

Comme nous allons le voir dans un premier temps, la CE de 1978 n'a pas tranché pour un modèle d'Etat défini mais ouvre la possibilité d'une autonomie pour les différentes régions que compte l'Espagne (1) ; il est donc revenu au T.C. d'apprécier et d'encadrer ce droit à l'autonomie et donc par là même de configurer, par sa jurisprudence, le « patron » de l'Etat autonomique (2).

1_ La justification historique du modèle ; le « droit à l'autonomie » et le principe « dispositif »

La forme sui generis de l'Etat autonomique espagnol n'est pas une modalité d'organisation étatique choisie au hasard.

En effet, l'idée régionale n'a jamais été réellement absente de l'histoire de l'Espagne. Si le thème suscite aujourd'hui un immense intérêt dans l'Espagne post franquiste, c'est sans doute d'abord parce qu'il est ancré dans la mentalité collective du peuple espagnol.

Si l'Espagne franquiste a, conformément à la logique centralisatrice du régime, réprimé durement toute velléité d'autonomie régionale, le régionalisme a tout de même connu dans un passé récent quelques temps forts ; en effet, la Constitution éphémère de la première République en 1873 établissait une organisation étatique de type fédérale et celle de 1931, instaurant la Seconde République, tentait d'organiser un Etat dit « intégral », en somme, très régionalisé.

Autrement dit, en Espagne, le régionalisme politique a de façon quasi constante, été associé à la conquête des libertés démocratiques.

Il n'apparait donc pas hasardeux que l'avènement du régionalisme en Espagne coïncide avec son retour dans la famille des démocraties libérales.

Le choix d'une organisation autonomique intrinsèque à l'Etat espagnol trouve donc son explication première dans le problème régional et la

nécessité d'intégrer distinctes réalités géographiques, économiques et

culturelles.

Il s'agissait en effet, pour les constituants de 1978 de réagir et de prendre le contre pied du postulat franquiste basé sur la dialectique « répression et centralisme », en instaurant, à l'inverse un modèle étatique reposant sur les principes de démocratie, de liberté et d'autonomie.

Toute l'ambigüité et le géni constitutionnels de la norme fondamentale espagnole repose donc en sa capacité à intégrer des vecteurs aussi distincts voire quasi antinomiques que la diversité et l'unité, l'hétérogénéité et l'intégration, en assurant ainsi la viabilité d'un Etat non pas unitaire et centraliste (puisque c'est bien de ce modèle qu'il s'agissait de sortir) mais plutôt très largement décentralisé et maintenant corrélativement une solidarité interterritoriale entre les régions effective.

Aucune disposition dans la CE n'institue l' « Etat autonomique ». La norme fondamentale ne pose en effet pas de modèle d'organisation étatique constitutionnellement défini.

La Constitution opte ainsi pour une formule d'un autre genre et c'est là que se révèle toute l'ambigüité de l'article 2 de la CE en intégrant deux éléments fondamentaux : premièrement, il établit un « Etat unique », doté d'une Constitution et d'un ordonnancement juridique uniques ; ensuite, il reconnait et garantit également le « droit à l'autonomie des nationalités et régions qui intègrent l'Espagne ».

Ce sera donc l'article 2 ainsi que le titre VIII « De l'organisation territoriale de l'Etat » de la CE qui poseront réellement les « fondations » constitutionnelles pour la construction de l'Etat autonomique.

Bien entendu, la conciliation des principes de base unitaire de l'Etat espagnol » et de « droit à l'autonomie des régions » énoncé par l'article 2 de la Constitution nécessite de nombreux aménagements institutionnels qui seront posés par le titre VIII de la Constitution (consacré à l'aménagement des C.A., à leur processus de formation, aux compétences qu'elles pourront ou non recueillir etc.).

Quant à lui, le T.C. est amené, en tant que juge des conflits de compétence entre C.A. et Etat et de par la souplesse des principes énoncés à l'article 2 CE, à jouer un rôle clé dans leur articulation du système et donc dans la construction autonomique de l'Etat ; voilà pourquoi beaucoup parleront de l'« Etat jurisprudentiel autonomique » pour qualifier la configuration organisationnelle de l'Etat espagnol dont la construction doit beaucoup à la jurisprudence du T.C..

L'article 2 et le titre VIII de la CE incarnent donc fondamentalement l'option constitutionnelle faite en faveur d'une profonde réorganisation territoriale de l'Etat, partant de la reconnaissance d'un large ensemble de possibilités, pour accéder à distincts niveaux d'autogouvernement pour les territoires qui en expriment la volonté.

En consacrant une organisation tripartite du territoire espagnol en municipalités, en provinces et en C.A. (Art.137 CE) ainsi qu'en régulant le processus d'accès à l'autonomie, le titre VIII, chapitre III CE fixe le cadre juridique à l'intérieur duquel « peut » se déployer l'exercice du droit à l'autonomie reconnu à l'article 2 de la CE.

Celui-ci fut très largement critiqué pour son caractère jugé inachevé et ambigu, car ouvert à des développements incertains et potentiellement conflictuels, ce qui a amené la doctrine à parler d'une « déconstitutionnalisation de la structure de l'Etat ».

Néanmoins, cet article 2 et le titre VIII consacré à l'organisation territoriale de l'Etat, ont prouvé par le temps qu'ils furent capables de fonctionner de façon satisfaisante ; autrement dit, ils ont servi de plateforme juridique à la transformation de l'Etat espagnol, en passant d'un des Etats les plus centralistes au monde, en un des Etats les plus décentralisés, calqué sur un modèle fonctionnellement « semi-fédéral ».

La clé du succès autonomique espagnol réside ainsi en cette combinaison ingénieuse de l'article 2 de la CE et du titre VIII qui le concrétise et complète en posant les bases du « principe dispositif ». Ce que la doctrine appelle communément le « principe dispositif » n'est rien d'autre qu'une option constitutionnelle, consistant à faire de l'autonomie une faculté, une disponibilité du système.

Il apparaît ainsi encore un peu plus clair qu'avec le principe dispositif consacré à l'article 2 et concrétisé par le titre VIII CE que la CE ne crée pas un Etat de structure autonomique sinon qu'elle permet sa création.

Le principe dispositif, basé sur le principe de volonté des C.A. d'assumer ou non les compétences qui leur sont ouvertes par la Constitution confère donc au modèle espagnol une extraordinaire flexibilité, ce qui constitue un avantage dans le souci d'adapter le système à une réalité mouvante.

Néanmoins, le principe dispositif, de par la largesse et étendue de son concept, laisse le modèle territorial de l'Etat espagnol ouvert à des bouleversements vacillant selon les caprices des majorités politiques fluctuantes.

Il en découle une organisation politique basée sur la différence et confirmant le postulat du juriste Francisco Tomas y Valiente, « L'unité ne correspond pas au monolithisme ni à l'uniformité, sinon à l'intégration des parties dans le tout ».

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci